Enfance volée, chronique d'un déni (à voir sur LCP le 28 mars)

Actualité Publié le 28.03.2019
  Ce jeudi 28 mars à 20h30, la chaîne parlementaire (LCP) diffusera le documentaire "Enfance volée, chronique d'un déni" de Sylvie Meyer, qui donne la parole à des survivant(s)s de l'inceste et de la pédocriminalité. La diffusion sera suivie d'un débat dans lequel je représente l'Association Internationale des Victimes de l'Inceste.  

Comment se fait-il que les violences sexuelles sur mineurs soient aussi peu présentes dans l'espace médiatique. Pourquoi ne sont-elles toujours pas considérées comme un problème majeur de santé publique, qui coûte des milliards à la Sécurité sociale, et qui coûte la vie à ceux et celles qui ont "réussi" leur tentative de suicide ?

Si on compare avec le SIDA ou la sécurité routière (autres défis majeurs de santé publique, que je ne souhaite absolument pas minimiser), force est de constater que:

Nous continuons, collectivement, à ignorer le nombre de victimes qui est énorme (4 millions de survivants de l'inceste en France soit 6% de la population et 9% des femmes selon un sondage Harris 2015 pour Face à l'inceste ). 

Nous continus à  méconnaître les conséquences sur la santé à long terme de la pédocriminalité, qui sont comparables à celles que connaissent les vétérans des conflits armés ou les survivants des attentats terroristes (stress post-traumatique, dépression, anorexie, tentatives de suicide, addictions à l'alcool et autres drogues, conduites à risque, maladies auto-immunes, et je n'en suis qu'au début d'une liste interminable !).

Nos tribunaux continuent à correctionnaliser en masse les viols sur mineurs, c'est à dire à transformer le crime en délit pour éviter un coûteux procès aux Assises et raccourcir l'attente pour les victimes (tout en divisant les peines prononcées par 4 ou 5).

Nos médecins continuent à négliger les signaux qui devraient les alerter, et même lorsque leurs patients leur disent qu'ils ont subi des agressions sexuelles, ne font pas toujours le signalement aux autorités judiciaires. Pourquoi la "clause de conscience" qui permet à chaque médecin d'apprécier selon son propre jugement s'il faut dénoncer ou pas les faits ou les soupçons dont il a connaissance aux autorités existe encore ? Qu'est-ce qui justifie une telle clause manifestement incompatible avec la protection des enfants ?

Nos familles continuent à protéger l'agresseur incestueux au détriment de la victime dans 84% des cas (sondage Face à l'inceste 2011).

Notre culture du viol continue à reporter la faute sur la victime, même lorsqu'elle a 11 ou 13 ans. Un mineur n'a pas le droit d'entrer dans un casino jusqu'à 18 ans, car on estime qu'il n'a pas la maturité pour gérer les risques du jeu addictif. En revanche, pour la sexualité, notre Code Pénal et la jurisprudence de la Cour de Cassation  considèrent que dès l'âge de 6 ans, un enfant est capable d'avoir une sexualité et donc que l'enfant doit se défendre tout seul, armé seulement de son "non-consentement" et de son propre jugement pour se protéger contre les prédateurs sexuels.

Il est temps que ça change !

Par Patrick Loiseleur