50 ans après l'inceste

Témoignage Publié le 14.10.2020

50 ans après l'inceste

Bonjour, j'ai 56 ans dans 9 jours et dans ma tête je me sens toujours cette enfant qu'un jour, un grand frère âgé de 11 ans de plus que moi  a pris pour l'objet de ses désirs sexuels. Puis ce fut un autre de mes frères quelques années plus tard avec qui j'ai eu aussi des relations incestueuses. Alors oui ma vie personnelle est fort difficile, les relations je les évite, le travail aussi, tout est sans doute insécurisant dans ma tête. Mon cerveau reptilien réagit plus vite que moi , les angoisses de séparation, les angoisses de mort, les relations intimes difficiles, les relations avec les hommes sont calquées sur le modèle de celui que j'ai vécu avec mes frères. Un psychanalyste m'a dit que pour le deuxième inceste vers l'âge de 13 ans cela n'était que la réalisation par moi même du désir de ma mère envers mon frère.

Qu'en penser ? je n'en sais rien. Certains mettent cela en doute. Quoi qu'il en soit ma sexualité de femme de 56 ans est inexistante, redoutée et pourtant j'ai pu mettre au monde deux enfants. Deux soleils dans ma vie qui aurait été, sans eux et leur père, une vie d'enfer dans ma famille d'enfant incestué. "Tu ne diras rien a papa et maman", voilà les paroles de mon grand frère que j'aimais tant et je l'ai tenue, cette parole, jusqu'à son décès en 2014. Mes parents sont décédés eux aussi avant leur fils. Ma mère ne savait pas nous lâcher, nous protéger et le "dehors" était dangereux pour elle et pour mon père aussi. Ils nous surveillaient sans cesse moi et mes 3 autres frères ! quelle vie j'ai vécu avec la dépression, les angoisses terribles le soir seule dans mon lit, comme lorsque mon frère venait me demander de le toucher (son sexe) ou des séances de chatouilles dans son lit. Je savais ce qu'il voulait et je m'écartais

Je n'ai que deux souvenirs et je me revois petite fille devant ma mère qui venait me chercher en me disant "que fais tu encore dans le lit de ton frère ?" Et dans le deuxième inceste avec mon autre frère, "il ne t'a pas fait mal ? " Alors oui je pense qu'elle savait ce qui s'était passé la première fois mais jamais je n'ai eu de suivi. Mes parents ont fermé les yeux. Je n'ai pu faire mes études loin d'eux, éprouvant des difficultés à me détacher de la maison. Jamais je ne suis partie en colonies de vacances, jamais chez ma tante qui voulait que je vienne chez elle, jamais éloignée de mes parents. Je n'arrivais pas à nouer des relations avec les autres ou alors cela se terminait mal et je me retrouvais seule. J'ai rencontré un homme il ya 35 ans , il est le père de mes enfants et nous vivons ensembles mais je me sens coupable, coupable et obligée de le satisfaire. Je lui ai vaguement parlé de ce qui s'était passé au début de notre relation mais nous étions jeunes tous les deux 32 pour lui et moi 19. J'étais descolarisée et j'étais seule avec ma mère qui ne supportait pas que je sorte.

Mon mari fut ma bouée de secours, mais "aimer" c'est toute la douleur de ma vie, encore aujourd'hui. Je ne sais pas si je l'ai aimé ou si j'ai projeté sur lui l'image que j'avais de mon frère aîné, soumission, peur, culpabilité ! Je n'ai pas pu être indépendante et pourtant j'aurais pu travailler mais j'avais une peur intense des autres ; comme un jeune enfant quand il quitte sa mère pour vivre un peu à l'extérieur ses propres expériences. J'ai fait une analyse, une psychothérapie,  j'ai essayé l'emdr et à chaque fois je me sens mal, angoissée et cela tourne court. Voilà aujourd'hui c'est la ménopause et je me sens toujours aussi mal !