Prisonnière de ma vie

Témoignage Publié le 17.02.2012

Fotolia_24117369_XSCe matin du 31 décembre 2006,  je me suis réveillée avec une douleur, une douleur physique car la douleur psychique était déjà installée depuis bien longtemps même si je faisais tout pour la cacher derrière un masque. Cette douleur physique n’avait que s’accroitre au fur et à mesure des semaines, des mois … La fatigue s’est installée aussi. Puis le diagnostic est tombé, j’étais atteinte de fibromyalgie.


Mon corps hurlait de douleurs, des douleurs omniprésentes. Il hurlait toute la douleur restée sous silence pendant mes 27 années.

27 ans … Avec la fibromyalgie, la dépression s’est installée, mon mal être pouvait s’exprimer, j’avais une raison pour l’exprimer, une excuse … mais je continuais à garder le silence …

Puis, au cours d’une hospitalisation, il y a eu une rencontre avec un psychiatre qui a été d’une extrême violence, et j’ai parlé … J’ai tout déballé … L’inceste dont j’ai été victime à l’âge de mes 9 ans. Violée à plusieurs reprises par un cousin, chez notre grand-mère. Il a fait son apprentissage sexuel sur moi, mais le problème est que cet apprentissage est aussi devenu le mien.

Je vous passe les actes … Vous ne savez que trop les imaginer … J’ai eu le droit à tout …

Mais de tous ces actes, je crois que d’être embrassée était peut-être le pire. Même ça, mon 1er baiser, il me l’avait volé …

Il m’a tout volé, toutes mes 1ères fois, mon enfance, ma vie, mon innocence.

Il m’a juste appris deux choses : le silence et faire semblant.

Dès la 1ère fois, je savais que ce que nous faisions n’était pas normal, et pourtant j’ai laissé faire, je n’ai rien dit.

Si on ne parle pas dès la 1ère fois, dès les premiers gestes, après il est trop tard ... La manipulation est installée, la culpabilité, la honte, la peur pour un enfant de se faire gronder parce qu’il n’a pas parlé dès la 1ère fois.

Révéler l’inceste à des thérapeutes est difficile, mais le révéler à son entourage est bien pire.

Cette honte qui s’est installée chez vous toutes ces années s’installent chez votre entourage qui préfère vous rejetez, sûrement  par facilité.

La 1ère fois que j’ai parlé était en décembre 2009. Même si le psychiatre a été violent pour me faire parler je crois que sans cette violence le silence serait toujours là. Comme si j’avais encore besoin de violence pour me dévoiler …

Depuis, je fais un important et long travail thérapeutique mais aujourd’hui j’ai le sentiment que garder le silence était beaucoup plus facile.

Je prends conscience de tellement de choses avec la thérapie que j’ai du mal à l’assumer.

Je vois la vérité en face, ouvre les yeux sur ma famille, découvre que certains étaient au courant mais ont préféré fermer les yeux.

Je n’ai jamais oublié, les images passent sans cesse devant mes yeux, un film dont il est impossible de se débarrasser. L’odeur est là aussi, son odeur …

Mon agresseur n’a pas fait que voler mon 1er baiser, ma 1ère fois et mon enfance, il a aussi volé ma vie. Il s’est suicidé il y a 15 ans et moi je reste prisonnière de ma vie … Prisonnière de ce corps qui me fait mal aussi.