Les mythes

Actualité Publié le 03.11.2009

Extrait du Manifeste Face à l'inceste 2004

Les agresseurs sont des malades :plusieurs chercheurs concluent plutôt que les hommes violents ne diffèrent pas des hommes non violents; les agresseurs se caractérisent par leur ressemblance avec les hommes ordinaires. (23)

Les agresseurs ont des pulsions irrésistibles : cette hypothèse a été infirmée par de nombreuses études. Les pères incestueux auraient des pulsions sexuelles normales. Il n'y aurait donc pas de pathologie propre à l’inceste. (24)

Les agresseurs perdent momentanément le contrôle d’eux-mêmes : l'inceste se développe graduellement et s'étend sur une certaine période de temps allant de six mois jusqu'à sept ou huit ans, la durée moyenne étant de deux ans. La théorie de la perte de contrôle s'effondre donc lorsque nous observons la durée de l'agression et l'escalade dans les formes qu'elle revêt, ainsi que les pressions et les tactiques utilisées pour imposer et garder le secret. (10)

La thèse de l’accident : selon laquelle l'agresseur, confondant la tendresse et la sexualité, glisse accidentellement vers l'attentat de son enfant alors qu'il le caressait ou l'étreignait de façon affectueuse. Selon les enfants agressés, l'agresseur commettait sciemment et délibérément une agression sexuelle, même si les comportements abusifs étaient entremêlés de gentilles caresses. (25)

L’alcoolisme : bien que la consommation d'alcool soit souvent observée parmi les cas d'inceste étudiés, l'alcool n'est pas la cause de l'inceste. Ces substances peuvent réduire les inhibitions de certains agresseurs et leur servir de prétexte pour excuser l'agression. Il existe beaucoup d’agresseurs incestueux qui ne sont pas alcooliques. (10)

L’inceste : fléau des milieux défavorisés, en zone rurale, parmi les minorités ethniques : aucune étude n'a pu établir de tels liens mais tous les hommes incestueux ne courent pas les mêmes risques de se faire dénoncer ou d'être punis pour leurs actes. Les hommes “respectables” de la société sont moins ou peu dénoncés; s'ils le sont, ils sont plus crédibles, présentent des défenses de pères de famille irréprochables, de pourvoyeurs honnêtes et souvent, nient les faits. (26)

L'éloignement sexuel dans le couple : plusieurs études soulignent que la plupart des pères incestueux continueraient d'avoir des relations sexuelles avec leur conjointe et qu'aucun père n'aurait commis l'inceste parce qu'il n'aurait pas eu accès sexuellement à sa conjointe. (27)

Les agresseurs sont d’anciennes victimes : si, selon plusieurs auteurs, de 30 à 50 % d’agresseurs auraient eux mêmes connu un ou des attentats sexuels dans leur enfance, cela démontre aussi qu'une majorité d'entre eux n'en n'auraient pas été victimes. Il n’existe pas d'études comparatives permettant d'évaluer la situation parmi la population des non agresseurs. Il est donc impossible de conclure à une relation de cause à effet. (10)

L’enfant provocateur : motif invoqué quand il s'agit de crimes contre les femmes, ce qui n'est pas le cas dans les causes de vol ou de voies de fait contre des hommes, dans lesquels on ne soupçonne jamais la victime d'avoir provoqué l'agresseur. (28). Un juge de Colombie Britannique avait même imputé un comportement provocateur à une petite fille de trois ans (29) ! Si effectivement, cette enfant avait un comportement sexuellement agressif, il est plus que probable, avec ce que nous savons des effets de l'inceste, que ce soit le résultat de l'agression et non la cause.

L’enfant consentant et/ou éprouvant du plaisir : ce mythe vise à nier l'agression ou à reporter la responsabilité de l'agression sur la victime. (30) Certains des enfants peuvent ressentir des sensations agréables, une stimulation sexuelle plaisante. Mais cela devient souvent pour eux une source additionnelle de honte, de culpabilité, de mépris de soi, et non une preuve de participation libre. (31)

L’enfant menteur : les recherches rapportent plutôt la grande réticence qu'ont les enfants à dévoiler qu'ils sont victimes. Dévoiler l'inceste et sortir du silence demande une somme de courage presque surhumain à une enfant ou une adolescente : elle seule, et elle le sait ou le pressent, aura à porter la terrible responsabilité de cette révélation dont les répercussions atteindront tous les membres de la famille. (32)

L’inceste n’est pas grave : au contraire, certains vont jusqu'à dire que les enfants bénéficieraient de relations sexuelles avec les adultes. (33) Le mythe qui veut que les filles, surtout les très jeunes filles, ne soient pas traumatisées par l'inceste ne repose sur aucune étude sérieuse ; au contraire, les effets négatifs importants des agressions sexuelles sur les enfants ont été démontrés. (34)

L’enfant conscient de ce qui lui arrive : hypothèse réfutée par toutes les études consultées. Au contraire, ces enfants consacrent fréquemment une grande partie de leur énergie psychique à essayer de se distancer d'eux-mêmes en essayant de couper leurs sensations dans la région génitale ou en se percevant comme étant psychologiquement dissociés, c'est-à-dire un méchant soi puni par un monstre la nuit et une gentille fille le jour. (35)

Les fausses allégations : de fausses accusations seraient portées par des mères dans les cas de contestation de droits de garde d'enfants ou de droits de visites. Une étude américaine indique, au contraire, que seul un petit pourcentage de cas de garde d'enfants implique de telles accusations (36)

Il faut maintenir l'unité familiale : il serait préférable pour les victimes d'inceste, de grandir dans une famille intacte et unie. En réalité, l'enfant victime d'inceste a surtout besoin de grandir dans un milieu sécuritaire, respectueux et affectueux, qui lui permette de se développer. (10)

 

  • Le Syndrome d'Aliénation Parentale, un mythe destructeur
  • (lire la vidéo en plein écran pour visualiser les sous-titres)

Par l'Association Parole d'Enfant en Belgique

Petit Dictionnaire des idées reçues

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Brochure réalisée par Catherine Denis et Caroline De Vos
Pas facile, en tant qu'adulte, de s'occuper d'un enfant ou d'un(e) adolescent(e) victime d'abus sexuels… Comment le ou la soutenir ? Que faire pour qu'il ou elle se sente compris(e) et surmonte son traumatisme ?

Face à ces questions épineuses, on ne peut pas se permettre de se reposer sur son intuition. Ni sur des croyances ou des idées reçues qui circulent.

C'est pourquoi nous venons de publier un guide qui réfute certaines idées présentes dans l'opinion publique. Au rythme de l'alphabet sont évoqués des mythes et des idées reçues concernant les enfants abusés.

Des croyances a priori pleines de « bon sens », mais qui en réalité ne permettent pas d'aider l'enfant parce qu'elles sont trop simplistes, caricaturales, voire même complètement fausses ! Au travers de cet ouvrage, ce sont des questions essentielles qui sont abordées : les séquelles des enfants victimes, leurs sentiments, leurs besoins et leur sexualité. La place des psys et celle de la justice. L'attitude attendue des parents, des éducateurs ainsi que celle des profs.

 

Par Le Centre d'aide aux agressées sexuelles d'Ottawa 

Certains enfants ont un comportement séduisant et encouragent les activités sexuelles : le comportement sexuel chez un enfant indique qu'il a été victime d'un abus sexuel. C'est une conséquence de l'abus sexuel et non la cause. Les adultes qui prétendent qu'un enfant les a "séduits" ont recours à une excuse qui passe sous silence le fait que les adultes sont plus grands, plus forts, disposent de plus d'informations, de pouvoir et d'autorité que les enfants et nous font oublier l'idée ridicule que les enfants puissent forcer les adultes à faire quelque chose que les adultes ne veulent pas faire.

L'enfant n'a qu'à dire "non" et raconter ce qui s'est passé à quelqu'un, s'il ne le fait pas, cela veut dire qu'il a consenti à l'abus : l'enfant n'est jamais responsable de l'abus. Les abuseurs menacent souvent ("si tu en parles, je ferai du mal à ta mère") et culpabilisent l'enfant ("si tu en parles, ta mère divorcera de moi et ce sera de ta faute") pour forcer l'enfant à garder le silence, mais le silence ne veut pas dire le consentement. L'autre réalité, c'est que de nombreux autres enfants parlent de l'abus mais qu'on ne les croit pas, qu'on les tourne en ridicule et qu'on les punit.

L'inceste ne se produit que lorsqu'une famille est gravement dysfonctionnelle : l'inceste se produit dans de nombreuses familles considérées comme étant "normales". C'est une raison pour laquelle l'abus n'est pas découvert. Les abuseurs dépendent souvent d'une image "respectable" pour les protéger. Il faut se souvenir que l'abuseur est responsable de l'abus et non les autres membres de la famille. La famille dans son ensemble pourrait avoir des problèmes précédant l'abus ou des problèmes se produisant à la suite de l'abus, mais les problèmes familiaux n'obligent pas un homme à violer sa fille.

Une bonne mère le sait si son enfant est abusé sexuellement et fait tout en son pouvoir pour mettre un terme à la situation : la plupart des mères ne le savent pas. L'abuseur travaille fort à protéger son secret. Il pourrait saboter la relation mère/enfant pour que l'enfant se tourne moins vers la mère et lui fasse moins confiance. Il pourrait offrir à la mère d'autres explications du comportement ou de la détresse de l'enfant. Les mères qui s'efforcent de protéger leur enfant font face à des obstacles juridiques et sociaux incroyables. On s'attend souvent à ce que la mère accomplisse ce que, ensemble, la police, les tribunaux et le système de services sociaux ne peuvent pas réussir. Puis, on condamne les mères qui ont échoué.

L'inceste se produit rarement : l'inceste est plus courant qu'on ne le pense. Bien que des statistiques exactes dans ce domaine soient impossibles à établir, les recherches indiquent qu'un enfant sur quatre sera abusé sexuellement, généralement par un membre de la famille ou autre adulte à qui on fait confiance.

Seules les personnes dérangées mentalement abusent sexuellement des enfants : les tests psychiatriques révèlent que 97 % des hommes qui commettent un assaut sexuel sur un enfant ne sont pas des malades mentaux. Ils pourraient avoir des problèmes de "personnalité", comme de nombreux hommes qui n'attaquent pas les enfants, mais ils savent exactement ce qu'ils font. Souvent, leurs actions cadrent avec les valeurs de la société qui présente les femmes et les enfants comme étant la propriété de l'homme, des objets à utiliser par l'homme pour sa satisfaction.

Les enfants mentent concernant l'abus sexuel pour obtenir de l'attention ou se venger : la plupart des enfants ne disent jamais rien à personne. L'idée que les enfants mentent ou imaginent l'abus sexuel protège les abuseurs depuis de nombreuses décennies. Les enfants ne possèdent pas la formation nécessaire pour inventer des histoires d'abus sexuel et n'y sont pas motivés. La notion que les enfants mentent en matière d'abus sexuel ne prend pas en ligne de compte la honte et le secret associés à ce sujet et ne reconnaît pas que la révélation d'un abus sexuel représente rarement une expérience agréable pour un enfant.

Les enfants sont forcés ou manipulés à mentir en matière d'abus sexuel par une mère qui désire se venger : quand les enfants parlent d'abus sexuel, ils ne parlent pas seulement avec des mots. Leurs émotions, leurs dessins, leurs jeux et leurs postures, tout cela raconte leur histoire. Les enfants ne peuvent pas mentir sur ce plan. Les mères sont souvent accusées de forcer leur enfant à mentir et révéler un abus sexuel si la révélation fait partie de la bataille pour la garde de l'enfant. La réalité, c'est que la raison de la bataille pour la garde de l'enfant c'est généralement que l'enfant a révélé un abus et que la mère essaie de protéger l'enfant.

Les adultes qui se souviennent soudain d'avoir été abusés sexuellement pendant l'enfance sont des victimes du "syndrome de mémoire fictive" : le syndrome de mémoire fictive n'existe pas. C'est tout simplement une idée non documentée, non prouvée, inventée par les parents d'une femme sexuellement abusée par son père. Les recherches ne valident aucunement l'existence des souvenirs traumatisants réprimés. Nous connaissons tous des exemples de souvenirs réprimés chez les anciens combattants. La plupart des survivants d'un abus sexuel pendant l'enfance ont retrouvé certains souvenirs oubliés et beaucoup ont retrouvé également des souvenirs de leur abus. Certaines femmes qui ont survécu à un inceste proposent que l'on se penche sur le "syndrome de la croyance en la fausse innocence" chez les abuseurs qui maintiennent fermement leur innocence.

 

Sources

  1. Santé et services sociaux du Québec, Canada, site Une agression sexuelle c’est quoi ?
  2. CRIPCAS Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, Québec, Canada.
  3. SNATEM Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance Maltraitée : Etude SNATEM 2001, France.
  4. Salbreux et Charmasson ou Sullivan et Knutson, 2000
  5. Santé et services sociaux du Québec Canada
  6. Dialogue européen, 1999 : L’abus sexuel des enfants en Europe Ed. Conseil de l’Europe p 6.
  7. Macdonald, 2001 : L’abus sexuel des enfants en Europe Ed. Conseil de l’Europe p 27.
  8. HAMEL et CADRIN, op. cit., p. 36.
  9. http://www.lousonna.ch/psycho/anorexie/index.html.
  10. L’INCESTE ENVERS LES FILLES : ÉTAT DE LA SITUATION : Québec, Conseil du statut de la femme.
  11. HILL, Kathryn. Adult Survivors of Child Sexual Abuse, fiche d'information, Centre national d'information sur la violence dans la famille, Ottawa, Canada 1992.
  12. COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, DES AFFAIRES SOCIALES, DU TROISIÈME ÂGE ET DE LA CONDITION FÉMININE (sous-comité sur la condition féminine), La guerre contre les femmes, Ottawa, Gouvernement du Canada, juin 1991, p. 14.
  13. Goldberg et al Disabil. Rehabil. 1999 ;21 (1) :23-30 ; Boston, USA
  14. Diana E.H. Russell, The Secret Trauma: Incest in the Lives of Girls and Women, New York : Basic Books, Inc., 1986, pp. 157-173.
  15. Fondation Marie Vincent Québec, Canada, site « L’inceste : parlons en»
  16. Foucault P. (1990) L'abus sexuel. Montréal: ed. Logiques
  17. Sgroi, 1982, cité dans Limites. La violence sexuelle envers les enfants et les jeunes. SFA-ISPA, 1993.
  18. Farber, E.A. & Egeland, B. 1987. Invulnerability among abused and neglected children. In E.J. Anthony & B. Cohler (Eds.), The invulnerable child. New York: Guilford Press.
  19. Wetzels, 1997, Allemagne : L’abus sexuel des enfants en Europe Ed. Conseil de l’Europe p 91.
  20. Enveff Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France 2000 - Secrétariat d'État aux (21) Wendy Maltz et Beverly Holman, Incest and Sexuality: A Guide to Understanding and Healing Toronto : Lexington Books, 1987, p.4.
  21. Wattam et Woodward, 1996 : L’abus sexuel des enfants en Europe Ed. Conseil de l’Europe p 10. Droits des Femmes France.
  22. COLLECTIVE PAR ET POUR ELLE, op. cit., p. 33-34 et FINKELHOR, op. cit., p. 11. Ce dernier écrit : “De poursuivre des explications d'ordre psychologique qui remontent au passé de l'agresseur, c'est d'après moi une poursuite inutile car les agresseurs ne sont pas si différents de la population en général.”
  23. COLLECTIVE PAR ET POUR ELLE, op.cit., p. 33-34.
  24. DRIVER et DROISEN, op. cit., p. 12.
  25. Hélène MANSEAU, L'abus sexuel et l'institutionnalisation de la protection de la jeunesse, Sillery, Presses de l'Université du Québec, 1990, p. 87.
  26. Judith L. HERMAN, “Recognition and treatment of incestuous families”, International Journal of Family Therapy, vol. 5, 1993, p. 81 à 91.
  27. MOISAN, op. cit., p. 39.
  28. “Sexuellement agressive à 3 ans!” La Presse, le 26 novembre 1989, p. A-3.
  29. RYAN, 1976, cité par NOËL, op.cit., p. 147.
  30. Voir entre autres, Lise CLOUTIER, “Une histoire qui doit finir”, La Gazette des femmes, novembre – décembre 1990, volume 12, no 4, p. 17, op. cit. p. 17.
  31. Camille MESSIER, Des enfants et des jeunes, victimes d'abus sexuels, la problématique des abus sexuels d'enfants et, plus particulièrement, d'inceste père-fille, Comité de la protection de la jeunesse, p. 28.
  32. DRIVER et DROISEN, op. cit., p. 31, rapporte que : “the judicial inquiry into the Cleveland child abuse cases in the North of England was told in 1987 that one of a team of psychiatrists at one northern hospital considered that the experience “probably enriched the lives of the children (they) had seen”.
  33. Jean-François SAUCIER, op.cit., p. 5.
  34. BRICKMAN, op. cit. p. 8.
  35. THOENNES et TJADEN, op. cit., p. 151.