Lettre à ma mère

Témoignage Publié le 24.11.2014

Lettre à ma mère

Maman,

Je reprends contact avec toi.. et j'aurais préféré le faire d'une autre manière..
Mais là je n'ai plus le choix.

Ça va faire maintenant quelques mois que je dois gérer la remontée de souvenirs douloureux. C'est ressorti par chaque pore de ma peau. Tout m'a éclaté en plein corps, en plein cœur.

Ces souvenirs sont remontés en moi avec une telle violence, que pendant les premiers mois je me suis emmurée pour la contenir, pour comprendre pourquoi ces souvenirs avaient été si enfouis et ... pendant si longtemps..

J'ai du apprendre à vivre avec, à le porter seule.. A ne plus être en colère..
Ces souvenirs sont là, ça a existé et malheureusement c'est comme ça.

Et le 27 juin 2014, pour la première fois, les mots sont sortis lors d'un diner avec une amie, puis à ma meilleure amie, puis en août à mon frère. Et ce dernier samedi à mon homme...

Parce que c'est pas facile à dire. Parce qu'il n'y a pas de mot pour ça.

Mais les tabous et les secrets de famille ça suffit, je ne veux plus porter cela et surtout je ne souhaite pas transmettre ça à ce que j'ai de plus chers au monde : mes enfants.
Je me dois de les protéger. Et ce n'est pas en taisant cela que je le pourrai. Et les protéger : c'est ma seule priorité.

Je te transmets le petit texte que je voulais, il y a quelques jours, vous envoyer à tous les deux.
Mais par respect pour toi, je te le joins d'abord.

Je sais que ça ne va pas être facile, mais je ne peux plus protéger tout le monde...

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J'ai fait un long parcours durant ces dernières années et encore plus les 2 qui viennent de s'écouler.

Un long travail sur moi même. Et seulement avec moi même.
J'aurai peut être du me faire accompagner pour éviter de traverser seule toutes ces épreuves.

Ces épreuves m'ont amenée à essayer de comprendre pourquoi ça me touchait si fort votre éloignement.

Et ce long et fastidieux travail du à ce que j'ai vécu, subi, surmonté, m'a permis enfin de me libérer.

Je sors enfin du silence.

J'en sors grandie et encore plus fière de ce que j'ai accompli durant toutes ces année passées, fière de ce que je suis.

Je me libère de tout le poids que j'ai enfoui, inconsciemment porté au plus profond de moi.
Que tout ce poids se pose enfin.

Qu'il sorte hors de moi, qu'il se pose juste là à côté de moi.

Qu'il soit à vue, à ma vue enfin (plus caché en moi) et à la vue de tous.

Non je ne souhaite pas qu'il disparaisse, oh que non! Je l'ai suffisamment enfoui, protégé,...

Et je n'avais pas à le faire..
Comme je n'aurais jamais du à avoir le porter.

Ça a existé et c'est ainsi.
Alors il est là.

J'ai cherché au plus profond de mon âme les raisons de mon silence, de ce déni qui dure depuis si longtemps : De l'adolescence à il y a peu...


Il y avait l'envie de protéger sa famille, l'envie de ne pas détruire sa mère, son frère, et même son père...

Il y avait la volonté de ne pas vouloir croire que c'était me faire du mal...

Et le silence, ce déni devait être un instinct de survie.
Des conséquences trop lourdes sur la vie de chacun d'entre nous...

Alors je feignais le sommeil.

Je feignais de ne rien sentir, ni la chaleur des mains, ni le bruit du souffle, ni l'envahissement de l'indicible.. Les yeux clos, le corps immobile, et l'esprit le plus loin possible.

Malgré cela j'ai protégé.
Malgré cela j'ai aimé.
Malgré cela j'ai donné.

Je me suis protégée,
je me suis construite.
j'ai évoluée, malgré cela.

Mais je suis arrivée à un moment de ma vie où je cesse, où mon corps, mon être tout entier cesse de vouloir porter cela.

Pour moi en tout premier lieu.
Et pour mes enfants. Pour qu'ils ne le portent pas en eux .

Je comprends enfin que les épreuves, que les séparations qui m'ont éloignée des gens que je chérissais m'ont finalement permise de comprendre, d'analyser la jeune fille, la jeune femme et la femme d'avant.

Ces épreuves, ces séparations, cet éloignement m'ont finalement offert la chance, m'ont donnés le droit enfin de me libérer de ça.

Je suis libérée.

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Voilà....

Je suis là pour en parler, je te conseille de t'entourer, car seule c'est super dur.

J'aurai presque envie de dire pardon pour tout cela, c'est terrible, alors que je n'y suis pour rien..
Et c'est pour cela, qu'à partir du moment ou je suis sortie de ce déni, je ne peux plus garder ça pour moi.