Regard neuf, sinon plus éclairé sur l'automutilation

Témoignage Publié le 17.12.2006

Traitement de l’automutilation chez les personnalités limites : Aspects théoriques et stratégies cliniques.
Essai présenté par Chantal Vézina à l’École de psychologie, Faculté des sciences sociales, de l’Université Laval pour l’obtention du grade de maîtrise en psychologie (M. Ps), juin 1998.

Introduction
Selon le DSM-IV, le diagnostic du trouble de personnalité limite comporte neuf critères dont le cinquième s’énonce comme suit : répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilation (American Psychiatric Association, 1994). Les patients limites s’automutilent de façon fréquente : ces comportements surviendraient dans 75% des cas (Clarkin, Widiger, Frances, Hurt, et Gilmore, 1983) et seraient négativement corrélés avec l’âge du patient. L’automutilation se définit de la façon suivante : blessure intentionnelle que le sujet inflige à une partie de son propre corps sans intention apparente de mourir (Feldman, 1988; Favazza, 1989; Winchel et Stanley, 1991; Kemperman, Russ, et Shearin, 1997).

L’automutilation est un symptôme du trouble de personnalité limite qui est intimement lié aux autres caractéristiques du trouble et qui peut être compris comme un élément faisant partie du fonctionnement pathologique global du patient. Walsh et Rosen (1988) ont fait l’exercice d’analyser les liens entre l’automutilation et chacun des critères du DSM-IV. Ceci permet une compréhension du phénomène de l’automutilation à l’intérieur d’une pathologie bien circonscrite. Voici donc les huit critères du DSM-IV ainsi qu’une brève explication du lien avec l’automutilation.

(1) efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés

Le patient limite ressent une grande difficulté à rester seul. Durant ces moments d’isolement, il expérimente une grande angoisse qui devient vite insoutenable. L cherche donc à conserver un lien avec les autres en ayant constamment de fortes demandes affectives. L’entourage devient vite épuisé devant ces incessantes demandes et la menace d’abandon devient intolérable pour le patient limite. L’automutilation sert à soulager la tension provoquée par cette menace d’abandon et à exercer un certain contrôle sur l’entourage.

(2) mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation

L’automutilation est une méthode utilisée par les patients limites afin de contrôler la valence affective dans leurs relations interpersonnelles. Lorsque l’entourage devient excédé par les demandes répétées du patient, la menace d’abandon devient imminente et l’autre est perçu comme étant mauvais. L’automutilation, de par sa capacité d’apporter des bénéfices secondaires comme l’attention, la sollicitude de l’autre, permet au patient de reconquérir l’autre et à ce moment, la relation est considérée comme idéale, répondant à tous les besoins du patient. Lorsque la crise provoquée par l’automutilation est passée, la relation devient plus stable, les demandes pressantes du patient recommencent et le cycle se perpétue.

(3) perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi

La notion d’autopunition contenue dans l’acte automutilatoire indique une perturbation de l’identité où celle-ci est fragmentée en bon moi et en mauvais moi. Lors de l’automutilation, le mauvais moi est puni et le bon moi peut à nouveau occuper la scène. De plus, l’attention accordée par l’environnement après l’automutilation rehausse l’estime de soi du patient limite et stabilise pour un moment l’image de soi.

(4) impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet

Le patient limite souffre d’un manque d’habiletés à différer les moments de gratification et à tolérer les frustrations. L’automutilation est un acte éminemment impulsif. Devant l’intensité de la menace d’abandon et de la frustration, le patient doit " faire quelque chose " pour soulager cet état dysphorique. L’automutilation devient une réponse facilement accessible devant l’urgence d’agir.

(5) instabilité affective due à une réactivité marqué de l’humeur (p. ex., dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours)

L’automutilation est un des comportements utilisés afin de réguler et de moduler les affects intenses vécus par les patients limites. Le soulagement de la tension affective (irritabilité ou anxiété) résultant de l’automutilation et le retour à un affect plus tolérable serait une des principales fonctions de cet acte.

(6) sentiments chroniques de vide

Lors de la séquence de l’acte automutilatoire, les patients limites rapportent fréquemment une sensation de vide, de détachement, d’être mort physiquement; le geste de s’automutiler leur permettrait de " revenir à la vie ". De plus, comme le patient limite bénéficie à ce moment-là de l’attention de l’entourage, il a également l’impression d’un engagement interpersonnel remplaçant la perception d’une solitude intolérable.

(7) colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère

Un des affects principaux des patients limites est une colère intense que les auteurs nomment la rage. Dans certains cas, cette rage ne peut être déchargée sur l’objet frustrant car le patient limite risque d’être abandonné. Par l’automutilation, il retourne cette rage contre lui-même par une identification à l’agresseur et réussit ainsi à garder un certain contrôle sur les conséquences de son agressivité.

(8) survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs graves

Comme nous l’avons souligné précédemment, les patients limites rapportent un état dissociatif lors de l’automutilation (une sensation d’être hors de leur corps). Cet état ferait en sorte qu’ils ne ressentiraient aucune douleur durant la lacération.

Ainsi, l’automutilation est un symptôme du trouble de personnalité limite qui doit être étudié en lien avec la symptomatologie globale du patient. Nous approfondirons certaines de ces notions dans les deux prochains chapitres. Nous sommes cependant déjà à même d’entrevoir la richesse et la complexité de cet acte d’agression retourné contre soi-même.

Le comportement automutilatoire est source d’interférence au cours de la thérapie et peut contribuer à l’échec du traitement (Linehan, Armstrong, Suarez, Allmon, et Heard, 1991). Dès le début de la thérapie, le symptôme d’automutilation peut surgir comme résistance au traitement afin de garder intact l'équilibre fragile entre le faible moi du patient et l’environnement extérieur. L’automutilation demeure donc un phénomène courant auquel le clinicien est confronté régulièrement dans sa pratique avec la clientèle des personnalités limites. Devant ce comportement, les cliniciens ressentent souvent une forte réaction d’impuissance et d’anxiété, de répulsion ou de dégoût et d’une impression d’être " manipulé " (Favazza, 1989). Cette réaction du clinicien peut induire des agissements inappropriés (Favazza, 1989) ou conduire à une hospitalisation hâtive du patient qui s’avère peu efficace dans le traitement de l’automutilation (Callahan, 1996). Il est donc essentiel pour le clinicien d’avoir une attitude de réflexion et de compréhension de l’automutilation plutôt qu’une attitude réactive teintée d’affects contre-transférentiels mal utilisés. L’élaboration d’un cadre théorique en lien avec la pratique clinique vient nourrir cette réflexion et s’avère essentiel pour le traitement ou l’encadrement de l’automutilation.

Cet essai se veut donc une tentative de compréhension du comportement d’automutilation chez la personnalité limite. Il comporte deux grands chapitres, le premier abordant le phénomène de manière théorique, le second illustrant les diverses modalités de traitement décrites dans la littérature scientifique. Dans un premier temps, nous soulèveront le problème terminologique et son impact sur la littérature empirique pour ensuite aborder la distinction entre automutilation et suicide. Nous ferons par la suite une revue des principales études empiriques sur le lien entre l'abus sexuel dans l’enfance et l’automutilation. La partie suivante s’intéresse aux aspects descriptif et phénoménologique de l’automutilation. Le premier chapitre se clôt par différentes hypothèses explicatives de l’automutilation à l’aide de trois approches théoriques : psychodynamique, cognitive-behaviorale et biologique. Le second chapitre aborde exclusivement le traitement de l’automutilation suggéré par les trois approches privilégiées dans cet essai. En dernier lieu, une réflexion personnelle amènera, nous l’espérons, un regard neuf, sinon plus éclairé sur le phénomène de l’automutilation et son traitement chez la personnalité limite.

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Téléchargements

Le lieu de contrôle et le soutien social perçu dans les automutilations impulsives de l’adulte

Nous en parlons
D
Darwin
Publié le 03.03.2022
Inscrit il y a 3 ans / Actif / Membre

Le patient a besoin de "repères" pour savoir "rebondir" face à ses épreuves de la vie.
Pour ma part: je suis issue d'une famille hautement pathologique où il n'existe pas d'affection, mais où je dois être considérée de vilain petit canard le fait que j'existe.

Pour être simple, j'ai été fécondée pour être la N°3 sur le livret de famille. => Famille "nombreuse " => Equivalent de l'achat d'une bonne notariété recherchée +++ pour les géniteurs + réductions fiscales car ... : " famille nombreuse".
Alors que...
Non désir viscérale des géniteurs à avoir une N°3.
Géniteurs qui se sont définis comme parents dominateurs patriarcales extrêmistes et fanatiques et sectaires ++++ .
Géniteurs "anti-époux" pour de vrai.
A dire: mariage conventionnel sans amour aucun entre eux deux.

Ma mère m'en veut que je lui ai fait souffrir lorsque je suis née. ++++
Les deux géniteurs m'en veulent que je leur aurais couté trop cher.
En 2014?... : acharnement du géniteur à ce que je me suicide... Par harcvèlement moral. A me gueuler dessus comme quoi je ne serais une bonne à rien et que je lui couterais trop chère, etc...
J'ai été sauvée in extremis grâce à un cousin médecin généraliste.

Pour savoir rebondir, il ne faudrait pas parler de son passé ...
Ce qui est de "l'anti-naturel" pour une personne mutilée "gratuitement", car non assistance de personne en danger ++++, car effet secondaire de la défiance" du français depuis 50 ans face à la valeur effective de ses gouvernements successifs à voter des lois et aller découvrir si revers de la médaille à avoir porter secours à une personne...
Les français m'en ont parlé.
Défiance la plus totale.
Non confiance la plus totale.
Les français seraient honorés de leurs représentants à arrêter de faire la moral ou la publicité d'avir créer les droits de l'homme mais à appliquer pour de vrai, et non pour du beurre : les droits de l'homme.

Pour "rebondir", il faudrait que la personne impactée puisse s'instruire sur des repères "normaux".
Or...
Une personne maltraitée s'est confiée sur son passé. Impossibilité pour elle à faire comme si de rien ne s'est passé... => Rejetée de la société.
(Car difficulté pour la société d'entendre des réalités vérités si crues qui se passent non pas à 10 000km de chez lui mais chez son voisin ou sa voisine de quartier.)

Je pense que, via du "théâtre-thérapie", pourrait exister une façon d'exprimer ses émotions et une façon d'apprendre via "un thérapeute et acteur comédien" à s'instruire sur des repères normaux de la société.
Via le théatre: apprentissage + expérimentation + découverte + prise de confiance + prise de conscience + conditionnement à savoir comment s'intégrer au mieux dans la société.

L'auto mutiliation est liée à : l'injustice depuis toujours de la victime (victime laissée pour compte) + l'isolement. +++