Toute une vie à se battre

Témoignage Publié le 20.01.2024
Femme  inquiète à la fenêtre

J'avais 6 ans et une confiance sans limite en lui. Mon frère de 9 ans mon aîné était mon dieu, mon ami.

Il a abusé de moi pendant 1 an, je crois. J'écris "je crois" car la mémoire me faire encore défaut, 57 ans plus tard. Il fallait le masturber, et lui faire des fellations. Avec cette petite phrase si fréquente, chuchoté à mon oreille ; ce sera notre secret. Chaque jeudi, chez mes grands parents, ce rituel reprenait. Pas un adultes pour me protéger, ou intervenir.

A 63 ans aujourd'hui, je me demande toujours : où étaient les adultes ? J'ai grandi ainsi. Écrasée par le poids de ce drame silencieux. Une immense colère en moi, écrasée elle aussi par la culpabilité, le fait de ne pas trahir et la peur, voir la terreur au corps. Les conséquences des années plus tard seront multiples : mémoire qui revient à l'âge de 37 ans, dépression, explosion de la sphère familiale, dépression, tentatives nombreuses de suicides, sexualité altérée tantôt excessive, tantôt inexistante, pas d'enfant. La liste est sans limites des conséquences de cet inceste sur moi, ma famille, ma vie dans tous ces aspects.

Dans le travail, que j'ai entrepris au fil des années, celui qui a été précieux, fut celui d'un travail familial - avec ma cousine - pour comprendre le cadre dysfonctionnel de cette famille. Histoire des vies et des éducations, en lien avec un regard " sociologique" moeurs et éducations à un instant T, drames intra-familiaux. Ce dernier point mettra à jour le rituel commun : de l'inceste et du viol et à chaque génération. Brisant ainsi des vies et transmettant aux générations suivantes cette mémoire de l'abus.

Aujourd'hui, j'ai 63 ans. Je suis seule et sans enfants. Mes parents que j'ai chéris sont morts et j'ai coupé volontairement les ponts avec mes frères, qui sont parfaitement informés des drames générationnels. Ils ont fait le choix, du déni, de la colère et du rejet. Je reste celle par qui le scandale arrive. Leur choix et leur vie. Je ne connais pas le temps qu'il me reste à vivre.... après toutes ces années de souffrances, d'abandon, de rejets, de dévalorisation de terreurs, je souhaite vivre en paix, au service de chacun, en savourant chaque seconde. Merci à vous de m'avoir lu.