Témoignages femmes: Le silence deviendra parole

Témoignage Publié le 30.03.2006
J'ai mal au coeur, car je n'ai pas eu de vrai père, puisque mon père était pédophile, je n'ai pas eu de vraie mère puisqu'elle ne m'a pas protégée.
Je suis retournée dans ma bulle de silence mais elle ne me protège plus. Normal, j'ai fais rentrer des souvenirs là où l'amnésie avait tissée sa toile.

J'ai cru qu'il était temps de libérer la mémoire, de la laisser me raconter mon enfance, d'ouvrir une brèche salvatrice. Alors, les flashs sont arrivés, violents, insoutenables et je n'arrive plus à colmater la brèche. C'est trop tard, le processus s'est amorcé et je ne peux revenir en arrière. Parfois, j'aimerais ne plus me souvenir et lorsque les images sont trop réelles, je lutte pour les faire disparaître. Mais c'est trop tard, je ne contrôle plus. Cauchemar ou réalité? J'hésite à reconnaître le vrai du faux. Pourquoi j'ai vomi mon petit déjeuner tous les matins pendant des années? pourquoi je m'endormais la main sur la bouche? pourquoi j'ai si peur des toilettes et des salles de bain qu'aujourd'hui encore, cela m'empêche de vivre normalement? Ai-je tout inventé?

Je me rappelle qu'on me réveille, je sens l'odeur de l'alcool, je me cache le visage. Je me souviens des insultes, d'être une salope et une pute, comme ma mère, d'avoir un beau petit cul, d'avoir des mains qui aiment faire l'amour...
Comment construire sans existence, comment vivre à travers le flou d'un passé oublié qui peu à peu détruit la mémoire et le coeur ?
Je souffle sur ces mots et tout s'envole, comme mon existence, et tu ne diras pas le contraire... Papa.
Qu'à tu fais papa?
Quelque part entre mes rêves et ma réalité, enfermé dans le passé. Je veux que tu en sortes et que tu me libères de toutes ces questions.
Pourquoi? Qu'est ce qu'il t'a prit?
Alors dis-moi... J'attends. J'attends que mon histoire prenne un sens.Ce n'est pas ces souvenirs dégoutants qui me feront avancés.

Le vide fait peur papa. Alors pourquoi m'y avoir abandonnée ? Mes yeux ont vu la vérité, et mon esprit préfère imaginer ce qui ne fait pas mal. J'ai d'ailleurs vite pris l'habitude de me réfugier dans les mots car ils permettent tout, ils libèrent la souffrance, la joie... Oui, ils me libèrent de toi. Avec eux je peux crier comme je te déteste. Avec eux je peux avouer que je t'ai aimé quand même. Que j'en ai honte. Que tu m'effraies. Oui, tu me fais peur. Tes yeux, ton sourire, ton air détaché... Et ce rêve où tu me fais si mal, où tu me détruis de l'intérieur, où tu déchaînes toute ta passion sur mon corps tremblant de douleur...

Tu sais papa...
Tiens ce mot, je le fige dans mes phrases mais comme il est étrange. Deux petites syllabes qui font mal au coeur, quatre lettres qui humidifient les yeux, qui crispe un sourire et laissent un regard vide.
P. A. P. A... Mes lèvres remuent à peine et déjà je m'énerve, je m'agite, je m'éloigne. Pourtant ce mot n'a pas de sens.
Mes larmes, ma solitude, ma peur et la vie. Mais une vie éphémère. J'existe si tu t'en vas. C'est léger, déconcertant voire incompréhensible. Mais avant de partir tu as laissé une trace en moi, comme ton empreinte : des blessures qu'il me faudrait cicatriser seule, mon coeur est une source de perles d'eau qui blesse.
Tu trouves cela normal toi, papa ?

Alors maintenant, je redessine mon histoire.