Football au Royaume-Uni : huit leçons d'un scandale

Actualité Publié le 02.12.2016

 Wayne Rooney

Depuis la révélation le 16 novembre dernier par le footballeur Andy Woodward des agressions sexuelles qu'il a subi de son entraîneur lorsqu'il était adolescent, le scandale ne cesse de prendre de l'ampleur.

L'association NSPCC (National Society for Protection of Children against Cruelty) a mis en place une ligne téléphonique dédiée qui a recueilli pas moins de 350 témoignages en quelques jours. D'autres footballeurs connus comme Steve Walters and Paul Stewart. Cette affaire n'en est qu'à ses débuts, mais les leçons que nous pouvons d'ores et déjà en tirer sont multiples

1. Les crimes sexuels sur mineurs concernent aussi les hommes. C'est pourquoi Face à l'inceste a mis en place une page dédiée aux survivants hommes et les accueille bien sûr dans les groupes de parole.

2. Les victimes sont nombreuses. 350 personnes, à l'échelle du tout petit monde du football professionnel, c'est énorme. En France Face à l'inceste estime à 4 millions le nombre de survivants de l'inceste.

3. Les survivants hommes ont encore plus de mal à en parler que les femmes, pour des raisons culturelles. On estime à tort qu'un homme est grand et fort et capable de se défendre tout seul. Or un garçon de 11 ou 13 ans a bien peu de moyens pour se défendre contre un adulte est en position d'autorité comme une entraîneur sportif. 

4. Les conséquences à long terme sont lourdes.  Andy Woodward a 43 ans aujourd'hui, il a cessé de jouer à 29 ans, en raison de sa fragilité psychologique consécutive à l'agression. Il a songé au suicide "au moins 10 fois", selon son témoignage publié par The Guardian. Il a souffert de dépression et d'anxiété malgré une carrière plutôt brillante. "Ma vie a été ruinée jusqu'à l'âge de 43 ans", résume-t-il.

5. Il faut du temps aux survivants pour sortir du silence. Trente ans dans le cas d'Andy Woodward. Combien sont morts avant d'avoir parlé ? 

5. La force d'un témoignage public. Le fait qu'un survivant parle publiquement encourage les autres à le faire, et à chercher le soutien qui leur a longtemps manqué faute de pouvoir dire ce qu'on leur a fait subir.

7. Le prix du silence. Nous avons appris qu'un club de football (Chelsea) qui avait payé un survivant 50.000£  pour qu'il se taise (sources: The Gardian 29/11/2016, Le Monde 30/11/2016). Malheureusement, la protection de la réputation d'une institution a encore trop souvent la priorité sur celle des survivants. Il faut que cela change !

8. Il n'existe pas de prescription judiciaire au Royaume Uni, contrairement à la France. Dans le cas où l'agresseur n'est pas décédé, il est donc possible pour les victimes présumées de porter plainte, même longtemps après les faits.

Sans céder à la panique ou à la paranoïa, il nous faut ouvrir les yeux pour constater que les survivants de l'inceste et des crimes sexuels sur mineurs sont nombreux, et qu'ils sont souvent invisibles. Le grand défi pour la société dans son ensemble est de protéger tous les enfants. Cela nécessite par des actions de prévention et d'information, de formation enseignants et des professionnels de santé, et aussi par une justice efficace et diligente dotée de moyens suffisants. Les associations ne peuvent pas tout faire, et c'est pourquoi Face à l'inceste demande au gouvernement un véritable Plan 'inceste' pour traiter ce que l'OMS qualifie de fléau pour la santé publique. Assez de scandales, assez de déni ! Il est temps d'agir pour aider les survivants et protéger nos enfants.