La vie est belle

Témoignage Publié le 16.12.2015

La vie est belle

Je ne sais pas trop comment commencer ce témoignage. Je suis victime d’inceste et quand bien même, je sais que mon combat n’est pas terminé, je reste optimiste et positive quant à mon avenir. C’est pour cela que je voulais témoigner ? J’avais déjà lu des témoignages il y a longtemps, qui au final, m’avait fait peur et me poser des questions.

Je n’ai pas fait de tentatives de suicide ; je ne suis pas alcoolique, ne me drogue pas, ne me prostitue pas, ne suis pas sous anti-dépresseur, ne suis ni anorexique ni boulimique… Est-ce que ça veut dire que ce qui m’est arrivé est alors moins grave que les autres ? Ou est-ce que ça veut dire que je réagis différemment ?

J’ai aujourd’hui 27 ans et j’avais à peu près 9 ans (honnêtement, j’ai eu énormément de mal à le situer dans le temps…) lorsque mon cousin, de 5 ans mon aîné, est venu dans mon lit me faire des attouchements. Je n’en ai parlé à personne de ma famille, juste à ma meilleure amie du moment, quelques temps plus tard, qui avait subi à peu près la même chose de la part de sa cousine. Nous avions décidé à ce moment-là d’en parler à notre maîtresse. Elle a réussi : moi, non.

J’ai ensuite enterré cette histoire : nous n’en n’avons plus reparlé avec ma meilleure amie. Mis à part tous ces stratagèmes que j’inventais si jamais je devais être seule avec mon cousin ou s’il voulait recommencer, et ces peurs lorsque j’étais seule avec lui, il est vrai que je n’y ai pas pensé pendant plusieurs années.

Tout est ressorti avec l’adolescence et mes relations avec les garçons. J’avais extrêmement peur d’être avec eux, d’être seule avec eux, mais j’avais encore plus peur de ne pas être normale et que tout le monde remarque qu’effectivement, j’étais différente. Alors, je me forçais beaucoup à sortir avec des garçons. Je portais tout le temps un masque de jeune fille heureuse alors que j’avais toutes ces peurs au fond de moi, tous questionnements et ce mal-être constant avec le sexe opposé. En famille, je m’étais renfermée ; je ne parlais que très peu et m’énervais très facilement. Pendant mon adolescence, mon frère a fait une tentative de suicide que j’ai su en fouillant dans sa chambre (je n’en suis pas fière, je tiens à le préciser) et je pensais à l’époque que la raison en était son homosexualité. A mes 16 ans, mes parents se sont séparés. Je suis partie vivre avec ma mère et mon frère est parti avec mon père. C’est à ce moment-là que les choses se sont dégradées pour mon frère qui a commencé à faire de grosses crises d’angoisse et à perdre énormément de poids.

Ado, j’étais obnubilée par cette « normalité ». Je me sentais obligée de sortir avec des garçons mais aussi et surtout de découvrir le sexe et perdre ma virginité. Etant très timide, voire coincée à cause de ces peurs, j’ai toujours dit à mes copains ce qui m’était arrivée, afin qu’ils soient patients avec moi. Mes premières fois (sans pénétration), je me sentais sale, j’avais l’impression que c’était écrit sur mon front et j’avais tout le temps envie. Mais j’avais 17 ans, donc il fallait que j’avance sexuellement pour être une femme comme toutes les autres.

Je suis arrivée à la Fac pendant que mon frère entrait en clinique pour son anorexie et ses crise d’angoisse. J’étais vierge et j’entrais dans un nouvel environnement. J’avais honte de ma virginité et ai donc menti à ce sujet à mes nouveaux camarades de classe : personne ne pouvait vérifier. A ce moment-là, je me suis renfermée et étais persuadée que je ne connaîtrais jamais l’amour, que je ne serai jamais aimée telle que je suis, que je n’aimerai jamais par peur et que je resterai vierge à vie, avec mes chats.

Deux ans plus tard, j’ai rencontré l’homme qui serait mon premier. Il connaissait mon passé mais ne savait pas que j’étais vierge. Il l’a appris, a pris ma virginité, puis les choses se sont compliquées : le sexe me faisait peur. J’avais non seulement peur de mal faire, de ne pas réussir mais aussi des peurs irrationnelles qui me bloquaient, parfois durant l’acte. Très rapidement, il n’a pas su gérer (clairement) et m’a quitté. Je l’ai évidemment très mal vécu : on me quittait à cause de mon passé, à cause des conséquences de mon passé. Pouvait-on alors m’aimer telle que je suis ?

S’en est ensuite suivi de cinq années de fuite (sans vraiment m’en rendre compte) : je suis d’abord partie aux Etats-Unis.

A mon retour, la veille de mes 22 ans, suite à un reportage sur l’inceste, ma mère m’a avouée que mon cousin avait violé mon frère. J’ai alors avoué qu’il m’avait fait des attouchements. Nous avons discuté rapidement et je lui alors demandé comment cela se faisait que je n’avais pas toutes ces conséquences qu’on lit : alcoolisme, drogue, anorexie, automutilation, tentation de suicide et j’en passe. Sa réponse m’a refroidie : ce que j’avais vécu était moins grave que mon frère. Cela peut sembler vrai, il est clair qu’il y a une différence de gravité mais suite à cette phrase, j’ai eu l’impression de me plaindre la bouche pleine, de faire ma petite princesse, que je n’avais pas le droit de me plaindre ni de me considérer « victime ».

Je suis ensuite partie sur Paris où j’ai essayé de me poser et de faire face, pour la première fois, à mon passé en allant voir un psy. Résultat ? J’en ai parlé vite fait au frangin et suis ensuite partie en Nouvelle-Zélande. Là-bas, j’ai commencé à coucher juste pour coucher, pour rattraper le temps perdu mais aussi pour me prouver que je pouvais le faire. Je me suis dégoutée ; je me suis forcée la plupart du temps et j’avais cette impression que si le mec ne voulait pas coucher avec moi, alors cela voulait dire que je n’étais pas intéressante, qu’il ne m’aimait pas (ou ne m’appréciait pas).

Je suis rentrée, puis suis repartie sur Londres. J’ai rencontré mon ex, ma plus longue relation. J’ai redécouvert le sexe, il a été patient, et j’ai compris grâce à lui que je pouvais être aimée telle que je suis : avec mes défauts, certes, mais aussi avec mon passé. Oh, avant, il y a eu l’enterrement de mon oncle, le père de mon cousin. C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte que ma colère s’était envolée. Je lui en voulais plus d’avoir gâché ma vie ou celle de mon frère parce que nous allions mieux. Nous avons finalement rompu, il était relativement violent dans ses propos et m’a forcée à coucher avec lui à la fin alors que je n’en avais pas envie.

Aujourd’hui, je ne traîne plus mon passé comme un boulet : il a fait ce que je suis aujourd’hui. Je ne donne pas ma confiance facilement ;  je suis quelqu’un de secret et discret ; mon sommeil est léger et agité ; j’ai encore du mal à associer « sexe » et « amour » ; j’ai un grand manque de confiance en moi MAIS j’ai foi en l’avenir parce que j’ai fait énormément de chemin SEULE.

Ce témoignage est aussi pour moi, parce qu’au fond, je suis courageuse et optimiste et c’est cet optimisme et ce courage qui m’ont permis de surmonter les épreuves et de ne JAMAIS faire de tentative de suicide ni de me plonger dans l’alcoolisme ou autre.

Il ne faut jamais abandonner, parce que la meilleure revanche sur la vie, c’est de la vivre jusqu’au bout, même lorsqu’on ne voit plus la lumière au bout du tunnel, elle est TOUJOURS là...

Nous en parlons
L
Louane
Publié le 16.01.2016
Inscrit il y a 9 ans / Nouveau / Membre

Très beau témoignage de résilience. C'est important de nous faire part de ton témoignage, merci à toi ! Que du bonheur pour la suite :-)

T
takatitapakite
Publié le 27.12.2015
Inscrit il y a 10 ans / Actif / Membre

Merci....