En pleine reconstruction

Témoignage Publié le 03.09.2024

Voilà mon histoire : j'ai 41 ans et j'ai osé dire ce qu'il m'était arrivé il y a environ deux ans à mon médecin traitant. Depuis je suis suivie par une psy.

Je suis arrivée à un stade où j'ai besoin de raconter ces années de peur, de sacrifice, de dégoût. Je vais faire au mieux, cela est tout nouveau dans mon parcours de reconstruction. Mon père a commencé ses actes, jeu sexuel avec moi, dans ma 6ème année. Au début c'était des jeux, des attouchements (bien sûr c'était le secret entre nous, sinon il irait en prison et mes frères seraient tristes, pas le droit de le dire). Je ne me rappelle pas de tout et par la suite, quand j'ai commencé à être plus mûre, il est passé à l'étape supérieure avec la pénétration, c'était tous les jours. Cela a duré jusqu'à mes 17 ans, jour où j'ai quitté la maison pour aller vivre chez mon petit ami qui est devenu mon mari. C'était pour moi le seul moyen de fuir ce calvaire.

Il arrivait toujours à trouver une excuse pour se retrouver tout seul avec moi et faire sa petite affaire, des weekends entiers où ma mère et mes frères s'absentaient dans la famille, moi je devais rester pour lui, faire à manger ; ensuite j'ai dû travailler avec lui pendant un mois. C'était le roi, il pouvait assouvir tous ses besoins quand il le voulait. J'ai vécu avec ce poid, ces flashs, ces visions, sans ne rien dire à personne, à faire semblant pendant les repas de famille.

Je me suis investie dans mon travail, j'ai tout donné, cela me permettait de me sentir vivre, existée, reconnue dans ce que je faisais. J'étais épanouie dans mon travail. En octobre 2022, ça a été ma chute, ma descente aux enfers. Un jour pas comme un autre, ma directrice s'est acharnée sur moi, ça a duré toute une après-midi. Son comportement m'a remise dans une situation que j'avais pu vivre avec mon père avant que je quitte la maison. J'étais vidée de l'intérieur, plus rien. Depuis ce jour je suis en arrêt maladie, sous traitement anti-dépresseur, je me suis noyée dans l'alcool pour oublier. Me détruire était mon seul but.

Je fais des séances EMDR qui m'aident à avancer et à passer au dessus de tout ça. Je suis incapable de retourner travailler dans la structure où j'étais, je revis cette altercation en cauchemar associé au dernier acte sexuel forcé que j'ai vécu. Je dois passer devant des médecins pour me faire expertiser et valider mon arrêt maladie sans pouvoir parler de mon enfance et ne rester que sur le professionnel.

Ça va faire deux ans que je me bats contre mes démons. Il y a un an, j'ai osé avouer à mon mari ce qui s'était passé dans mon enfance, ça lui a permis de comprendre beaucoup mieux ma façon d'agir au quotidien. Il m'a aidé à en parler avec mes frères, ma mère. J'avais besoin de leur soutien pour m'aider à guérir et à me construire, sauf que ça n'a pas été le cas. Je me suis retrouvée encore plus seule qu'avant. Une psy spécialisée dans l'inceste m'a certifié que ma mère savait ce qui se passait et qu'elle me donnait à lui. Ma mère dit le contraire, qu'elle n'était au courant de rien. Breffff, aujourd'hui j'ai avancé mais je n'arrive pas à passer la dernière marche, sauter le pas, je reste bloquée. J'espère qu'avec tous vos témoignages, votre vécu, je vais arriver à trouver l'aide qui me manque pour passer cette dernière marche et enfin me libérer et vivre. Je suis désolée, le texte est très long, mais j'avais besoin d'en parler. Je suis preneuse de tout échange. Merci beaucoup 😊