Maltraitance familiale : Michèle Créoff et la journaliste Françoise Laborde se mobilisent

Actualité Publié le 21.10.2018

 

Voici une tribune parue le 21 octobre 2018 dans le Journal du Dimanche ; pour la protection de l'enfance et soutenue par l'AIVI.

Plusieurs personnalités comme les philosophes Sylviane Agacinski et Élisabeth Badinter, la journaliste Anne-Claire Coudray, l'animatrice Flavie Flament, l'humoriste Florence Foresti, la réalisatrice Tonie Marshall, l'animateur-producteur Nagui, le footballeur Adil Rami ou encore la productrice Mélissa Theuriau soutiennent la tribune de la vice-présidente du Conseil national de la protection de l'enfance Michèle Créoff et de la journaliste Françoise Laborde contre la maltraitance familiale.

"Monsieur le Président,

En France, chaque semaine, deux enfants meurent sous les coups et les tortures. Soixante-treize mille cas de violences sur mineurs sont identifiés par les forces de police chaque année, soit 200 par jour. Trois cent mille enfants sont pris en charge par l'ASE (Aide sociale à l'enfance) et 160.000 sont retirés à leur famille. Ces maltraitances sont fréquemment connues des services sociaux, des voisins, des juges, qui souvent maintiennent ces enfants chez leurs bourreaux.

En France, 7.000 viols de mineurs sont officiellement recensés chaque année, soit presque 20 par jour. C'est 44 % des viols commis dans notre pays. La moitié des victimes de viols et d'agressions sexuelles ont moins de 12 ans. Seulement 2 % des cas donnent lieu à une condamnation. La loi dite "Schiappa" sur les violences sexuelles, votée le 31 juillet dernier, n'y changera rien. En France, 70 % des enfants placés n'ont aucun diplôme, alors même que l'Etat dépense pour eux 44.000 euros par an et par enfant, c'est-à-dire le prix d'un collège d'élite ; 40 % des SDF de moins de 25 ans sont d'anciens enfants placés qui sont "renvoyés" de toutes les structures d'accueil le jour de leurs 18 ans "parce que c'est la loi".

Face aux lacunes de notre dispositif de protection de l'enfance, face à l'indifférence des pouvoirs publics vis-à-vis de ces drames, nous demandons une autre politique, lucide, fondée sur la satisfaction des besoins de l'enfant et le respect de ses droits. Nous proposons à cette fin 19 mesures concrètes.

Face à la maltraitance familiale

- Mettre en place un guide national d'évaluation des dangers et y former tous les intervenants pour un diagnostic objectif et rapide

- Créer dans chaque département des équipes spécialisées pour mener ces évaluations

- Diligenter des enquêtes internes si un drame survient alors que la famille était suivie.

Face à la lourdeur et à la violence de la procédure pénale

- Rendre obligatoire l'enregistrement vidéo de l'audition de l'enfant victime et son visionnage lors de la procédure pénale, sous peine de nullité

- Créer dans chaque département des unités spécialisées pour recueillir la parole de l'enfant ;

- Nommer un avocat auprès de l'enfant pour toutes les procédures le concernant

- Mettre immédiatement à l'abri l'enfant lorsqu'une maltraitance est suspectée ;

- Réformer la définition du viol sur mineur dans la loi du 31 juillet 2018 pour un interdit plus systématique.

Face aux parcours chaotiques des enfants protégés

- Stabiliser leur statut juridique et les laisser vivre auprès des adultes bienveillants qui les élèvent ;

- Interdire tout changement de lieu d'accueil, sauf si les besoins fondamentaux de l'enfant ne sont pas satisfaits ;

- Développer l'accueil familial et favoriser les parcours scolaires des enfants placés ;

- Permettre le droit à une deuxième famille, en adaptant le statut juridique de l'enfant et en favorisant l'adoption simple.

Face à l'insuffisance du suivi sanitaire des enfants confiés à l'ASE

- Organiser dans chaque département un réseau de soins spécialisés, pris en charge par la Sécurité sociale ;

- Initier un programme de recherche en santé publique pour évaluer ces situations.

Face à l'indignité de l'accueil des mineurs non accompagnés

- Transférer à l'État l'évaluation de la minorité de ces jeunes avec une mise à l'abri immédiate ;

- Confier leur accueil aux départements, avec un accompagnement spécifique, seule garantie d'une intégration réussie.

Face à l'abandon des jeunes confiés, à leur majorité

- Rendre obligatoire la prise en charge des jeunes confiés à l'ASE jusqu'à 21 ans ;

- Assurer la poursuite d'études, l'accès à une formation professionnelle, l'accès à un logement ;

- Organiser et financer des réseaux de solidarité, notamment les réseaux des anciens enfants confiés.

Nous vous demandons, Monsieur le Président, de mobiliser toutes les institutions de l'État pour lutter contre la maltraitance des enfants. Il faut que leur protection soit une grande cause nationale. Nous demandons aux départements que la protection de l'enfance ne soit pas la variable d'ajustement de leurs difficultés budgétaires. Nous demandons à nos concitoyens de se manifester auprès de leurs élus pour que ces enfants en danger ne restent pas les oubliés de la République.

 Les premiers signataires de cette tribune : Sylviane Agacinski (philosophe), Isabelle Aubry (présidente de l'Association internationale des victimes de l'inceste), Élisabeth Badinter (philosophe), Marie-Pierre Colombel (présidente d'Enfance et Partage), Anne-Claire Coudray (journaliste), Anny Duperey (auteure, comédienne), Valérie Expert (journaliste), Flavie Flament (animatrice, auteure), Florence Foresti (humoriste), Nathalie Garçon (créatrice), Tina Kieffer(présidente de Toutes à l'école), Chantal Ladesou (comédienne), Gilles Lazimi(médecin, Fondation pour l'enfance), Gérard Lopez (psychiatre, président de l'Institut de victimologie), Lyes Louffok (auteur), Tonie Marshall (réalisatrice), Jean-Marie Muller (président de la Fédération des associations d'anciens enfants placés et pupilles), Nagui (animateur-producteur), Emmanuelle Piet (présidente du Collectif féministe contre le viol), Adil Rami (footballeur), Céline Raphaël(auteure), Caroline Roux (journaliste), Bruno Solo (comédien), Mélissa Theuriau(productrice), Chantal Thomass (créatrice).