Je ne sais pas

Témoignage Publié le 23.07.2018

Je ne sais pas

Bonjour,

Je suis un homme de 52 ans. Je vais commencer par la fin ce sera plus facile. J'étais en thérapie avec une psychothérapeute qui travaille dans une association contre la violence où les affaires de viol sont monnaies courantes. J'ai raconté des rêves de terreur nocturne que je fais depuis plus de vingt ans sous plusieurs formes différentes mais toujours avec la même structure. La nuit, aujourd'hui ou dans ma chambre d'enfants. Quelqu'un entre ou veut entrer. Je suis paralysé de terreur. Je veux hurler mais impossible. Aucun mot ne sort. Jusqu'à ce que je me réveille terrorisé. Ces cauchemars sont toujours hyper-réalistes. J'étais donc en thérapie parce que je pense avoir subi un inceste dans la prime enfance et que j'ai découvert qu'on pouvait avoir une amnésie traumatique. Je me connaissais depuis un moment maintenant comme dissocié.

A la suite de cela, j'ai commencé à faire des rêves plus construits qui parlait de chambre et de secret, d'un homme et de son fils et un autre où un gitan s'est allongé sur moi. C'était la première fois que c'était aussi concret ! Dans ce dernier j'étais paralysé comme dans tous ceux que j'avais fait depuis 20 ans. La psychologue m'a dit c'est bizarre les gitans sont gentils avec les enfants et l'interprétation de l'autre rêve qui était plein de symbolisme pertinent a été fait au même niveau. J'ai laissé passé 2 ou 3 mois et je lui écrit pour lui dire nos différences d'interprétations. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas le temps de me répondre dans l'instant. Il s'est passé encore un mois plein. J'ai envoyé un sms en lui demandant si c'était cela l'usage qu'elle faisait de la pleine conscience? Elle me disait utiliser cette méthode venue d'Amérique. Je suis professeur de Yoga et je l'ai interpellé sur quelque chose que je connais bien. Elle m'a demandé de ne pas l'agresser. M'a dit qu'elle constatait mon agressivité en cette période et qu'il était mieux que nous coupions le lien comme je l'avais suggéré.

Je précise que je n'étais pas en colère et que je ne le suis pas plus aujourd'hui contre elle. Que j'ai de la colère en moi est une autre histoire.

J'étais vigilant quant à cette relation thérapeutique car j'ai connu une autre expérience, psychanalytique celle-là. J'avais déjà une suspicion d'inceste. Les cauchemars et la peur, cela me paralysait, de faire du mal à ma première fille quand elle était un nourrisson. Je ne dirais pas le mot, vous l'aurez compris. C'est trop dure pour moi! J'ai la gorge qui se sert et les larmes qui montent rien qu'à l'idée que j'ai pu formuler de telles craintes. Aujourd'hui tout se passe magnifiquement bien avec mes deux filles et je n'ai plus ce genre de peur.

Le psychanalyste, spécialiste des rêves, je le précise a conclu que j'étais bi-sexuel... comme mon père. Je lui rétorqué que je devais aussi être pédophile puisque j'avais cette peur avec ma fille. Je voulais lui démonter que sa théorie ne tenait pas. Il a balayé cela d'un revers de manche. C'est lui qui avait le savoir. Alors je lui ai parlé d'une manière à lui faire peur, je l'aurais volontiers frappé tellement je trouvais cela injuste. Ce que je n'ai pas fait.

Maintenant le récit va être plus compliqué à expliquer. Car il concerne ce psychanalyste et moi quand j'avais 12 ans. Psy que je ne connaissait pas à l'époque.

12 ans, mes parents envisagent sérieusement le divorce. A l'époque je ne m'exprime que par le dessin. Je suis incapable de ressentir une émotion. Il va me falloir un paquet d'années avant que cela arrive et ce sera une submersion, une noyade. Je ne serais plus jamais le même après. Puis une autre paquet pour que je puisse mettre un mot concret dessus et enfin que j'exprime mon émotion avant que la colère n'éclate et m'emporte.

Donc 12 ans. Je fais un dessin que je montre à ma mère. Un vieux chêne au tronc large, et aux branches mortes. d'un côté un homme et à l'opposée une femme. Certainement la symbolisation du divorce et de la fin de la famille. Ma mère en conclue que je suis bi-sexuel (j'ai raconté cela au psychanalyste). A la même époque, mes parents m'envoient chez un pédopsychiatre à Tours fin des année 70. Il me fait déshabiller pour m'ausculter. Je lui demande pourquoi. Il me dit qu'il est médecin et que cela fait partie de sa formation. Il me triture bien les testicules en me disant que je suis bien développé pour mon âge. J'y retourne une deuxième fois. Il recommence. Je lui fait remarquer qu'il m'a déjà ausculter. Il me dit l'avoir oublié. J'ai raconté cela à mes parents. Cela les a fait marrer. Je me suis dit que ce n'était pas si grave.

30 plus tard, j'ai raconté cela au psychanalyste. Il s'est excusé au nom de la profession. C'était un ancien psychiatre. Ce jour j'ai pleuré et je l'en ai remercié. je me suis dit que c'était un type super, digne de confiance. C'est passé un an et nous avons reparlé du pédo-psychiatre. Il était passé au tribunal pour des plaintes identiques à ce que j'avais vécu. Défendu par tous les psy de la ville de Tours, il avait été acquitté. Défendu par tous mais pas par mon psychanalyste, psychiatre à l'époque. Il avait recueilli le témoignage d'un enfant en institution éduco-médicative qui relatait les mêmes faits à propos du même pédo-psychiatre. Mon psy n'a pas dénoncé les faits à l'époque, pas plus qu'il est allé témoigner contre le pédo-psychiatre pédophile. 

Il a attendu un an avant de me raconter l'histoire. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu que c'était pour ne pas fausser la relation thérapeutique. Mais pourtant c'était ça qui faussait la relation ! Et puis un an encore et il m'a qualifié (disqualifié) de bi-sexuel. Je l'ai vécu comme un abus supplémentaire.

Voilà, aujourd'hui quand je raconte que je pense avoir subi un inceste j'ai des sanglots irrépressibles (la dernière psy en date m'a trouvé bien sensible). Est-ce que tous les psy sont des charlatans ? Est-ce qu'il s'agit d'une vaste fumisterie tout juste bonne à "normaliser" les gens ? J'ai une sacrée tendance à le croire après ces 40 ans d'expérience. J'ai n'est pas de solution en tout cas. Je suis en train de divorcer. C'est choisi. Mais à part mes enfants que j'adore et mon travail que je fais très bien (j'accompagne pas mal de douleur psycho-corporelles et j'aide les gens à aller mieux), je n'ai quasiment pas de vie sociale. J'ai coupé les ponts avec cette famille très toxique qu'est la mienne il y a plus de 20 ans pour pas crever. Et j'ai bien fait. J'ai été obsédé par le suicide pendant 20 ans au moins et dépressif sur la même période. 

Ce que je vous livre n'est pas un message négatif, douloureux mais pas négatif. Je trouve une force nouvelle à chaque épreuve. Il faut dire que j'ai décidé de vivre après m'être suicidé vers 23 ans. Et aujourd'hui j'ai en même temps que cette faille, cette fracture extrême, une force intérieure de plus en plus colossale. Mais voilà, je veux savoir réellement, avoir une certitude quand à l'inceste. J'ai besoin de le dire les yeux dans les yeux à ceux qui sont ma famille. J'ai besoin d'exister, c'est à dire faire exister ma vérité à l'extérieur. Je sais que j'ai besoin de passer par là pour progresser, pour aider encore mieux mes filles à grandir, pour accompagner avec plus de justesse les élèves de Yoga dans leur cheminement. Et pour moi. Je me le dois.

Voilà, la gorge se noue, les larmes montent.

Bien à vous.