Témoignage femme : je ne suis plus une victime

Témoignage Publié le 27.02.2007
Comme toutes les petites filles, j'adorais mon papa. Souvent violent avec nous (maman, ma petite soeur et moi) j'avais pourtant pitié de lui. Son point fort, vous l'aurez deviné: la manipulation!
A force de la rouer de coups et de la déstabiliser psychologiquement, maman a fini dans un hopital psychiatrique. J'avais six ans, ma soeur trois et demi. Quand elle en est ressortie au bout d'un an, elle a décidé de quitter ce monstre. Un week-end sur deux, les petites soeurs, main dans la main, partaient chez leur bourreau! Nos petits pieds foulaient le sol, parfois sous la pluie, dans la neige et toujours sous les insultes et les menaces et huit kilomètres plus loin, nous arrivions dans l'antre.

Il y faisait froid, sale, et puis, nous étions appeurée par la violence et le côté imprévisible de l'individu.

Il exigeait que nous dormions tous les trois, dans son lit. Une fois endormies, il nous réveillait discrètement, se saisissait de nos petits doigts d'enfant, et se masturbait, en toute impunité.

A sept ans, je n'avais pas le courage de lui dire non. Et puis, il nous avait prévenu: "Dites le à maman, elle va flancher et se retrouver à nouveau chez les cinglés. Et c'est chez moi que vous vivrez!".

Alors, on a fermé notre petit coeur à clef...

Ces deux années de calvaire ont à jamais traumatisé les enfants que nous étions. A 9 ans, je suis tombée gravement malade, une tumeur, qui paradoxalement nous a sauvée puisqu'il a alors mis un terme à ces agissements incestueux.

Malheureusement, ma mère s'est remariée avec un homme du même profil. Nous étions un peu plus grandes, et je pense que d'avoir survécu à notre premier bourreau nous a rendue plus fortes. Alors, on a immédiatement réagit, ce qui a empêché la situation de dégenérer.

Si je m'en suis plutôt bien sortie, même si mon adolescence a été jallonée de moments de profond désespoir, ma petite soeur, elle, est sous anti-dépresseurs depuis l'âge de 15 ans. Elle est partie vivre à l'étranger, pour fuir son passé.
Elle me manque terriblement, et il ne se passe pas une journée sans que nous ne nous entendions au téléphone.

Quand elle a appris la vérité, maman a flanché nerveusement, comme prévu. C'est très récent, et je l'aide tant bien que mal à gérer sa colère.


Aujourd'hui, 23 ans après tout ça, je suis maman de trois petits garçons qui ne connaissent pas leur grand-père.
Souvent, ils me posent des questions sur lui. Je ne leur ments pas, mais ils sont encore bien petits pour tout savoir. Alors, je distille mon passé...

Ne voulant pas leur montrer mes larmes, j'ai décidé de prendre du recul, d'analyser ce qui m'est arrivé.

Une nuit, j'ai rêvé que je refaisais ces huit kilomètres pous aller chercher une petite fille affublée d'un manteau noir. Dans mon cauchemar, mon père nous poursuivait, mais n'arrivait pas à nous rattraper. Et le visage tristounet de l'enfant s'éclairait de bonheur.

Le lendemain matin, je me sentais libérée de l'emprise de mon passé. Mon père ne pouvait plus m'atteindre, et je me sentais même en mesure de le combattre. JE N'ETAIS PLUS UNE VICTIME.