Témoignage femme: Ca va mieux en l'écrivant!

Témoignage Publié le 14.09.2006
Mon fils fait une sieste. Avant de reprendre mon travail, de relire mes notes et de me plonger dans l'horreur, je vais me faire quelques compliments. Il m'a été difficile de prendre la décision de me souvenir, de me prendre tout simplement au sérieux, ou plus exactement de me donner le droit d'exister. Il y a longtemps que j'ai déserté mon corps. C'est quoi exister quand toute une partie de ma vie m'échappe? Je sais que certains de mes souvenirs ne sont que des reconstructions. Mais suis-je condamnable pour cela? Je tente désespérement de comprendre. En ce moment, je vais bien. Je prends des antidépresseurs, mes souvenirs ne sont pas trop obsédants. Cela fait du bien d'être un peu en vacances, de ne pas sans cesse penser à la même chose. Le coup dur, c'est quand ma psy m'a expliqué que tout cela n'était que l'effet de mon imagination. J'ai eu honte. Honte d'avoir inventé tout cela, d'avoir trahi ma famille. C'est ce que j'avais entendu. "Tu n'as pas honte de trahir ta famille? de salir ton père?" Je me suis endormie à treize ans, belle au bois dormant bien dérisoire ,que personne, jamais ,n'a réveillée. Mon mari n'est pas une ordure, mais il est des choses que personne ne peut faire à ma place. J'ai tellement envie que tout cela soit faux. Mais la main droite peut-elle longtemps ignorer ce que fait la gauche? Je me réveille à passé trente ans, une préadoslescente dans un corps de femme déformé par les grossesses. Et puis, il ya la phase des "pourquoi?", les regrets et les remords. J'ai quand même toujours l'impression de mentir.
Mon père m'a battue et enfermée pendant cinq jours. Ma mère était hospitalisée. Il disait qu'elle allait mourir. Nous sommes allés la voir une fois, mais elle a reproché à mon père de m'avoir emmenée si jeune à l'hôpital. Avant que ma mère ne soit hospitalisée, il me demandait sans cesse de lui "lécher le gros orteil". Quand elle est partie, il est devenu fou. Il ne me parlait jamais en temps normal, et là il s'est mis à me parler de sa mère et de ses soeurs. Elles ne l'avait jamais aimé. Je ne me souviens plus très bien de ce qui s'est passé. Je crois qu'il m'a volé tout mes vêtements pour m'empêcher de sortir. Tout ce que je vois est fou ensuite. Il répétait sans cesse qu'il allait me tuer. C'est tellement difficile que j'ai envie d'éclater de rire et me ranger derrière ceux qui me disent que je suis folle. Je n'ai raconté cela qu'à me psy et elle ne m'a pas crue. Cela doit donc être faux.
J'ai lu quelque part qu'autrefois on enterrait vivante une victime d'inceste. L'agresseur était condamné à mort et l'agressée aussi. Je ne suis pas certaine que cette pratique n'ait pas encore court. Ne sommes nous pas enterré(es) vivant(es) avec nos souvenirs? N'y-a-t-il pas ce quelque chose qui m'interdit de vivre? Je suis bien pessimiste aujourd'hui!
Je sais comment survivre. Il faut éviter de tomber dans le "et si " "et si". Ce qui a été, a été. Eviter de se considérer soi même comme une victime, voire une malade. Je ne sais pas si j'ai le droit d'écrire tout cela, parce que ma psy m'a fait comprendre que j'affabulais. Mais peu importe! Même si je suis folle, je peux bien expliquer comment on peut survivre à tout! Il faut chercher un sens, pour pouvoir se détacher. Cela ne signifie pas excuser ou se forcer à pardonner. Ils sont prompts les agresseurs à nous culpabliser! le fameux: "mais c'est ton père! ""Justement, c'était mon père!"J'ai tendance maintenant à le prendre en pitié. Il est mort. C'est et une torture et un soulagement. Je refuse aussi de tout ramener à cela. Parfois, j'ai des angoisses qui vont jusqu'à la tentation de la folie. Etre folle pour ne plus rien affronter, comme on s'évanouit sous l'effet d'une trop vive douleur! Mais, je vis mal et bien parfois. Mais je vis! A quatorze ans, dans un bus, on m'a dit que j'avais de beaux yeux, et j'ai rougi, comme n'importe quelle jeune fille de cet âge. Les choses que je n'ai pas faites, je peux les faire maintenant.