Je voulais protéger ma mère

Témoignage Publié le 14.04.2006

Je sais maintenant pourquoi je ne me suis souvenue de rien jusqu'à l'âge de 33 ans!
J'attendais la mort de mon père, l'abuseur qui a volé mon enfance/innocence. Malgré que j'ai confronté ma mère par la suite, qu'elle nie avoir été au courant des abus, j'ai toujours de la difficulté à reconnaitre, à accepté et à me laisser ressentir la colère que j'éprouve encore envers elle.

Peut-être que j'attends sa mort pour enfin me libérer? Je sais par contre, que j'ai gardé le secret de ma relation incestueuse avec mon père aussi longtemps, parce que je voulais protéger ma mère. Dès que je lui ai dit que je consultais un psy parce que je doutais avoir subis l'inceste de mon père, elle a songé au suicide et elle s'est fait interné dans un hopital pendant 4 mois pour dépression sévère. Elle est sortie de là avec un diagnostique de maniaco-dépression et elle prends des médicaments depuis.

J'ai aujourd'hui 46 ans, et même si j'ai récupéré la majeure partie des abus perpétrés sur moi, j'avais toujours cette impression qu'il me manquais des morceaux importants à mon passé. Maintenant, je sais que je me dois d'en parler, que je n'ai plus à garder le secret. c'est ce qui m'a amené à ce site. Je peux enfin partager à d'autres qui ont vécu des abus sexuels dans leur enfance, ce que je n'osais divulguer à personne tellement j'avais honte, tellement j'avais de la difficulté à croire moi-même aux souvenirs qui m'apparaissaient; souvenirs intolérables pour moi à accepter.

Je me suis souvent posé la question: pourquoi d'autres se sont toujours souvenus des abus tandis que moi j'ai tout occulté jusqu'à 33 ans? J'ai compris après avoir lu sur le sujet de l'inceste et avec l'aide de diverses thérapies, que c'est à cause que mon père à commencé à m'abuser quand je n''étais qu'un bébé, que mon esprit a tout enmagasiné dans mon subconscient afin que je puisse survivre, que je puisse fonctionner. J'ai grandi dans l'isolement, dans une immense solitude. J'ai mouillé mon lit jusqu'à l'âge de 11 ans, j'étais somnambule, j'étais kleptomane. C'est-à-dire, que je volais le petit change dans les poches de pantalon de mon père à toutes les fois que les occasions se présentaient à moi. C'était ma façon de lui dire qu'il me devait de l'argent pour ce que je lui faisait. Je suis certaine qu'il se doutait que je le volais régulièrement. J'avais développé aussi à l'adolescence, des maux de ventres terribles, c'était comme des contractions juste avant un accouchement. Cette douleur a disparue de mon corps lorsque j'avais environ 26 ans. J'étais aussi très addictée aux sucreries dès mon plus jeune âge; je devais toujours manger du sucre pour m'engourdir l'esprit, pour m'aider à ne rien ressentir, pour me donner une sensation de bien-être que je ne pouvais avoir autrement. J'ai commencé à être anorexique vers 12 ans ensuite à 20 ans, lorsque je suis tombée enceinte, j'ai commencé à me faire vomir à toutes les fois que je mangeais quelque chose. Les crises de boulimie ont durée jusqu'à l'âge de 37 ans. J'ai réalisé que lorsque je me faisais vomir, la sensation libératrice que je ressentais par la suite, rendait cet acte indispensable dans ma vie. Jusqu'au jour, où j'ai fait un atelier intensif de guérison spirituelle, avec un groupe de 12 personnes. La puissante force spirituelle/divine qui était présente dans le groupe a permis que je me libère de ce comportement destructif. A partir de ce moment, j'ai senti l'emprise que mon père avait sur moi, c'est à dire, le monstre qui habitait mon ventre, qui m'envahissait dans tout mon être de femme.

Je suis consciente que j'ai encore du chemin à faire pour me sentir libérer complètement des séquelles que l'inceste a eu dans ma vie. En continuant de rester connectée à mon ressenti, à mon intuition, aux sensations dans mon corps, je peux suivre les pistes et les regarder sans distorsion. Je réalise qu'en acceptant le plus possible, ce que mon corps me révèle sur mon passé, je me réapproprie mon pouvoir personnel, mon espace vital. En apprenant à suivre les indices que mon corps me montre, je découvre d'autres aspects de mon passé que je n'avais encore intégrés. Je suis devenue aussi plus réaliste quant au cheminement de guérison que j'ai entammé il y a 13 ans; je sens une force réparatrice qui se construit petit à petit en moi, une force qui ne m'abandonnerai plus jamais aujourd'hui.

J'en aurais encore beaucoup à raconter mais je vais arrêter ici pour l'instant. Je sais que je vais pouvoir continuer à m'ouvrir pour libérer de mon corps de femme, le poison qui m'a fait tant de dommages, tant de ravages dans ma vie...

Je remercie tous ceux et celles qui partagent sur ce site, ceux qui sont responsables de la création de ce site, permettant ainsi aux victimes de se dévoiler enfin, de se libérer de leur calvaire, de leur prison infernale.