J'ai 53 ans. Ma vie a basculé dans l'enfer à l'âge de 4 ans, abusée par mon frère aîné.
Je ne compte pas le nombre de fois pendant 9 ans ; j'attendais avec impatience le départ en vacances, tous les ans au mois d'août, chez ma marraine, seule période où mon frère ne pouvait pas me "toucher", ou m'agresser sexuellement. Cet abus a cessé à l'âge de 13 ans quand j'ai pu le dire à ma mère, un soir après avoir regardé avec elle le film, la femme flic avec miou miou aux "dossiers de l'écran" du mardi soir. Comment oublier, le soir de la libération mais aussi le début du secret de famille entre les 2 femmes et un frère qui ne supportera pas que sa mère le sache ; le début pour moi de la vraie culpabilité et du déni qui est une souffrance aussi difficile à vivre que l'acte. Victime mais coupable dans le silence.
Je suis devenue une très jolie femme qui n'a jamais été heureuse avec les hommes et qui n'avait pas confiance en elle. J'ai eu un parcours professionnel exceptionnel car la rage d'être quelqu'un de bien était mon moteur. Tout est une question de survie. Le besoin d'être aimée à tout prix vous fait faire les mauvais choix en amour. La peur d'être à nouveau trompée est source de conflits intérieurs et de colère qui vous minent à petits feux. Vous devenez paranoïaque, vous ne faites pas confiance, vous manipulez pour exister, pour vous sentir en vie et respectée... Les conséquences sont sans fin, et un poison dans votre vie.
A l'âge de 29 ans, après avoir épousé un homosexuel... et une déception avec un second homme, bien hétéro mais sans grandes attentions et vraie bienveillance à mon égard... je ne pouvais plus avancer... J'ai donc emprunté le fameux tunnel de la thérapie pour comprendre et démanteler un système de survie et de souffrance extrêmement ancré en moi. A 30 ans, j'ai avoué à toute ma famille, mon père et mes autres frères, le crime. Bien sûr, on ne m'a pas crue, mon père ne pouvait pas croire que son fils aîné et préféré avait commis un tel acte ; ma mère était dans son mutisme et me détestait de l'avoir avoué... Ce fut le début d'un grand vide dans ma vie, la traversée du désert. J'ai fait 20 ans de thérapie en individuel, en groupe (10 ans), des retraites, des cures pour me remettre sur pied car entre mon travail thérapeutique pour sauver ma peau et mon professionnel pour subvenir à mes besoins, j'étais épuisée et ne croyais plus au bonheur.
J'ai poussé tellement de portes, décortiqué les mécanismes et les processus que vous mettez en place pour survivre et vous sentir "propre", quelqu'un de bien... J'ai 53 ans, j'ai pardonné à mon frère... et oui ! J'ai pardonné à ma mère de n'avoir rien dit. Mon père a reconnu ce qui s'était passé et m'a soutenue, mais très tard... En revanche, la famille n'a plus jamais parlé de cette histoire, je me suis sentie très seule à faire ce travail en thérapie. Aujourd'hui, Je peux en parler et surtout, je ne pensais pas que je puisse un jour être une femme bien dans sa vie. Je ne me sens plus victime et ne ressens plus le besoin de sauver tout le monde. Ma nature est de vouloir sauver le monde, mais beaucoup moins maintenant. Je peux écouter sans me sentir atteinte au point de me fermer, mais juste écouter et accompagner. Je n'ai pas eu d'enfants par peur qu'il leur arrive la même chose... peur de moi-même. J'ai préféré comprendre et enfin voir la lumière. Le livre de Camille Kouchner a été un moment de délivrance supplémentaireque je ne pensais pas vivre. Il est indispensable que nous prenions la parole pour que tout ceci cesse. Je suis prête à prendre la parole. Merci à vous de créer ce site et de mettre en oeuvre ces actions. Merci 🙏