J'ai peur d'être folle

Témoignage Publié le 20.01.2020

J'ai peur d'être folle

Bonjour, 

Je témoigne aujourd'hui, essentiellement parce-que je me demande si je suis seule. Je vais parler de choses qui peuvent déranger, mais c'est bien le seul endroit où je peux le faire. J'ai 22 ans et suis sortie de l'amnésie il y a bientôt deux ans. Je sais que, dans le fond, j'ai de la chance dans ma malchance. Lorsque j'ai parlé, ma mère m'a crue et toute ma famille maternelle également. J'ai d'abord été surprise, persuadée que l'on ne croirait pas. Puis j'ai été soulagée de l'aide qu'ils m'ont apporté. Et enfin, je me suis dit qu'ils se trompaient, qu'ils ne devaient pas me croire car je suis folle.

Alors première question : Vous aussi, si vous avez eu la chance d'être cru, vous arrive-t-il de vous dire que ce sont ceux qui vous croient qui sont fous ?

Cependant, une fois les images venues à mon esprit, de manière assez claires mais finalement pas tant, je les aies dénigrées. Je me disais et me dis encore que je suis folle, qu'il m'est arrivé parfois de mentir. Ce qui me dérange le plus en ce moment, c'est que je reporte. Par exemple, ma petite soeur (qui est la fille de ma maman et de son mari - pas de mon père, mon agresseur) m'inquiète. Je cherche des signes d'abus chez tout le monde et encore plus chez elle. Il m'arrive de me dire que je me suis trompée de personne, que mon père n'est pas l'agresseur. Je me dis par exemple que c'est mon grand père maternel. Cela me soulage quant à l'implication de mon père et m'angoisse quant à la possibilité d'exposition au danger de ma petite soeur. 

Alors deuxième question : Vous est-il arrivé aussi de vous poser des questions, allant parfois jusqu'à porter de vraies accusations, à des personnes saines de votre entourage, qui ne vous veulent pas de mal ? 

C'est vraiment contraignant. Je ne sais pas si c'est pour m'éloigner de ma propre douleur, mais c'est fatiguant d'être hyper-vigilent. Ensuite, il y a quelque chose dont j'ai vraiment honte et vos réponses pourraient vraiment me soulager. Je vous demande bien-sûr d'être honnête... Même si ça peut-être vraiment difficile. Lorsque j'avais des flash-backs, j'ai eu de nombreuses réactions corporelles. Repli sur soi, envie de vomir, difficulté à respirer, froid. Mais l'une d'elles m'a vraiment fait honte et je ne sais pas comment l'interpréter : j'ai mouillé. D'abord j'ai eu le besoin de vérifier, j'ai mit une main dans ma culotte et force était de constater que mon sexe était humide. C'est un des signes qui a fait comprendre à ma mère que j'avais vraiment été abusée, pourtant moi j'ai honte.

Plusieurs possibilités/réflexions :
- mon corps a réagi mécaniquement comme lorsqu'il le faisait lors des abus (je n'ai vu cela dans aucuns des témoignages ou articles),
- je suis folle et mes flash-backs étaient des fantasmes malsains plus que des reviviscences.

Une chose et c'est la dernière dont je voudrais parler aujourd'hui, j'ai des pensées intrusives. Des lectures que j'ai faites, il semblerait que cela s'apparente à des TOC. Lorsque ma petite soeur est née, j'ai eu peur d'être pédophile, c'est plus ou moins passé. Je sais que c'est un TOC connu alors je ne m'en inquiète plus trop, sinon qu'il pourrait me pousser à croire une fois de plus que je suis folle et que j'ai inventé toutes ces violentes violences. (viols jusqu'au vomissements, sadisme, violences psy et j'en passe) On m'a déjà dit que je serais folle si mon cerveau avait pu inventer ces images. Alors voilà que depuis quelques mois, j'ai des images mentales de trous du mon corps. Un mélange de trypophobie et d'infestation de son propre corps. Parfois c'est dans mon intérieur, parfois sur mon visage. ça me provoque de grandes angoisses et je travaille à les apaiser. Mais avez-vous déjà eu cela ? J'espère ne pas vous dégouter autant que ce que je ressens en vous en parlant... 

Je comprend bien que mon témoignage n'en est pas vraiment un, mais qu'il est surtout une foire aux questions où je demande vos témoignages à vous. Il y a des réponses à mes questions qui sont évidentes avec des mots que je connais, je me suis énormément renseignée. Je n'attend pas de vous des explications rationnelles et médicales mais des mots simples... C'est que j'ai la chance d'être aimée par mon compagnon, par ma famille maternelle. C'est que j'ai la chance d'avoir été soutenue au moment où j'aurais mit fin à mes jours. C'est que j'ai la chance d'avoir creusé et voulu comprendre mes troubles si jeune, grâce aux ressources que j'ai autour de moi. C'est que j'ai la chance d'avoir l'art pour m'épauler. C'est que j'ai la chance de ne pas avoir construit toute ma vie sur du mensonge à moi-même.

Merci pour votre lecture,
Merci pour vos futures réponses,
Je suis pressée d'être un peu plus guérie pour pouvoir aider à mon tour. 

Et puis, je vous aime. Je ne vous connais pas, mais je vous aime. Je sais que je vous aime, je vous aime de soutient, je vous aime de bienveillance, je vous aime d'affiliation.