Le cauchemar de l'inceste

Témoignage Publié le 03.09.2024

L'histoire de ma fille : nous avons 19 ans d'écart avec son père, j'avais 18 ans et lui 37 ans. M. est arrivée très vite, 1 mois et demi après le début de la relation.

Grossesse très compliquée avec vomissement gravidique. Violence psychologique et à 2 reprises physique lors de la relation. C'était juste plus vivable. J'ai fui avec ma fille de 13 mois et porté plainte pour violence conjugale. Suite à l'audience JAF, j'ai obtenu la garde exclusive et le père 1 weekend sur 2 et la moitié des vacances scolaires. M. revenait de chez son père pas bien, elle tapait, dormait mal, colère, isolement, ça n'était plus la même petite fille. Il fallait bien plusieurs jours pour que son état s'améliore. Mais surtout, à chaque fois lors du bain elle me disait "papa bobo minette", "papa tout nu". Elle était petite, pas encore 2 ans, mais elle parlait bien même si ça n'était pas des phrases complètes. A chaque visite chez son père, c'était la même chose si c'est pas pire au niveau de son état global. Alors j'ai saisi le JAF et en attendant j'ai fait non-représentation d'enfant, il m'était impossible de la ramener chez son père après ce que M. pouvait dire et son comportement. J'ai aussi porté plainte pour agression sexuelle contre son père.

Elle a été vu par un médecin légiste qui n'a rien attesté, et a également eu une audition avec gendarme en uniforme. Ils l'ont gardée 5 minutes, à 2 ans elle était terrorisée. Au final, on m'a dit que cela avait été classé sans suite faute de preuve. Je l'avais emmenée voir un psychologue des enfants qui en 2 séances à pu me dire que M. relatait effectivement des agressions sexuelles et également un viol puisqu'elle avait pu mimer une fellation qu'elle aurait faite à son père. Au final le psychologue a rédigé une attestation relatant des attouchements mais il n'a pas mentionné les fellations. Je pense par peur, je ne sais pas. A l'audience JAF, la juge a indiqué que l'attestation n'était pas recevable. A la suite de cette audience, j'ai perdu la garde exclusive, tout c'est inversé : lui a obtenu la garde exclusive et moi un weekend sur deux et la moité des vacances scolaires. Pour moi, il n'y avait pas de justice, le fait de la savoir seule avec lui quasi tout le temps sans surveillance m'était insupportable. M. était en danger et l'on m'a fait passée pour une menteuse, aliénation parentale...

Je suis partie à l'étranger avec ma fille, en Pologne, ayant des connaissances là-bas. Au bout d'un an et demi, nous avons été retrouvées. J'ai été incarcérée durant 4 mois et M. placée en famille d'accueil durant 1 mois et demi. Ensuite il a obtenu la garde et l'autorité parentale exclusive. Ainsi on m'a retiré l'autorité parentale (car non-représentation d'enfant et enlèvement d'enfant hors de France). J'avais un droit de visite médiatisé à raison de 2h par mois. Ce droit était applicable à la suite de mes 4 mois de détention mais le Covid est arrivé et tout s'est décalé. Au total je ne l'ai pas vue durant 1 an et demi (rien : pas de courrier, téléphone, visite, aucun contact). J'avais des nouvelles à ma demande via l'éducatrice de l'AEMO qui suivait M. au domicile du père.

Les visites médiatisées se sont mises en place, c'était super, je profitais du peu que j'avais avec elle. J'ai pu retrouver l'autorité parentale. Ensuite nous sommes passés en visite dans un centre avec d'autres familles (avec plus de liberté). Mon procès pour non-représentation d'enfant et enlèvement a eu lieu fin 2022. J'ai eu 12 mois avec sursis probatoire, et 4 mois fermes que j'avais déjà faits en détention provisoire. Mon sursis probatoire se termine en octobre 2024. Au moment du procès le père est revenu vers moi, ce qui me permettait d'avoir des nouvelles de M., l'école, sa santé, etc., mais son but à lui était de me récupérer, ce que je n'ai pas compris de suite. Je me suis laissée embarquée en m'enfermant dans le déni (je ne comprenais pas que des parents puisse faire du mal à leur enfant, et l'éducatrice de l'AEMO me disait que tout allait bien, je me suis convaincue de ça, cela me permettait d'avancer dans la vie. L'idée qu'on puisse faire du mal à ma fille, c'était insupportable, la haine était trop forte). Mais au final, si je suis honnête avec moi-même, c'était principalement pour m'occuper et être là pour ma fille. Je me suis sacrifiée à tous les niveaux pour pouvoir être là pour elle.

[...] Quand j'était encore là, j'ai remarqué qu'il la lavait toujours alors qu'elle avait 7 ans, qu'elle portait des couches la nuit alors qu'avec moi à 3 ans elle était propre jour et nuit, qu'il lui essuyait les fesses (M. tête en bas et fesses en l'air) alors même qu'elle le faisait seule à l'école, qu'il l'habillait intégralement, il l'embrassait sur la bouche. A ce moment-là j'ai fait barrage, je bloquais la porte pour qu'elle puisse se laver seule tranquillement, elle s'est essuyé seule car j'étais là pour dire à son père que ça suffisait. M. était contente de le faire seule, au final il lui imposait, j'ai dit "plus de couche, s'il faut je lave les draps" et en 2 semaines elle était entièrement propre la nuit, et elle s'habillait toute seule. Je lui avais expliqué qu'elle n'était plus un bébé et que son corps lui appartenait. J'étais là pour elle, pour veiller sur elle. J'étais à l'affût de tout, je ne voulais passer à côté de rien (sur ce qui pouvait lui arriver). Je n'étais pas revenue pour lui, mais bien pour elle.

Mais au bout de 10 mois, je n'en pouvais plus de lui, c'était de la violence psychologique tous les jours, c'était un cauchemar, j'étais un zombie. J'ai parlé à ma SPIP qui m'a aidée à partir, parce que lui refusait. Le jour où je suis partie, c'était l'horreur, j'avais l'impression d'abandonner ma fille, mais lui ne voulait pas d'accord amiable et l'ancien jugement officiel me donnait le droit de la voir en visite semi-médiatisée dans un centre avec d'autres familles. Si je ne respectais pas ça, je commettais non-représentation d'enfant et donc mon sursis d'un an de prison ferme tombait, sans pouvoir voir M.. M. lui faisait des crises pour me voir, donc il a cédé pour un accord parental : lui la garde car l'école de M. à côté, et moi un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires. J'espérais par la suite faire garde alternée.

A cette période, le suivi AEMO était terminé. Ma SPIP m'avait prévenue qu'avec ce type de personnage l'accord amiable ne fonctionne pas, elle me conseillait de saisir directement le JAF. Ma fille au fur et à mesure a pu me dire ce qui se passait chez son père. Un jour, je lui démêlais les cheveux avec de gros nœuds car pas démêlés chez son père, je lui dit "je suis désolée si je te fais mal, tu as trop de nœuds". Elle me dit "c'est pas grave maman, j'ai l'habitude que l'on me fasse du mal". Et là je lui dis "comme ça ?", et elle me raconte que son père lui met des corrections très fortes des fois, alors qu'elle n'a rien fait, et puis qu'il la harcèle [...] Elle me dit qu'elle en peut plus, mais quand je lui pose plus de questions, elle se braque et plus tard elle me dira "j'ai honte".

Elle me dit qu'elle dort avec son père dans son lit à lui, je lui dis que c'est pas normal, mais elle me dit qu'il l'oblige. Par la suite elle me dira qu'en fait, quand elle dort, il la touche de partout : les seins et le bas intime (fesses, minette), et que par peur elle fait semblant de dormir. Elle me dit "je sais pas si je gagne maman, mais quand il me touche la nuit, je lui mets des coups de pied". Il fait ça plusieurs fois dans la nuit. Je la croyais trop petite, mais en fait il s'est avéré que ses seins commençait à pousser (douleurs, etc.). Elle arrive en retard à l'école tout le temps et n'arrive pas à se concentrer. Ensuite, il lui a acheté un autre lit plus grand pour elle dans sa chambre d'enfant, finalement elle me dira qu'il continue encore, il vient dans sa chambre plusieurs fois dans la nuit pour lui toucher tout le corps, les seins, la minette, les fesses, son orteil, qu'il fait des bruits bizarres. Pareil, elle fait semblant de dormir. Elle m'a dit à plusieurs reprises "si je parle, il va me tuer". Plusieurs fois sur le canapé lorsqu'elle regardait ses dessins animés, il passait derrière le canapé pour lui soulever son t-shirt et lui caresser les seins, elle se mettait en boule mais quelque temps après il revenait. Il l'embrasse toujours sur la bouche malgré son refus. Elle tourne la tête mais lui l'embrasse sur la bouche de force. Elle m'a dit un jour "je préférerais ne pas exister". Elle se cachait et ne voulait pas sortir de la voiture quand je devais la ramener chez son père. Elle me disait "j'ai envie de l'étrangler, le tuer, il est trop méchant". Son état s'est aggravé, c'était une boule de colère.

Avec mon avocate, on a saisi le JAF pour une audience, mais c'est très long. J'ai contacté le CIDFF, une juriste m'a conseillé de porter plainte. Ma peur c'était les preuves, pourquoi ils allaient nous croire maintenant, j'avais peur que cela se retourne contre nous, qu'on m'accuse de vouloir la garde, aliénation parentale, peur que la parole de M. ne soit pas prise en compte, peur de ne plus la voir, qu'elle se retrouve tout le temps avec lui sans surveillance. M. me disait "avec toi maman je suis dans ma bulle, je suis bien". M. a pu parler à cette juriste sans ma présence, la juriste a fait un signalement. Ensuite j'ai porté plainte pour harcèlement et agression sexuelle. M. a été en audition filmée deux fois. Elle a pu tout dire de ce que j'en sais. La police m'a dit "elle vit des agressions sexuelles toutes les nuits, on peut pas la laisser comme ça, mais vous madame, même si vous avez l'autorité parentale, vous n'avez pas la garde. Le dernier jugement JAF c'est des droits de visite à Point Vert de Saint-Etienne, donc il faut lui trouver une place en foyer". La police m'a dit qu'ils allaient voir avec le procureur, le parquet. lls ont dit à M. "parle à la maîtresse et la police arrive de suite". Pas de place en foyer. Les vacances avec moi se terminaient, la police me dit "madame, vous n'avez pas le choix que de la ramener chez son père, sinon votre sursis tombe pour non-représentation". J'en étais malade mais je l'ai ramenée chez son père.

En fait, j'apprends de l'ASE quelques jours plus tard que ma fille a fugué le lendemain du retour chez son père, qu'elle s'est réfugiée aux urgences à quelques mètres de chez son père en disant "mon père me fait du mal". Elle a été examinée par un médecin. Le certificat révèle "des lésions vagio-hyménéales inférieures à 48 heures, ce qui correspond au discours de M.". A la suite de ça, elle a été placée en foyer le jour-même et prise en charge par l'ASE. Après ça, mon avocate m'a conseillé de porté plainte pour viol incestueux, ce que j'ai fait le lendemain de l'annonce. Quelques jours plus tard, elle est placée dans une famille d'accueil. l'audience du juge des enfants a lieu. le père étant là, M. est terrorisée lors de l'audience, elle se cache derrière moi ou l'ASE et pousse des gémissements. Le juge a dû également intervenir pour éloigner son père. Le juge des enfants pourra dire qu'il y a bien eu pénétration, que dans tous les cas il s'est passé quelque chose. M. me disait tout le temps "j'ai honte, je peux pas tout dire". Elle se braquait, mais là je me sens tellement mal de l'avoir ramenée. L'annonce a été terrible, j'avais besoin de l'entendre de M., savoir ce qu'il s'était réellement passé, mais c'est pas possible.

Je n'en sais pas plus, l'enquête est en cours, mais ça me semble trop long, c'est horrible. [...] Ma fille ne fait que me réclamer et le verdict a été très dur pour elle. Elle a été éloignée de son père, elle est protégée, mais pour combien de temps ? Elle est placée pour 6 mois, à voir par la suite. Il a lui aussi comme moi un droit de visite à l'ASE, 1h toutes les deux semaines. Les visites vont commencer mi-septembre car de fin juillet à mi-septembre c'était zéro contact, décision prise par le juge. L'ASE m'a indiqué qu'ils ne forçaient pas les enfants à venir en visite. Sur le coup je n'ai pas compris le juge : certes on a tous les deux l'autorité parentale et une enquête est en cours, mais quand même c'est dingue d'accorder encore un droit de visite médiatisé pour l'agresseur. J'essaie de me porter partie civile pour connaître l'avancement de l'enquête, mais pas simple. J'aimerais encore croire dans la justice. J'espère que M. obtiendra justice et qu'elle pourra enfin se reconstruire et avoir enfin l'enfance qu'elle mérite. J'avais fait une promesse à ma fille, de ne jamais l'abandonner, de toujours me battre pour elle. Je lui disais après la pluie, il y a toujours le soleil et l'arc-en-ciel. Ne jamais perdre espoir. Ma fille est tellement courageuse alors qu'elle n'a même pas encore 9 ans (en novembre 2024). Merci de m'avoir lue.