Madame

Témoignage Publié le 01.12.2015

Madame

Je me décide enfin à témoigner après beaucoup d'hésitation. Pourtant, je l'ai déjà fait en participant à une émission de télévision et un écrivant un livre mais c'est la première fois que je vais m'adresser à des victimes comme moi.

Quand en 2001, ma psy me dit "il vous a violé et vous vous étonnez de passer vos journées à faire le ménage ?", j'ai cru que la terre se dérobait sous mes pieds. J'étais mariée, j'avais deux enfants et tout volait en éclat. Comment n'avais-je pas compris ce qui m'était réellement arrivé ? Comment avais-je pu croire que cet homme que j'admirais tant et en qui j'avais touts confiance, n'avait fait de moi que son joujou sexuel. Derrière de beaux discours et beaucoup de "marques d'affections", se cachait un monstre, un pervers narcissique qui avait détruit la petite fille puis la jeune fille qui était en moi. Comment avais-je pu croire que ses actes sordides étaient une thérapie pour me sortir de l'anorexie et m'aider à devenir une femme ? J'étais très jeune, vulnérable et terriblement seule. Une mère absorbée par son travail et sous l'emprise (c'est ainsi qu'elle s'est justifiée) mais surtout amoureuse et qui avait peur d'être seule. Alors, moi, la petite fille pleine de vie, on m'a sacrifiée et on m'a brisée. 15 ans de thérapie, un mari adorable, mais la petite fille en moi souffre encore et la femme a du mal à trouver sa place.

Alors, les cauchemars sont encore présents, les mécanismes de défenses ont la dent dure mais je continue de me battre car je ne veux pas qu'il ait gagné. Je veux me battre pour moi, mais aussi pour mes enfants et mon mari, même si parfois j'aurais envie de baisser les bras et de disparaître pour arrêter de souffrir. Heureusement, l'instinct de survie prend le dessus et je ne lâche pas. Difficile de ne pas culpabiliser et de se sentir victime mais difficile aussi de ne plus être une victime. Ca peut sembler paradoxal mais être une victime c'est devenue moi en quelque sorte. Qui suis-je si je ne suis plus une victime avec ses TOCS, ses peurs et ses défenses. Je me suis construite avec ça, du coup lâcher tout ceci me terrorise.

C'est pour cela que je décide enfin de me tourner vers vous. Echanger avec des survivants comme moi me permettra peut être de vaincre ces derniers obstacles qui me mèneront vers la vie, la vraie. La petite fille abusée sera toujours là, mais je voudrais qu'elle soit dans un petit coin de mon coeur pour laisser enfin la place à la femme, celle qui croquera la vie à pleine dents.

Nous en parlons
T
takatitapakite
Publié le 14.12.2015
Inscrit il y a 10 ans / Actif / Membre

Merci de ce témoignage en lequel je me reconnais...