Parler ? Non, merci - Ecrire, essayons

Témoignage Publié le 24.03.2008

Ne vous attardez surtout pas à lire ce qui suit. Il ne s'agit que d'une suite de mots. Eventuellement, ces mots pourront intéresser quelques amateurs de bizarrerie ou de ridicule.

Je n'interviens que rarement sur ce site parce que je me sens... je ne sais pas comment dire...

Les témoignages de ces gens, des femmes et des hommes, qui souffrent vraiment alors que quant à moi, je ne sens qu'un mal-être. Est-ce que c'est de la souffrance? Si je vais voir d'un peu près, oui, sinon, rien qu'un souffle léger qui me rappelle que, malheureusement, j'existe même sans ma compagne ou mes enfants. Et pourtant, je ne souffre pas comme ces femmes et ces hommes qui ont perdu quelque chose à quoi elles ou ils tenaient beaucoup.

Je me sens atypique parmi les "victimes": pas mieux, non, mais avec un sens d'infériorité dû à ce décalage constant même par rapport aux personnes qui ont en commun avec moi un type d'expérience qui n'est malgré tout pas si commun a priori.

Je me souviens qu'il y a de cela quelques temps, alors que j'avais pensé au suicide, on m'avait même parlé de groupes de paroles. L'idée d'un groupe me révulse à tel point que je n'ai jamais, au grand jamais, songé à une vague éventualité de prendre contact pour discuter de choses sur lesquelles j'ai du mal à m'attarder même avec la psy qui me suit. Je n'ai jamais aimé parler en groupes et je nourris un sentiment qui s'approche de la phobie dans tout ce qui sort du tête à tête pur et simple.

Chez nous, les hommes ne se plaignent pas. Ma mère elle-même refusait à un homme le droit de se plaindre : elle adorait les légionnaires et haïssait de près ou de loin les hommes qui pleuraient. D'ailleurs, elle avait une bien piètre idée des hommes en général: ils ne pensaient, selon elle, qu'à "tirer leur coup" et à s'en aller. Malheureusement, c'est une expérience qu'elle a trop souvent eu, se mettant elle-même dans les conditions susceptibles de confirmer cette thèse.

Il se trouve qu'un jour il lui est venu en tête de faire de son fils "un homme" et moi qui croyait avoir enfin trouvé un moyen d'être tout pour elle, je me suis en fait retrouver à être "un parmi tant d'autres", un "homme" avec un tout petit "h", inadéquat sexuellement de par mon âge et mon incompréhension de la chose sexuelle, inadéquat face à la concurrence toujours renouvelée sans rien sentir de spécial dans cette relation physique avec ma mère. Elle même ne me donnait pas l'impression d'être différent des autres.

Je suis encore ce petit "h" qui ne souhaite rien d'autre que de passer inaperçu, discret discret. Chut.

J'écris ce soir, oui, et cela n'est pas discret. Est-ce que j'enverrai ce message à la fin, je ne sais pas.

En ce moment, je redécouvre toutes les chansons que cette femme, ma mère, m'a fait entendre : Qui saura, A corps perdu, Tout donné tout repris, de Mike Brant. Cela me rappelle un temps où je souffrais, où je me faisais souffrir pour savoir que j'existais.

L'existence, encore un autre sujet de bavardage: j'existe parce que j'ai un corps, malheureusement, et je m'en serais fort bien passé. Exister est une corvée, un ennui.

Et me voilà donc à écrire au risque qu'on me lise dans le cas où je finirai par appuyer sur ces boutons qui lanceront ces mots du rien vers un autre rien.

Et pourtant, à relire ce que j'avais écris en son temps et à comparer avec ce que les autres avaient à dire, je me demande si tout cela en valait bien la peine. Je ne vois pas qui pourrait sentir quoi que ce soit à partager dans ces mots que je couche (je n'aime pas cette expression).

Malheureusement, j'ai du mal à partager même avec la compagne de ma vie et avec mes enfants. Je les aime, mais ils n'entreront jamais dans mon monde, dans mon inexistence. S'ils le faisaient, le mirage se perdrait, un cri resterait.

Qu'est-ce que ça veut dire ? je ne sais pas. Ne demandez pas. Ne demandez rien. Pas à moi.

Ma mère, où es-tu? Qu'est-ce que tout cela voulait dire? Que voulais-tu? Est-ce que c'était de l'amour, ou du cochon?

L'amour, le grand mot que voilà! Le grand mot! Je l'emploie oui, pour garder des gens autour de moi par peur de me retrouver seul avec mon néant, la seule chose qui, elle, ne risque pas de me lâcher. L'amour, un tout petit mot pourtant dans mon coeur. A prononcer du bout des mots, du bout des lèvres (sales lèvres)!

Avant même que ma mère ne m'emballe, deux femmes déjà avaient abusé de mon innocence (car j'ai été innocent dans le sens où je ne savais pas, et ne m'étais même pas posé la question de savoir ce que c'était, que d'avoir quelque chose entre les jambes d'une certaine forme plutôt que d'une autre): quelle différence entre ces deux femmes et ma mère? Où était son amour? Elle ne me l'a pas dit et elle est maintenant morte et enterrée, partie avec son secret, si secret il y avait.

"Je n'avais qu'elle sur terre", à tel point qu'elle a réussi à m'éloigner de mon père, cette absence, et même de ma fratrie.

La vie, cette caravane qui déjà s'éloigne dans le désert, la vie est passée.

Reste une chose: conscient de mes manques, de mon incapacité à transmettre quoi que ce soit quant à la possibilité d'une vie heureuse, je sais au moins que mes enfants ne vivront rien qui se rapproche de ce que j'ai vécu.

Est-ce que je vais appuyer sur ces satanés boutons pour envoyer en l'air ces mots, ou est-ce que vais tout effacer? Si quelqu'un lit cela, c'est que je me suis décidé.

Je m'excuse d'avance pour un style qui pourra sembler prétentieux et lourd. Je n'ai jamais été très doué en littérature.