Ce dont nous ne pouvons nous souvenir révèle ce que nous ne pourrons oublier.

Témoignage Publié le 04.02.2007
Après bientôt 5 mois d’une séparation définitive avec mon amie de 2 ans, voilà que je viens une fois de plus témoigner sur ce site. Et pourtant, j’avais souhaité tout oublier d’elle et de l’inceste, me reconstruire en dehors de ces horreurs. Mais si je ne suis pas une victime, je fais maintenant partie, et pour toujours, de ceux qui savent, de ceux qui ont accepté d’ouvrir les yeux.
Mon ex petite amie a été agressée sexuellement par son grand-père maternel de l’age de 6/7 à 15 ans, a occulté cela pendant 15 ans, avant de s’en souvenir suite à une émission télévisée juste avant notre rencontre. Et malgré l’amour profond et bien réel qui nous unissait, notre union a finalement plus été un champ de bataille qu’autre chose.
Pour ma part, j’ai été pendant de nombreuses années, un homme « insouciant », vivant ma vie et mes relations pleinement et sans me poser de questions. J’ai bien sur connu des échecs, divorce et autres, mais aucun ne m’avait laissé un tel sentiment d’amertume, une telle blessure… L’échec de cette relation m’oblige aujourd’hui à accepter que le mal soit plus fort que le bien et qu’on ne puisse rien y faire… et pourtant.

J’ai parfois été en rogne contre moi et ma nature d’homme, contre elle et son comportement de victime. J’ai douté de ce que j’étais comme jamais auparavant, au point même de perdre mes repères. Des repères que j’ai encore un peu de mal à retrouver aujourd’hui.

Mais après 2 années où j’ai donné tout ce que j’avais de bon en moi, par amour et dans l’espoir de faire vivre en elle la vérité sur l’amour et sur le sexe. Après 2 ans où j’ai du douter de moi pour être sur de ne pas être comme « l’autre ». Après 5 mois à « avaler » cette séparation d’avec une femme que j’aime. Après 5 mois de réflexions, je sais qu’il me faut vivre et que cet amour sera impossible.

J’ai de la chance, je ne suis pas une victime !
Mais avant de repartir dans le monde des inconscients, je veux dire aux victimes que vous en sortir est peut être possible. En effet, au cours de ces 2 années avec mon amie, nous avons avancé énormément. Je crois même qu’elle aurait pu s’en sortir, mais il aurait fallu que je puisse l’aider de l’extérieur de notre couple et avec des mots que j’étais à l’époque trop fragile pour trouver. Après plusieurs mois, je crois avoir retrouvé calme et sérénité et ses mots arrivent enfin à mon esprit et peut être pourront-t-ils vous aider.

En premier lieu, la vérité n’est pas cet inceste. Bien sur qu’il existe et que trop. Mais tout autant que les victimes peuvent être muettes de peur puis de honte, il faut le crier « sur tous les toits » et c’est aux victimes de le crier avant tout car seul une victime adulte peut ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir et pour cette victime c’est un peu se libérer. Mais parallèlement, s’il existe bien, l’inceste n’est qu’un travers de la société humaine, l’instrument qu’utilisent certains êtres en marge pour assouvir leur perversité. C’est pour cela qu’ils pervertissent des enfants, des anges, en chose sexuelle… Tout ceci n’est que perversion de la vie, ce n’est pas la vie !
Je suis papa de 3 filles et je ne me suis jamais privé de câlins avec elles. Après avoir lu toutes ces horreurs, je crois même savoir comment les choses peuvent « se produire ». Un enfant est curieux, et plein d’amour envers ses proches. Une petite fille cherche à voir, à savoir comment elle est faite, comment sont faits son papa ou sa maman, ces personnes qu’elle aime tant et qui sont ses repères. Ceci n’est qu’innocence et curiosité. Un adulte normal saura détourner l’attention de l’enfant de tout cela par quelques explications et lui laisser le temps et la chance de se développer sereinement. Un être pervers verra au contraire une occasion de pouvoir assouvir ses basses pulsions et pervertir cette pureté curieuse à son immonde service. Facile à lui de dire en suite mais l’enfant m’a provoqué !
L’enfant par nature non pervers ne peut malheureusement pas y échapper d’autant plus que le « salaud » utilise cette curiosité naturelle et innocente de l’enfant envers cette chose si extraordinaire que peut être le sexe.
Car oui, dans le réel, le sexe est d’abord le moyen de nous reproduire. Et puis, parce que nous sommes des humains et biens il est vecteur de puissants plaisirs et des échanges les plus intenses que peuvent connaître 2 personnes. Bien sur, plus ou moins en marge de ce réel là, il y a la pornographie, la prostitution voir le viol. Mais ces perversions n’ont rien en commun avec l’inceste ou la pédophilie à partir du moment où elles touchent des adultes. Car même victime un adulte a au moins la chance d’avoir les repères construits tout au long de son évolution vers l’age adulte. Et ses repères l’aideront énormément dans la guérison de son traumatisme.

Mon amie, elle n’avait pas ses repères. Et puis comment pouvait-elle faire vraiment confiance à quelqu’un qu’elle aime ? Elle aimait aussi son grand-père ! Et puis le sexe, c’est bon, mais s’est sale aussi. Comment se laisser aller à ces basses pulsions ?
On est là, je crois au cœur du problème. Mon amie était habitée par ses horreurs qu’elle refusait de bien voir mais en même temps s’en servait pour se faire une opinion de la réalité de la vie. Elle pouvait mettre en doute ce que j’étais, tout en minimisant ce qui lui était arrivé petite. Un moyen de ne pas perdre pied, de garder certaines références d’une enfance emprisonnée par l’horreur, la honte et le silence. Un moyen de me garder dans sa réalité, car moi aussi je pouvais être pervers…
Bon sang, NON ! Tout ceci n’était pas la vie et ne pourra jamais l’être vraiment !
Le seul moyen de venir à la vie est d’exhumer tout cela, de se souvenir du maximum de choses sans rien se cacher. Car aussi horribles que puisses être ces souvenirs ils ne sont qu’une réalité parallèle à la vraie vie qui empêche les victimes d’accéder à cette vie véritable est juste.

Car oui tous ces gestes, ses abus perpétrés par ses « salauds » sont l’anti-thèse du sexe et ils faut se les rappeler pour leur donner leur vrai signification.
Bien sur, les gestes sexuels sont ce qu’ils sont et ces abus sont constitués de ces même gestes. Alors où est la différence ?
Les rapports sexuels entre adultes consentants et confiants sont un partage, une fusion qui enivre et porte les corps et les esprits vers un plaisir commun. Et plus les limites de 2 personnes sont loin, plus la fusion et le plaisir peuvent être grand.
L’inceste n’est qu’abus, aucuns partage, aucune fusion, rien de commun. Seul, l’enfant aime, fait confiance puis a peur, honte. L’autre pervertit et se sert.

Il n’y a aucune comparaison entre ses deux réalités et accepter de se souvenir de celle qui fait mal, n’est rien en regard de la différence avec la vraie réalité de la vie qui est là immuable et près à accepter tout le monde.
J’ai voulu entraîner mon amie dans cette réalité, mais c’était impossible, son traumatisme la rendait bien plus forte que moi. Je risquais tout au plus de sombrer avec elle.
Je sais aujourd’hui que je ne pouvais rien faire et qu'elle seule pourra peut être un jour décider d’ouvrir les yeux réellement. Accepter de regarder bien en face cette horreur au fond d’elle, pour être capable de voir enfin ce qui est beau en elle et chez celui qu’elle pourra enfin aimer vraiment.