Je suis née à Versailles en 1981. J'ai un nom de famille à particule,
issu de la noblesse française, avec plusieurs ancêtres décapités lors de la révolution. Mes parents sont de faux catholiques. J'ai été baptisée, mais bien qu'il se dise catholique mon père ne croit qu'en lui-même. En bref, les apparences sont là pour faire croire à une famille respectable, en dehors de tout soupçon ; mère au foyer. 3 personnes ont contribué à me détruire :
La mère : J'ai eu à affronter les regards chargés de haine de ma mère à mon égard, sa méchanceté, sa cruauté au quotidien tandis qu'elle se révélait "tellement sympa" avec mes cousines.
Le père : J'ai grandi avec un père préoccupé uniquement de lui-même. Mais je l'admirais car son agressivité cachée (passive) était un tel contraste avec la haine de ma mère que pour moi -en tant qu'enfant- il était la bonté incarnée. Depuis que je suis ado, mon père "s'intéresse à moi". Pas à celle que je suis, non ! Il me dit plutôt que tous les 2 on forme un bien beau couple et me demande de porter des jupes plus courtes. Ma mère me hait encore plus. Adolescente, je savais mon père royaliste. Après un cours au collège sur Louis XV, je vais voir mon père. Dans son lit, en train de lire le journal. En effet, j'avais appris qu'on allait chercher des jeunes filles vierges dans les campagnes françaises pour assouvir les besoins sexuels du roi (jeunes filles ramenées chez elles dès qu'elles étaient enceintes). Choquée, je demande à mon père comment il aurait réagi si ça m'était arrivé à moi. Il baisse son journal 10 secondes pour me répondre : "Mais... ça aurait été un honneur !" Puis il reprend sa lecture. Bref, ce père je l'idolâtrais -ne me jugez pas ! Vu la haine de ma mère, j'avais psychiquement besoin de "croire" en l'amour de quelqu'un. C'était une question de survie psychique.
Un frère : Au milieu de tout ça, j'ai toujours été terrorisée par mon frère aîné sans savoir vraiment pourquoi. Je n'osais pas lui demander de l'aide pour les devoirs ni entrer dans sa chambre quand ma mère me le demandait. Jeune adulte, toute suicidaire que j'étais, une psychologue me conseille d'appeler mon frère. Objectif : que j'ai moins peur de lui, que j'aille mieux, améliorer nos relations. La psychologue a été beaucoup trop optimiste. Ce "frère" m'a répondu : "Écoute, on n'est pas proche. Il va falloir que tu t'y fasses."
Maintenant, voici comment les éléments se sont enchaînés : Je vis ma vie d'étudiante avec des crises d'angoisse incontrôlables, de la spasmophilie et une incapacité totale à me faire respecter des 2 jeunes hommes desquels j'ai été amoureuse et qui en ont bien profité. L'un deux a essayé de me violer, il m'a bloquée de force sur son lit tout en mettant ses mains là où je ne voulais pas ; il me maintenait violemment. Le lendemain, le croisant dans l'escalier, je constatai que je n'éprouvais aucune colère. J'ai pris conscience alors -pour la première fois- que je n'étais pas tout à fait normale, que j'étais incapable de colère à son égard.
Les années ont passé. J'ai amélioré mon rapport aux hommes en ne sortant avec personne. Je suis célibataire encore et toujours. J'ai quelques fois vu mon frère. Avant chaque rencontre je vomissais ; sans savoir pourquoi. Une amie me conseille finalement de suivre la thérapie Tomatis. Je m'exécute, je fais plusieurs sessions. Et au cours de l'une d'elles, je commence à ressentir une angoisse violente, de véritables sueurs froides qui ne me quittent pas pendant plusieurs jours... Des images cachées, oubliées, surgissent, une chambre, des bras, des doigts, j'étais nue. J'étais petite, ce "frère" a fait quelque chose de terrible avec moi. Il m'a touchée sans que je le veuille, j'ai subi. Mon cerveau ne me livrera pas d'autres informations. Ce cerveau qui continue à me protéger malgré tout d'une réalité insupportable. J'ai compris pendant ces séances l'origine de ma terreur, de ma soumission à ce "frère", de mes vomissements, du désir de lui plaire physiquement, de le protéger, et du lien d'esclave qui me retenait psychiquement à lui. J'ai ressenti également le fait qu'il m'a volé mon innocence d'enfant. Il l'a détruite d'un seul coup. Il a pris ce qui ne lui appartenait pas.
Mon secret : Et maintenant, après la fin de cette amnésie, à 30 ans passés, me voilà en train d'inviter mes parents pour leur expliquer que je ne souhaite plus venir à Versailles, aux réunions de famille. Mon père ne l'accepte pas. Je tâte le terrain : Est-ce que je peux leur confier ce que mon frère m'a fait enfant ? Est-ce qu'ils me soutiendront ? Je tente un truc : Je leur raconte l'histoire du coup de fil pour observer leur réaction. Car je ne veux pas leur confier mon secret s'il y a le moindre risque qu'ils défendent mon frère. Je sais à coup sûr, que si j'entends de vive voix mon père refuser de me défendre, je sais que je n'aurai pas la force de résister au suicide qui me taraude deuis mes 17 ans. Alors je raconte l'histoire du coup de fil et de la réponse de mon frère :"Écoute, on n'est pas proche. Ça arrive, il va falloir que tu t'y fasses." J'attends la réponse de mon père. Sur un ton exaspéré, il lance : "Oh écoute, il était jeune, il avait envie de s'amuser. C'est bien compréhensible".
J'ai compris, il ne faut rien dire, garder le secret pour moi, je ne dis rien, je suis prudente. Je garde mon secret et m'enferme dans ma solitude car je suis fragilisée à l'extrême, trop douloureux, trop mal pour en parler. Je m'isole. Ma vie ne tient qu'à un fil. Je prends 20 kilos. Je peux basculer dans le suicide à chaque instant. Je demande à mon père de ne plus m'appeler si souvent (On s'appelait plusieurs fois par semaine). Mon père ne respecte pas ma demande d'espacer nos appels. Il vient en bas de chez moi sans raison. Je lui dis alors que je ne veux plus le voir pendant quelques temps. Inacceptable pour lui. Pour finir, je décide d'appeler mon père et de lui expliquer, que je suis suicidaire, que chaque jour est une lutte et que j'ai besoin de distance avec lui pour me construire. Sa réponse est : "Mais qui va s'occuper de moi quand je serai vieux ?" Et puis, il me reproche d'être trop sensible, de vivre dans le passé et que c'est la raison pour laquelle -selon lui- que je ne comprends pas l'amour de ma mère. Une fois, il me propose de l'argent pour aller me faire soigner -comme si je ne le faisais pas- et ainsi revenir à Versailles. Connaissant ma Foi chrétienne, il me dit que cette nuit, l'archange saint Raphaël lui a parlé. C'est pour cela qu'il vient me donner de l'argent. Il dit qu'il n'a pas pu dormir, trop malheureux qu'il était par ma décision. Il m'explique qu'il a le cœur brisé, qu'il m'aime tellement, qu'il donnerait sa vie pour moi. Donc l'archange saint Raphaël lui a parlé, lui a indiqué via Internet quelle thérapie je devais faire. Ne riez pas SVP. Je suis profondément perturbée, je crois encore à ce père, à l'image positive que j'ai de lui. Je ne peux imaginer qu'il me mente, qu'il me manipule. Non, je crois en lui. Mon cerveau a besoin de croire en lui. Il y aurait un court-circuit si ce n'était pas le cas. Psychiquement, j'ai besoin de ce lien, de le croire bon.
Je ne sais plus que penser ; je suis franchement perturbée mais malgré tout, je coupe à nouveau les ponts, archange saint Raphaël ou non. Au final, la rupture familiale est inévitable. Je l'ai faite par texto. Evidemment, elle n'est pas respectée par mes parents et je dois faire un tour à l'hôpital psychiatrique face à leurs irruptions chez moi et via la poste. D'autant plus que j'étais en rupture de soins médicaux. Après m'être ouverte à mon généraliste du fait que je ne voyais plus mes parents, il me l'avait reproché vivement. Pleine de culpabilité à cause de cette rupture, je suis dans la survie à chaque instant. Je ne me nourris que de smarties et je passe mon temps libre à jouer au solitaire sur l'ordinateur. Je change de numéro de téléphone, d'adresse mail, et je pense à déménager pour que mes parents ne puissent pas me retrouver. Ils me terrorisent.
A l'hôpital, je suis cantonnée dans une chambre morbide. Le psychiatre s'annonce pour 10h. Je me prépare ; il ne viendra pas. Sans prévenir. Quand il vient -avec une infirmière très bizarre- je refuse de parler devant cette infirmière qui ne m'inspire pas confiance. Ce me sera reproché. Seule l'aide-soignante et la personne du ménage font preuve d'humanité. Également la personne de l'aumônerie. Les professionnels de soins psychiatriques, eux, disent ne pas comprendre la terreur que ma mère m'inspire. Pas de psychologue dans ce service où ils accueillent des personnes en détresse... psychologique. L'inceste est déjà une peine terrible avec des conséquences très lourdes et une fois suffit pour briser quelqu'un. Mais les réactions familiales sont très lourdes de conséquences. Mon père qui ne m'a pas soutenue a doublé la peine ou même l'a triplée. J'ai été isolée aussi familialement avec une incompréhension de tous, une incapacité à parler et une culpabilité mortelle d'avoir rompu avec ma famille. Voilà mon témoignage, en espérant qu'il pourra aider d'autres personnes à se sentir moins seules. De mon côté, c'est grâce à Camille Kouchner que j'ai compris que la honte ne devait pas être de mon côté et que j'ai réussi à parler à quelques amis. Ce témoignage est une autre étape pour tenter de sortir de la honte, toujours présente, de la culpabilité et de l'isolement. Ce serait une grosse étape pour moi s'il était publié. Je vous remercie de m'avoir lue.