Outreau : audition à charge du juge Burgaud

Actualité Publié le 10.06.2007

COMMUNIQUE 13 février 2006

Association Internationale des Victimes de l'Inceste

Outreau : audition à charge du juge Burgaud

Dans l’affaire d’Outreau, qui s’est mis à la place des 12 enfants reconnus victimes, violés par des adultes. Peu de personnes ont pris leur défense si ce n’est le juge Burgaud, répétant à maintes reprises avoir mené son instruction de la sorte pour les protéger de leurs violeurs devant un mur parlementaire indifférent à ses propos.

En tant que victimes de l’inceste, nous sommes choqués par le comportement des parlementaires lors de l’audition du juge Burgaud. Choqués aussi par l’analyse qui en est faite par les médias et qui sera retenue par l’opinion publique. Au nom des enfants d’Outreau, nous, qui avons subi l’inceste, vécu la réalité sordide d’une instruction, vu nos agresseurs condamnés ou non, nous ne percevons pas comment notre système va pouvoir avancer avec des parlementaires aussi « enfermés », dans leurs certitudes, leurs attentes et leurs convictions !

Certains membres de cette commission nous ont insultés : « enfants pervers », « ayant commis des actes avec les adultes », « enfants fous » « ayant une tendance pathologique à l’affabulation »… quel respect pour ces enfants traumatisés et sans défense, quelle compassion à leur souffrance ? Où est cette humanité que l’on exige pour les acquittés d’Outreau ? Ne leur doit-on pas aussi des excuses ? Est-ce comme cela que l’on pense améliorer notre système judiciaire, en accusant des enfants de ne pouvoir identifier avec certitude leurs agresseurs, de ne pouvoir se souvenir parfaitement des lieux et des horaires des séances de torture, de ne pouvoir prouver, preuves à l’appui la réalité de leurs sévices, d’être vierges tout en ayant été sodomisés ? De tels propos scandaleux n’ont pourtant indignés personne.

Lorsque nous écoutons le juge Burgaud, les questions posées, les réponses apportées, nous savons, pour l’avoir vécu, qu’il s’agit de la réalité de l’instruction aujourd’hui. Nos parents nous ont menacés de mort si nous parlions. Qui pouvait alors nous protéger si ce n’est la police, la justice ! Lorsque le juge Burgaud se dit seul et isolé, il l’est, comme tous les professionnels confrontés à l’inceste (avocats, psychiatres, experts, travailleurs sociaux, médecins...) Pendant les sept heures d’audition du juge, lui seul a parlé d’inceste, de son émotion face à la souffrance de ces enfants qu’il « a pris au sérieux » ! Le tabou de l’inceste est tel qu’il n’est toujours pas inscrit dans le code pénal malgré les promesses de Pascal Clément notre ministre de la justice en juillet 2005.

Si ces hommes et ces femmes sont seuls et inexpérimentés, la faute ne leur incombe pas. Il n’y a aucune volonté politique en France de prendre ce sujet au sérieux et de mettre en place les recherches, les mesures et les moyens utiles pour lutter contre l’inceste et assister les professionnels en charge de tels dossiers. Et ce n’est pas la commission parlementaire qui semble vouloir s’attaquer au fond du problème. Au contraire, le désastre d’Outreau ne semble avoir soulevé comme polémique que la légitimité de la détention provisoire et la remise en cause de la parole de l’enfant. Quel juge osera demain demander la mise en examen d’un agresseur présumé, sans avoir la certitude de sa culpabilité, preuves à l’appui ? Les incesteurs ont encore de beaux jours devant eux…

Et pourtant, avec 30% de l’activité des tribunaux d’assises sur ce seul sujet, cela s’avère aujourd’hui une priorité nationale. Les parlementaires sont-ils informés de l’ampleur du fléau ? 1 femme sur 5 et 1 homme sur 10 sont victimes d’infraction sexuelle avant l’âge de 18 ans. Pour autant seulement 2,5 % de leurs agresseurs sont condamnés.

On ne traite pas une affaire d’inceste comme une affaire classique. Tant que nos concitoyens et nos dirigeants ne l’auront pas compris, le désastre judiciaire d’Outreau ne cessera jamais de se reproduire.
Face à l'inceste a veut être auditionnée devant la commission parlementaire. Les victimes, qui ont vécu notre système judiciaire, ont elles aussi leur mot à dire, des réformes à proposer.


Face à l'inceste (Association Internationale des Victimes de l'Inceste)
Maison des Associations B7
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75019 Paris
Site internet : http://aivi.org