Témoignage femme: Amour tourmenté

Témoignage Publié le 15.10.2007
Le plus dur pour moi c'est la relation avec un homme - c'est là que tout ce qui me fait le plus mal ressurgit. Je me sens peu à peu totalement angluée, privée de mots alors que les pensées s'affolent dans ma tête. Je deviens fragile et vulnérable. Tout ce que j'arrive à fuir le reste du temps, toutes les angoisses que j'arrivent à taire hurlent en même temps. Parfois j'arrive à me sentir juste moi, être moi et être bien avec lui, être spontanée, dire toutes les bêtises qui me passent par la tête et être tendre avec lui - c'est si bon mais rare. C'est comme si les choses m'échappaient complètement. Quand je commence à perdre les pédales, je me sens tellement perdue que je ne sais plus quoi penser - je deviens parano. J'ai peur qu'il se révèle sous un mauvais jour, que lui aussi il puisse me faire du mal. Je connais un homme depuis un peu plus de 2 ans maintenant. Je l'ai rencontré dans la rue. Au premier coup d'oeil, il m'a plu. Il m'a dit quelques mots et je me suis sentie bien avec lui. J'aurais pu le suivre sur l'instant si je n'avais pas eu d'impératif. Quand il m'a appelé, mon coté timoré a pris le dessus et j'ai fait la sourde jusqu'à ce qu'en décrochant je tombe au hasard sur lui. On s'est revu et puis très vite on était ensemble, il est venu vivre chez moi. Rapidement je lui ai dit que j'avais eu une enfance difficile et que mon père avait eu des comportements déplacés avec moi, qu'il avait été jugé et condamné.
Ca a duré 8 mois. Les premiers temps c'était l'osmose - c'était merveilleux, mes angoisses et tout m'ont laissé relativement tranquilles et il était tendre, attentionné..
Au bout de 8 mois ça n'allait plu. J'étais dans un état plutôt dépressif, je me sentais noyée, angluée. Je m'efforçais de faire l'impossible pour lui plaire dans la limite de mes moyens et je ne savais plus trop qui j'étais et où j'allais. Chaque fois que je parlais de mes angoisses à mon entourage proche, ma mère, ma grand-mêre et ma soeur cadette, même ma meilleure amie me poussaient à le quitter en me voyant mal. Du coup elles renforcaient ma terreur de faire le mauvais choix, celui que ma mère a fait en faisant sa vie à 17 ans avec celui qui est devenu notre bourreau. Elles brandissaient le présage de mauvaise augure de façon insidieuse.
Il allait voir tous les week-end sa petite fille, passant une nuit au domicile de son ex-femme et il avait beau m'assurer que pour rien au monde il ne coucherait à nouveau avec la mère de sa fille, ma jalousie ne pouvait se calmer.
On a fini par habiter chacun de son côté. Ca a duré quelques mois - j'ai rompu une fois sur le conseil de ma mère qui me voyant très déprimée a mis la faute sur mon ami, et puis on a repris.
Ca a duré jusqu'au jour où il est parti sans me le dire en face, laissant un mot de papier sur la table. J'ai été effondrée quelques semaines et puis j'ai repris du poil de la bête. Quand il est revenu deux mois après, j'ai fini par revenir vers lui après avoir tenté de me convaincre de le tenir à distance. Seulement, c'était pas terrible - j'étais en flip et toujours aussi jalouse. Lui je sais pas ce qui se passait dans sa tête. Il a fini par repartir. Six mois plus tard on s'est croisé au hasard dans un supermarché et il a recommencé à m'appeler. Il m'a fait la cour l'air de rien, sans lâcher prise et deux mois plus tard, sa déclaration m'a convaincue de sa sincérité - j'ai choisi de prendre le risque de retenter. J'ai compris que je ne devais plus laisser entrer mes proches dans notre histoire pour que nous restions maîtres de notre relation.

Pourtant je ne me sens pas sereine... j'ai peur. J'ai peur de le perdre et j'ai peur aussi de m'engager avec lui.
On vient de deux milieux très différents - il est d'origine africaine et a grandi dans les quartiers; moi je suis déracinée de la région des mes ancêtres, petite fille à la fois d'ouvrier et de la classe bourgeoise. Il a une grande famille très présente dans sa vie; moi j'ai rompu avec la famille de mon père et il me reste pas grand monde. Il travaille dans le bâtiment et moi je sors de fac.
Il me semble que s'il m'apporte beaucoup et prend soin de moi, j'ai du mal à l'être avec lui. Je ne suis pas spontanément tendre avec lui.
J'ai peur d'avoir des enfants avec lui et qu'un jour je le regrette. J'ai peur de l'avenir.
Je l'aime et j'ai peur.
Quand je ne le vois pas il me manque terriblement.
Parfois il y a ces images qui me viennent dans notre intimité et cela me terrifie car c'est comme un mauvais présage - si ces images me viennent, peut-être est-ce parce qu'il a quelquechose en lui qui me fait faire le lien avec mon agresseur.

Je voudrais pouvoir trouver un peu de sérénnité... je voudrais parvenir à être juste moi-même avec lui comme je peux l'être avec mes soeurs ou mes amies - râler quand j'en ai envie, faire des blagues bêtes...

J'ai le sentiment que mes parents ne m'ont pas éduquées à devenir un jour adulte. J'ai grandi dans un environnement très incertain, avec des règles strictes et des sanctions exemplaires fluctuantes en fonction de l'humeur du père. Il prenait parfois des colères extrêmement violentes - alors j'attendais que ça passe, en m'imaginant être une souris pour échapper à sa colère. J'ai été une enfant très sage, trop sage, timorée. Je me donnait beaucoup de mal pour devenir l'enfant que mon père semblait souhaiter avoir, faisant des sacrifices et des renoncements, apprenant ses manies - ranger le bol ici surtout pas là. Je ne rappelle plus pourquoi j'ai pris des raclées - une fois parce que je suis revenue avec une tâche d'herbe sur mon pantalon je crois. C'est arrivé que ce soit parce que j'avais oublié ma leçon. Ma soeur c'était par exemple parce qu'elle avait des problèmes d'énurésie.
J'avais deux pères - celui des bons jours et celui des mauvais jours. Quand j'ai atteint la puberté, c'est celui des bons jours qui me pincait les seins et qui passait lorsque j'étais dans le bain. C'est celui des bons jours qui a entrepris de faire mon éducation sexuelle, en me faisant comprendre que la pudeur c'était du genre dépassé. C'est celui des bons jours qui me faisait entrer dans son lit quand je lui apportais le café.

Sûrement que cette vie particulière est en lien avec mes difficultés présentes mais ce constat ne m'apporte pas de solution.