Commission indépendante sur l’inceste et toutes les violences sexuelles subies pendant l’enfance

Actualité Publié le 11.12.2020
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Communiqué : l’association Face à l’inceste salue la création de cette commission qui est la toute première enquête officielle de victimation sur l’inceste, tout en invitant le gouvernement à agir sans attendre 2 ans pour protéger les enfants.

Une brèche dans le déni institutionnel de l’inceste

L’association « Face à l’inceste » se réjouit que le mot INCESTE figure dans l’intitulé de la Commission créée par le secrétaire d’État Adrien Taquet. Cette commission vise à faire tomber les « tabous », comme il le dit dans une courte vidéo :

« Il est urgent de mieux connaître pour mieux comprendre et donc, mieux lutter, durablement et efficacement, contre ce fléau qui gangrène notre société »

Cette commission indépendante réalisera une « grande enquête de victimation » afin de libérer la parole et « mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre ». « Comment expliquer l’absence de dénonciations ? Les mécanismes de déni ? Le silence dans les familles ? L’incapacité de certains témoins à agir ? (…) comment appréhender les conséquences traumatiques sur leur vie d’adulte ? » demande Adrien Taquet qui voit dans l’existence même de cette commission un « signal fort » destiné à changer la société.

Une commission présidée par Madame Élisabeth Guigou

Le choix d’Élisabeth Guigou pour présider cette commission nous laisse perplexes.

Certes, on se souvient que l’ancienne Ministre de la Justice a fait voter la loi du 17 juin 1998 qui apporta des progrès importants dans la lutte contre la pédocriminalité :

  • Suivi socio-judiciaire pour les pédocriminels après leur sortie de prison, 

  • Interdiction pour les pédocriminels de travailler au contact avec les enfants

  • Renforcement des peines maximales encourues pour l’atteinte sexuelle sur mineur et le viol sur mineur de 15 ans.

  • Prise en charge des soins médicaux à 100% par la Sécurité sociale pour les survivants de l’inceste et de la pédocriminalité

Cependant, on se souvient aussi des propos étranges de l’ex-ministre lors d’une opération de la Gendarmerie pour démanteler le réseau de pédopornographie « Toro Bravo ». Plusieurs personnes mises en cause par ce vaste coup de filet s’étaient suicidées. Mme Guigou s’est demandé à la radio « si on avait besoin de ces arrestations spectaculaires et de toute cette médiatisation ». À notre connaissance il est très rare qu’un ministre de la Justice déplore publiquement que des délinquants potentiels soient déférés en justice. Les survivant(e)s de l’inceste savent bien que le silence ne profite qu’aux agresseurs.

On se souvient du CD-Rom pédopornographique de Zandwoort, rempli de photos d’enfants violés et torturés. La ministre avait publiquement invité les journalistes à « transmettre leurs informations à la justice » alors que la justice française était en possession d’une copie du CD-Rom depuis plus d’un an. Alors qu’on pouvait lire dans Le Monde le 26 juillet 1998 « Le réseau pédophile de Zandvoort a des ramifications dans toute l'Europe », cette affaire n’a donné lieu à aucune poursuite judiciaire en France (le dossier a été classé sans suite en 2003)

Espérons que le nombre et le contenu des témoignages recueillis par la commission aideront Mme Guigou à prendre conscience de l’ampleur et de la gravité du défi d santé publique que sont l’inceste et la pédocriminalité.

N’attendons pas deux ans pour agir !

L’horizon de temps de 2 ans fixé par Adrien Taquet est réaliste par rapport à l’ampleur de la tâche. Cependant nous craignons que ce délai serve à repousser tout projet de réforme jusqu’aux présidentielles de 2022. Que deviendront les 77 propositions du rapport d’Alexandra Louis remis le 4 décembre dernier ? Ces propositions peuvent et doivent être mises en œuvre dès maintenant. A commencer par la création d’un véritable seuil d’âge qui passe par une réécriture du Code pénal visant à supprimer le critère de « violence, menace, contrainte ou surprise » dans le cas de l’inceste et de la pédocriminalité sur les enfants de moins de 15 ans.

Nous saluons la création de cette Commission sur l’inceste et les violences sexuelles. Nous participerons de notre mieux à ses travaux, en mobilisant nos membres pour répondre aux appels à témoins et en apportant notre expertise. Cependant nous resterons vigilants et nous n’accepterons pas que cette Commission sur l’inceste et les violences sexuelles serve à justifier l’inaction du gouvernement dans les 2 ans à venir. Alors que 10% des Français se déclarent victimes d’inceste selon notre dernier sondage, il y a urgence à protéger les enfants !