Repas dominical

Témoignage Publié le 05.05.2010
250x168.aspx Cela fait si longtemps qu’elle est partie la petite fille, si longtemps. Je ne sais plus où elle est. Ni si ce qu’elle m’avait raconté, une fois, mi-souriante, mi-tremblante, était vrai. Où est-elle allée ? Qui est-elle devenue ? J’aimerais encore la croire et la protéger contre la folie de certains adultes. J’aimerais qu’elle ait surmonté, dépassé cette folie pour vivre enfin sa vie, à elle. Elle devait avoir environ 10 ans, c’est une petite fille sage, sans histoires, qui aimait ses parents et travaillait bien à l’école. C’était un dimanche matin, et comme presque tous les dimanches matins, elle jouait au hand-ball dans l’équipe minime de la ville.Il faisait beau ce jour-là, le match se disputait sur le grand stade, au bord de la rivière. Son équipe gagnait le match, elle était heureuse, elle s’amusait. Il devait être midi. Elle devait rentrer à la maison, ses parents avaient des invités aujourd’hui pour déjeuner. Malgré son bonheur, elle se contraint à saluer ses copines, à se changer et à rentrer chez elle où elle arriva en retard. Son père l’attendait furieux. Les invités étaient à table depuis quelque temps déjà. Son père lui ordonna de monter dans sa chambre et d’y rester toute l’après midi, seule. Obéissante, elle monta l’escalier qui menait à l’étage. Son père lui emboîta le pas, lui demanda de se déshabiller, de se mettre en chemise de nuit, et de rester au lit. Il restait là devant elle, sans bouger. Alors, elle se déshabilla et il lui dit se s’allonger sur le lit. Elle ne comprit pas. Il la regardait curieusement, il regardait son corps partout. Leurs regards se croisèrent. Puis, d’un coup, il se leva et s’en alla. Elle ne comprit pas, elle était tétanisée par la peur. Elle ne criait même pas, ne pleurait pas. Sa mère ne vint pas la voir de l’après-midi. Elle resta dans sa chambre sans bouger, pétrifiée et triste. Avait-elle fait une si grande bêtise pour que son papa devienne aussi méchant ? C’était sûrement de sa faute s’il était en colère. Peut-être ne faillait-il plus aller jouer au hand-ball avec ses copines ? Il risquerait encore de se fâcher, et ça elle ne le voulait pas. Tout l’après midi, son regard resta figé sur la poignée de la porte de sa chambre et tout son petit être priait pour qu’elle ne s’ouvre pas, qu’il ne revienne pas, jamais. Et il n’est jamais revenu effectivement, mais avec lui, une partie d’elle est envolée et l’autre est restée prostrée sous des tonnes de honte. Petit à petit elle grandit avec son secret et la honte grandissait avec elle. Comme j’aurais aimé être là, près d’elle dans ces moments de douleur, pour la réconforter, la serrer fort dans mes bras et lui dire que je l’aime. Il n’y avait personne pour cela. Sa mère n’avait rien vu, et quand bien même elle aurait soupçonné quelque chose, elle n’aurait rien fait contre son mari, sans doute pas lâcheté ou bien par peur…Je ne sais pas… La petite fille n’a jamais parlé de cette histoire à sa mère ni à aucun membre de sa famille... On ne l’aurait pas crue, elle si sage serait devenue une vilaine menteuse… Tout doucement, il faudra extirper sa honte du fond de son âme et la jeter loin d’elle afin qu’elle ne la touche plus jamais. Afin qu’elle aime à nouveau son corps jouer au hand-ball.