Oser sortir de ses craintes

Témoignage Publié le 24.05.2013

Fotolia_1978926_XSJe voudrais me relier à vous. Je ne savais pas qu’il y avait autant de femmes et d’hommes ayant subi un inceste. Cela me rapproche, m’encourage à me confier, à extérioriser mon trouble. Vous pouvez mieux comprendre, car vous l’avez vécu. Mais d’en parler, est-ce que cela peut vraiment changer quelque chose, une attitude, une manière de se voir, d’apprécier l’autre ? Je doute de la parole.J’en ai déjà parlé à des amies, et à un de mes oncles proches, à une psy qui elle m’a amenée à rencontrer mon frère. J’ai attendu l’âge de 45 ans pour lui parler de notre relation incestueuse qui s’était  passée lors de mon adolescence (moi à 12/13 ans, lui 18/19 ans).

 Il venait dans ma chambre s’allongeait sur moi, se frottant avec un va-et-vient, essayant de me pénétrer,  me mettant dans des positions, sans rien se dire. A d’autres moments, me faisait descendre dans la cave, reprenant son même cirque. Je me souviens avoir eu par moment envie qu’il me touche. C’est la période de la puberté, c’est normal d’après la psy. Un jour je l’avais dit en rigolant à une copine. Elle l’avait rapporté à mon autre frère qui lui, le lui a révélé. Il s’était mis en colère, me tenant les bras, étendue sur le lit pour que j’avoue, puis m’a jetée une fois dis. Mon autre frère était là et n’a rien dit ni rien fait. A qui pouvais-je me confier ?

Mon adolescence n’a pas été fameuse : blocage de la parole, pleurs soudains, craintes. De ce fait, je n’ai pu aller bien loin dans mes études. Etait-ce à cause de cette période ? N’empêche que je ne comprenais pas mon attitude et eu beaucoup de mal à m’en défaire. Mes parents se trouvaient impuissants devant mon état et me disaient que cela partira avec le temps. Tu parles ! Je sais que mes pleurs sont toujours là, ceux-là. Je n’ai jamais accepté mon état et n’ai jamais voulu être ainsi. J’ai toujours tenté de trouver des moyens pour m’en sortir. Mais là j’arrive à un point où je me suis résignée. La cicatrice, la blessure est toujours là simplement mise de coté. Quand elle est sollicitée elle s’ouvre et mes larmes s’écoulent. 

Mon frère a bien reconnu les faits à l’heure d’aujourd’hui et le regrette sincèrement. Il m’a expliqué la source de son acte Mais cela n’a rien changé à ma vie. Simplement, on le sait tous les deux. Mais c’est quand même un rencontre que je n’aurais jamais pu imaginer faire auparavant. Il m’a fallu l’intervention de ma psy pour que je puisse le faire. Je sais que j’ai eu une haine, une colère envers lui lorsque cet événement complètement occulté est réapparu vers 25 ans lors d’un rapport sexuel. Je ne comprenais pas ma fermeture corporelle, aucune sensation. J’en ai déduit que mon frère avait gâché ma vie amoureuse et sexuelle à cause de ses pulsions qu’il voulait satisfaire en me prenant comme objet, moi  me laissant faire, c’est le grand frère ! Je n’osais pas le repousser. Je ne me souviens plus du moment où cela s’est arrêté. Mais il me semble qu’à un moment, je lui avais dit qu’il fallait faire attention de ne pas avoir d’enfant. Est-ce là ?… Etais-je consentante ? C’est étrange comment je le vivais, en même temps admiration et rejet et un malaise de sa part face à moi, que je ressentais mais ne faisais pas le rapprochement.

J’ai subi ces choses et me sens victime, honteuse, coincée, frigide, ayant un dégoût sexuel, une négligence physique, un non respect de moi, me sentant une attitude enfantine, comme si mon évolution physique et mentale s’était arrêtée à cette période. Je ne voudrais pas mettre toute la faute sur mon frère, mais il a contribué à mes déviations, m’a empêché de vivre pleinement mes relations. La vie avec les parents joue un rôle aussi. J’ai eu un comportement d’exécutante, prolongement de ma mère qui m’a appris à servir les autres plutôt que moi. Elle avait toujours peur quand je sortais. Elle a voulu me protéger de l’extérieur mais le danger se trouvait au sein même de la famille. J’ai eu beaucoup de mal à trouver un équilibre entre mes désirs et ceux des autres face à moi. Je laissais mon corps à l’autre et mon esprit partait ailleurs. Fais ton truc si ça peut te soulager !

Aujourd’hui, j’ai 53 ans, sans compagnon sans enfants (et fait la désolation de mes parents), une tendance homosexuelle, une peur de la relation intime que j’éloigne aussi bien d’un côté que de l’autre, ne sais pas faire l’amour, inutilité de l’acte, ne sais pas ce que c’est que d’aimer et d’être aimée en même temps, ne sais plus si j’ai vraiment envie de rencontrer. Dans l’acte, je reste sans réaction, larguée, en confusion. Alors pour compenser tout ça, et ne pas penser ou m’enfoncer, mis à part mon travail professionnel, j’ai des activités artistiques qui  me sont un soutien, mais ça ne guérit pas. Je fais ça pour ne pas être envahie et tomber. J’ai pris l’habitude de vivre seule et ai une difficulté à vivre en intimité, en couple. J’ai des amies et amis mais cela ne suffit pas dans ce cas.

Merci pour votre écoute.

Nous en parlons
A
AuroreBoreale
Publié le 31.05.2013
Inscrit il y a 10 ans / Nouveau / Membre

Je ne pense pas que l'on puisse guérir de l'inceste, on vit avec, on peut apprendre à vivre de mieux en mieux avec, à gérer ses émotions, mais il en reste toujours quelque chose. Simplement, un moment on en a marre, et on décide de penser à soi, et m... pour les autres.
L'homosexualité, ma foi, il est possible que ce soit aussi un terrain où l'on a pas été agressé, donc un refuge. Je sais que je fuis les gens ou les situations qui peuvent me rappeler mon père: par exemple un barbu, c'est hors de question, fût-il un ange, je bloque irrémédiablement. L'important c'est de trouver un confort de vie pour soi même, faire ce qu'on a envie de faire, et non plus faire ce que les autres ont envie qu'on fasse: bon on laisse des cadavres sur l'autoroute, parce que ça leur fait tout drôle qu'on décide d'utiliser le "non" dans quelque domaine que ce soit, et parfois, on le paie cher. Perso, j'ai décidé d'enjamber les cadavres, et de continuer mon chemin (sans gosse et sans jules non plus, par choix). La question est de se poser, de ne plus penser qu'à soi, de se demander de quoi j'ai envie, qu'est ce qui me ferait plaisir, et se faire des plans (voire des listes écrites) pour y parvenir. Mais ce n'est pas une baguette magique, des jours ça va pas, mais il y a de plus en plus de jours où ça va quand on commence à décider de vivre pour soi... Amitiés.