Mon enfance violée

Témoignage Publié le 12.12.2014

Mon enfance violée

Après avoir lu de nombreux témoignages, j'ai décidé d'écrire le mien. Je n'imaginais pas que mon histoire ressemblait à celle d'autres petites filles comme moi qui ont fait confiance à un « plus grand ».

La première fois que cela m'est arrivé, je devais avoir 4 ou 5 ans. Je me souviens que j'étais naïve et que quand mon frère de 6 ans mon aîné m'avait proposé de me montrer un nouveau jeu, j'avais accepté parce que j'adorais jouer avec mon frère. Nos parents jouaient très rarement avec nous, trop occupés par la vie quotidienne. Alors, ils nous laissaient jouer tous les deux au 2ème étage de la maison dans la salle de jeu. La chambre de mon frère se situait juste à côté de cette pièce.

J'ai subi plein de choses différentes. Je me souviens des fois où il mettait sa langue dans ma bouche, où il me forçait à coucher avec lui. Je n'avais ni le droit de parler, ni de bouger. Après les pénétrations, il allait encore plus loin. Les sodomies, les fellations, les cunnilingus. Je me souviens de la première fois où il avait voulu que je lui fasse une fellation. Je lui avais demandé comment on faisait et il m'avait expliqué. C'était devenu tellement courant que je ne me demandais même pas si c'était bien ou mal. Il me promettait toujours de jouer avec moi aux barbies si j'acceptais toutes ses demandes.

Une fois, il m'a dit que c'était « comme ça » qu'on faisait les bébés. Je ne voulais pas le croire parce que je trouvais ça dégoûtant et je me disais que je ne pourrais jamais avoir d'enfants. Parce que je ne voulais pas recommencer ça.

Aux alentours de mes 9 ans, il m'avait allongé sur son lit. Je n'avais ni mon pantalon, ni ma culotte et lui non plus. Il voulait qu'on fasse un « jeu ». Mais ce jour-là, ma mère est montée et mon frère m'a ordonné de me dépêcher de me rhabiller. Je crois que c'est ce jour-là que j'ai vraiment réalisé que c'était mal ce qu'il me faisait. Ma mère nous a demandé ce qu'on était en train de faire. Moi, je ne disais rien, je gardais la tête baissée, j'avais trop honte. Mon frère tentait de trouver une explication mais ma mère n'était pas convaincue. Elle redescendit dans le salon et appela mon frère. Moi, j'étais restée en haut et je me souviens d'une phrase prononcée par ma mère : « Tu lui fais rien, c'est ta petite soeur ». Mon frère est ensuite remonté, puis, ça a été mon tour. Mais avant de descendre, mon frère m'a ordonné de ne « rien dire ». Je suis descendue, ma mère m'attendait. Elle m'a demandé ce que mon frère et moi faisions, que je pouvais tout lui dire, qu'elle ne me disputerait pas. Pendant une seconde, j'ai pensé à lui dire la vérité. Mais je savais que ça allait la faire souffrir et je ne voulais pas qu'elle sache qu'elle élevait un fils pervers. Alors, je lui ai répondu qu'il ne m'avait rien fait. Et elle a prononcé cette phrase qui m'a terrifié : « Alors pourquoi il remettait son pantalon ? ». A ce moment-là, j'ai compris qu'elle avait tout vu. Mais je n'ai rien dit et ma mère m'a laissé remonter. Le soir, au dîner, notre père nous a dit qu'il ne voulait plus nous voir tous les deux dans la même chambre. Je crois que mes parents se doutaient de quelque chose mais ils ne voulaient pas y croire. Depuis ce jour, les viols ont cessé et ma mère ne m'en a plus jamais reparlé.

Aujourd'hui, j'ai 18 ans et je tente de vivre malgré mes souvenirs. Durant mon adolescence, j'ai essayé de croire que j'avais imaginé les viols, que mon frère ne pouvait pas m'avoir fait ça. Mais dans mes cauchemars, ça revenait. Je me souviens de ce rêve où un homme dont je ne voyais pas le visage me violait. Je me souviens de sa présence, de son visage près du mien, de ses caresses sur mon corps, de ma peur, de mon incapacité à bouger. Je restais là, me laissant faire, priant pour que ça s'arrête.

Il y a peu de temps, j'ai eu le courage de me confier à quelqu'un pour la première fois. Un ami qui m'a poussée à réagir, à faire bouger les choses. Je me rends compte que nous sommes des millions à l'avoir subi et des millions d'autres le subiront. Je ne suis jamais allée voir la police ni un psy. J'aimerais participer à des groupes de paroles, rencontrer des personnes qui ont subi la même chose que moi, mais j'ai trop peur. Peur de parler de mon calvaire devant les autres, peur que des personnes de mon entourage me reconnaissent ou qu'ils découvrent mon secret. J'ignore la réaction de mes parents si aujourd'hui, je leur racontais tout. Mon frère a maintenant 24 ans et vient d'avoir un bébé, un petit garçon, avec sa compagne. Quand il vient à la maison, j'ai du mal à lui faire la bise mais je le fais quand même parce qu'il y a mes parents.

Ce qu'il m'a fait m'affectera toute ma vie. Je suis très timide, réservée, je fais très peu confiance aux gens, surtout aux hommes. Je n'ai jamais eu de vraies relations amoureuses parce que je bloque. Je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que l'autre pense au niveau sexuel. Comment je réagirais quand il voudra que nous fassions l'amour ? Est-ce que j'aurais peur ? Est-ce que ça me ramènera à mes années de calvaire ? Je veux trouver quelqu'un qui saura me comprendre, m'écouter et qui ne me jugera pas.

La peur d'être à nouveau violée est toujours présente mais je veux m'en sentir. Je cherche actuellement ma voie, mon but. Je suis à l'université mais ça ne me plaît pas. Je veux travailler maintenant, agir maintenant. Je pense à travailler dans la police mais je n'en suis pas très sûre. Dans mon travail aussi, je sais que je devrais subir les remarques sexistes. Je les ai déjà entendu à l'école. Quand on voit comment des collégiens parlent des filles, comment ne peut-on pas imaginer qu'ils soient capables de violer leur petite soeur ?

L'inceste est une chose que les gens refusent de voir parce qu'ils sont terrifiés à l'idée que cela se passe dans leur famille, dans leur maison. Mais à présent, je sais que je ne suis pas seule. Je me doute qu'un jour, ça explosera et que je déballerais tout. Mais je ne cherche pas forcément à le faire punir pénalement. Je veux seulement qu'on me reconnaisse en tant que victime.