Qui a un guide pour les survivants ? Le pas à pas...

Témoignage Publié le 23.05.2006

Bonjour, Je découvre le terme de "survivant de l'inceste". Ce qui pourrait presque signifier que nous aurions du mourir? Survivant : personne qui est restée en vie apres une evenement qui a fait des victimes. Ce qui voudrait dire que nous sommes des rescapés de catastrophe humanitaire. Qui se tourne vers, qui vient en aide de ces survivants de l'inceste? Peu de personnes par manque de connaissance de solutions, de maladresses qui ne font que blesser la victime, d'incapacité ou juste de peur de ne pouvoir aider. Je les comprends car moi même victime, je n'ai pas trouvé de solution totale.

J'ai passé des paliers mais la solution miracle existe t elle? Cela semble tellement long.


Abusée de 6 à 14 ans par un cousin du côté maternel (j'avais 6 ans environ ou moins, référence au mobilier et aux jeux), je lui ai demandé 2 heures avant les obseques de mon père de sortir ses doigts de mon vagin et qu'à partir de ce jour là c'est moi qui décidait de ma vie. Depuis, il n'a pas fait de tentatives, mais je le sens roder autour de moi avec des sourires ou des sympathies qui m'écoeurent.

Ensuite j'ai fait part de cette histoire à un petit ami puis à mon conjoint avec qui j'ai vécu 7 ans qui se sont soldés par une séparation : mycoses vaginales permanentes et repli sur moi même, je m'enfermais dans des placards à l'abri de relation sexuelles. Il n'a pas supporté, nous avons arreté de communiquer ce qui a entrainé notre séparation.

A 30 ans, j'ai rencontré un garçon qui a été abusé à l'age de 4 ans par son grand-père : une révélation pour moi je n'avais plus l'impression d'être seule dans cette situation et enfin une personne pouvait m'entendre sans me donner des conseils ou faire des observations incompréhensibles pour moi. Je parlais enfin de mon histoire à une personne qui comprenait. Un grand soulagement pour moi et enfin l'envie de casser les chaines pour pousser les portes de cet enfermement.

A 34 ans, je perdais mes grands parents paternels, la derniere page du livre de famille des grands ancetres se fermait, j'ai décidé en sortant de chez le notaire de dire à mon frere ce qui m'était arrivé. C'est sur un parking de petite ville de province que je lui déballais mon secret. Il a pris une grande respiration et m'a serrée fort dans ses bras, j'ai pleuré. Soulagée de ce premier cap, une impression de légereté m'a envahie. Une sorte d'euphorie, de plénitude.

4 mois plus tard j'ai rencontré au cours d'un séjour sportif un enseignant qui m'a poussée à bout pour que je sorte de "ma coquille", que je vive. Je venais de passer un an de dépression avec un traitement anti depresseur et je n'avais plus trop de reperes avec la vie. Il a réussi à me faire dire ce qui m'enfermait, je lui ai dit que j'avais été victime d'inceste. Il m'a clairement dit : "ta vie tu dois la vivre mais pas en apnée, ta vie de femme si tu la veux tu dois avancer et pour avancer que te faut il?" Je lui ai répondu : déjà parler à ma mère de mon histoire. Il m'a fait promettre qu'à mon retour de vacances je parlerai à ma mère. Dans la matinée qui a suivi cette conversation, j'appelais ma mere et lui donnais un rdv "maman, j'ai quelque chose d'important à te dire". Je l'ai rassurée il ne s'agissait pas d'une maladie grave mais de quelque chose qui m'empechait de vivre pleinement et depuis trop longtemps, qui m'étouffait.

30 avril 2005 à 36 ans, je livrais le secret à ma mère. Très écoeurée de cette situation abominable, elle a passé tous les noms d'oiseaux elle qui ne jure jamais. Puis a commencé à se demander comment cela pouvait être vrai car à ses yeux c'était tellement impossible. Le cousin auteur de l'inceste etait son préféré, son protégé. Durant toutes mes années d'enfermement, je n'entandais que du bien sur lui de la part de ma mère et lui ne faisait que nourrir une relation privilègiée avec elle. Moi j'étais je crois abassourdie par cette relation grotesque. Par moment, j'en ai peut être voulu à ma mère. Elle ne cessait de parler de lui et de ses exploits.

Aujourd'hui ma mère et mon frere, attendent je pense que je parle encore et encore. A la famille, au cousin auteur de l'inceste. Ma mère me dit qu'elle "va lui rentrer dedans si elle se trouve face à lui en tête à tête ", mon frere veut me laisser la main pour parler à ce cousin et donc l'évite. Il invente divers stratagemes pour ne pas le voir. Je sais qu'ils ne sont pas à l'aise. Ma psy me dit que parler libère et moi j'ai peur de parler, de lui parler. Peut être que je crains trop que ce ne soit pas suffisant pour m'apaiser. Je veux leur faire confiance car depuis mes 30 ans j'ai avancé douleureusement parfois et avec de l'euphorie aussi. Je ne connaissais pas ces instants d'existence où on est soi même. J'ai l'impression d'avoir eu une double vie pendant 30 ans. J'ai envie d'avoir ma vie pour vivre mon moi même que j'ai etouffé. Je suis de moins en moins asthmatique.

Qui a un guide pour les survivants ? J'aimerais tellement le consulter.