Je sais que c'est mal

Témoignage Publié le 17.07.2019

Je sais que c'est mal

Je sais que c'est mal. Je sais que ce tu as fait est inexcusable. J'ai peur de qui tu étais, de qui tu es, même si tu sembles bien, heureux, changé. Tu vis ta vie avec ta future femme alors que moi je suis à bout. Cet inceste revient me hanter par phase et si je ne me libère pas, il reviendra toujours jusqu'à la fin. Mais moi je sais ce que tu m'as fait. Je ne sais pas quand ça a commencé, quand ça s'est fini, je n'ai aucune idée de combien de fois est-ce arrivé mais je sais que ça s'est étalé sur plusieurs années jusqu'à ce que j'arrive un jour à dire stop, à comprendre qu'il fallait que ça cesse. Tu as touché ma sensibilité, mon corps. Tu m'as sali et aujourd'hui encore j'essaye de vivre avec les conséquences de tes actes, autant au niveau physique que psychologique.

Comment as-tu pu abuser de ta petite sœur ? Tu avais beau ne pas avoir de copine, te prendre que des râteaux, ne pas connaître le sexe, comment as-tu pu ? J'ai longtemps culpabilisé, du fait que j'étais une trouillarde, que parfois j'allais dans ta chambre ou celle de mon autre frère pour dormir. Est-ce comme ça que ça a commencé ? As-tu eu autant peu de respect pour toi pour me faire ça ? Tu te frottais, nu, contre moi, nu aussi pour simuler le coït. Tu me faisais des cunillingus. Tu m'as dit que quand on faisait ça "on n'est pas frère et sœur" pour te déculpabiliser toi, pour me faire me dissocier moi ?

Je sais que tu as abusé d'autres personnes, des cousines. Moi-même ai été abusée par deux autres cousins. Notre famille est-elle si tordue que ça ? En parliez-vous entre vous ? On m'a dit ou forcé je n'arrive même pas m'en rappeler à faire une fellation. Je ne comprenais pas, je l'ai fait en ne sachant pas ce que c'était. J'avais juste l'intuition que ce n'était pas normal, que quelque-chose clochait. Et j'avais honte. Alors je n'en ai parlé qu'à des amis, des personnes externes à la famille. Et je n'ai jamais réussi à tout dire, à mettre des mots sur tous les actes dont certains sont enfouis au plus profond de moi. 

Heureusement que je me suis libérée un peu de ça en parlant directement à mes amies, c'est ce qui m'a aidé à tenir. J'ai souvent pensé à la fugue, au suicide tout en sachant que je n'aurais jamais le courage de franchir le pas. J'étais trop sage, je ne voulais pas d'ennuis, pas créer de conflits. Et en grandissant j'ai changé. J'ai dévoilé l'inceste à mon premier copain, ça a tué à petit feu notre relation même s'il m'a beaucoup aidé. A prendre confiance en moi, à oser parler, etc. Qui aurait pu penser que c'était finalement grâce à lui que se déclencherait tout ce cheminement vers ma guérison ? Il t'a envoyé un message de haine, te traitant de tous les noms, menaçant de le dévoiler à ta copine. Tu as donc décidé de me voir, de t'excuser mais ce soir je pleurais. J'ai entendu tes excuses comme des juifs auraient pu en entendre d'Hitler. Ça ne justifie en rien tes actes et ça règle juste le fait que tu m'as dit ce que tu devais me dire, que je ne peux plus rien attendre de toi.

Ainsi, ce soir là, la machine était lancée et depuis ce moment là j'y pense quotidiennement. Je me suis toujours rappelée de certains passages de l'inceste mais je vivais avec, comme on vit avec une épreuve incompréhensible de la vie, je n'y pensais donc pas tous les jours. Quand on a faillit tous se retrouver, mon copain, toi et moi j'ai cru que ma vie s'arrêtait. Je savais qu'il y aurait des dégâts alors nous sommes partis, te laissant avec les parents, ta copine et notre frère. Tu leur as expliqué ce qu'il s'était passé et ça m'a détruite. D'autant plus que je ne sais toujours pas ce que tu leur as dit. Notre frère ne s'en souvient même pas donc tu as dû rien dire de fou, à l'image d'un bel agresseur typique. Cela veut dire que depuis cette soirée, il y a deux ans, je continue à vivre avec une famille qui ne cherche même pas à comprendre ce qu'il s'est passé, qui s'étonne de ma colère soudaine. Je ne supporte plus rien, les reproches bien que minimes sont de trop. C'est ma vie, mes choix je ne veux plus qu'aucune personne m'influence.

Je sais qu'une fois les parents nous avaient surpris ou presque dans ma chambre, que papa était sorti de ses gonds, que maman me parlait mais je pleurais et pleurais. Et c'est ce que je fais encore, je ne sais que pleurer. Après ça, ils ne sont jamais venus me voir, pour en parler, pour savoir concrètement ce qu'il se passait. Je leur en veux tellement. Je leur en veux de ne pas m'avoir protégée de toi, de ne pas avoir pris sur eux pour faire appel à un psy, d'avoir tenu secret pour maintenir cette famille faussement unie. Je n'arrive pas à leur en parler. Je n'arrive pas à leur dire que je me fais aider, que j'ai une psy alors que je ne suis même pas indépendante financièrement. Je n'ai que 21ans et la moitié de ce que je gagne va dans mes séances. 

Le lendemain du soir où tu leur as dévoilé tes actes (sûrement qu'on avait du faire du touche touche pour connaître nos corps lol), maman m'a parlé seule à seule. Elle m'a aussi dit que tout le monde faisait des bêtises. Depuis ce jour, je n'ai plus aucun respect pour elle. Et elle ne pourra jamais racheter la perte du peu d'amour que j'avais pour elle. Et maintenant, elle s'étonne de ma froideur, de ma distance. Tout ça est de ta faute. J'ai aussi perdu mon copain en partie à cause de toi. Quand vous avez fini par vous expliquer, quelques mois se sont écoulés jusqu'à Noël où l'on était tous réunis. Après cela il m'a dit des horreurs, qu'il ne voyait plus l'avenir avec moi, que maintenant que c'était réglé entre vous il ne voyait plus pourquoi être avec moi. On a rompu 2 semaines après. J'ai perdu la notion de la famille à cause de toi. Pour moi, ce mot ne veut rien dire. Je suis proche de vous seulement parce que j'ai grandi avec vous et que le sang nous lie mais plutôt crever que d'avoir une famille comme ça. 

Mes amis sont ma famille, ce sont les personnes que j'ai choisies, en qui j'ai confiance et qui connaissent celle que je suis vraiment. Ma future famille, au sens sanguin, ce sera mon conjoint et mes enfants. J'ai longtemps pensé que je vous abandonnerais une fois que j'aurais trouvé ma définition de la famille (citée au-dessus) et je ne sais toujours pas ce qu'il en est. J'ai perdu mon innocence à cause de toi. J'ai toujours voulu comprendre alors que je n'avais pas les clés en main, on n'a pas les clés en main à 10 ans, ce qu'il se passait entre nous, pourquoi je devais me mettre nue devant toi, pourquoi j'ai eu l'impression de ressentir du plaisir des fois. Cette honte là me poursuit chaque jour. Je ne me sens pas légitime aujourd'hui de mon désir. Parfois j'ai eu l'impression avec mon ex copain d'être un objet alors qu'il agissait normalement. La faute à qui ?

J'aimerais tellement que tout soit normal, que ma vie soit normale, c'est sûrement pour ça que j'ai nié la gravité des conséquences de tes actes (et continue encore de le faire). Tout dans ma vie est donc mitigé. Je ne crois pas au tout noir ni au tout blanc. C'est peut-être pour ça aussi que je n'arrive toujours pas à me positionner vis-à-vis de toi mais sache que je ne veux pas être ton témoin à ton mariage. Je te respecte seulement parce que tu fais partie de ma famille (quelle famille ?!) et que je n'ai pas encore le courage de la briser en tout dévoilant, sinon j'aurais déjà porté plainte. Je ne te pardonnerai jamais, en attendant, j'essaye de me pardonner à moi-même.