Témoignage femme : faire sortir cette douleur

Témoignage Publié le 20.06.2006
Il y a ces souvenirs, vagues, par bribes, ces impréssions, ces souvenirs qui viennent confirmer ces impréssions.. Ces souvenirs que je veux garder à tout prix, comme des preuves tangibles à ma douleur, comme des protections aux phrases qui disent que parce qu'il ne s'est rien passé, alors il ne s'est rien passé.. Pas d'actes, pas de preuves, pas de mal.. Pourtant j'ai mal...
Il y a eu cette cystite un été, grave, et maman malade... Une cystite, pourquoi une cystite? il y a eu cette fugue, 10 ans à peine mais trop adulte déjà.. Un jeune couple m'avait recueilli, elle était enceinte, grave ce qu'ils ont faits : recueillir une enfant, sans prévenir les gendarmes! grave mais salutaire.. j'y ai appris à quoi ressemblait l'amour; à quoi ressemblait une famille... Ils m'ont recueilli durant 3 jours, sans me poser de questions, me laissant me taire, me laissant pleurer. leur patience a eu raison de moi, je leur ai parlé, et je leur ai dit que toi, mon tourment, tu faisais des choses avec moi... 10 ans, pas un souvenir mais des mots graves, des accusations graves, mensonges peut être, signaux de détresse surtout.
il y a eu ces films pornos, que tu enregistrais la nuit, laissant la télé allumée, ben oui, àl'époque, notre magnétoscpe n'enregistrait que la télé allumée.

et moi, voyant tout ça, si jeune... il y a eu cette sensation, cette peur, maman de plus en plus malade, et l'hopital psychiatrique pour elle...
Un beau matin, sans elle, je me suis sentie si vulnérable... Il y a eu son retour, et toi, qui avait bu (dans mes souvenirs, maman était déjà revenue de l'hopital mais je ne peux dire où elle était à ce moment là), toi qui avait bu et qui regardait une émission x. c'est bien pour ça qu'on été abonnés à une certaine chaine, non?
Toi qui me conviait à regarder avec toi. Non, je savais qu'il ne fallait pas. pas de souvenirs, suis je restée quand même? mais oui, c'est logique je me souviens des images à l'écran.... souvenirs douleurs, mais souvenirs utiles, sinon, pourquoi se sentir si mal? justifier ma douleur...
N'était ce pas à cette époque que tu as violé maman? elle m'en a parlé depuis peu.

Il eu fallut que tu sois mort pour qu'elle ose..

Il y a eu ces propos, ces questions intimes, indiscretes... Ces questions qui salissaient mes histoires d'amour. "te fait il jouir?" "si cela n'était pas tabou, je lui expliquerait comment s'y prendre".. Non tu ne lui diras rien. Non, tu n'a pas à intervenir là dedans.

il ya eu cette phrase un jour prononcé, deuxième hospitalisation de maman, à paris cette fois là "j'aimerais lui dire que je l'aime à travers toi" saoul encore.
qu'est ce que cela voulait il dire exactement?

il ya eu ce livre, roman de la vie d'un pédophile, ces "poèmes, que tu avais écrit parlant d'un homme et d'une petite fille sous un drap. Il y eu ces explicatiosn que je t'ai réclamé "oui, c'est vrai ce n'est pas bien ce que j 'ai fait!" et puis ces nouvelles explications, où tu ne te souvenais plus des premières.

Il y a eu tant de fois où je me suis sentie prisonnière de toi, obligée de raconter tout ce qui me passe par la tête, pas d'intimité, même dans la tête.

il y a eu l'odinateur familial, et un jour ce site sur lequel je suis tombée, et que tu avais mis dans tes "favoris". ces histoires pédophiles, juste des histoires, pas de photos, je crois bien que j'en serais morte. Et ces mots que tu as dit, cette colère qui a été la tienne "je pensais ne pas t'avoir appris à juger". c'est bien connu, se mettre en colère avant l'autre pour le destabiliser. tu vois moi aussi je connais la psychologie freudienne. tu parlais d'attirance culturelle pour l'extrême. à d'autres...

il y a eu ta mort, et aujourd'hui, je suis seule à savoir ce qu'il s'est passé, ce qu'il ne s'est pas passé, mais je ne me souviens de rien, pas d'actes, mais des mots, juste des mots. Et c'est par les mots que je tuerais les tiens, c'est par le smots que je rendrais ma douleur légitime; toi qui m'oblige à rendre public mon intimité, toi qui est mort et qui sais pourtant me faire tant de mal; toi qui ne gardera pas ce secret ddans ta tombe, toi qui est mort, et qui me hante tous les jours.

et c'est par les mots que je me délivrerais, les mots qui sont aussi dans mon journal intime, qui y sont consignés, comme autant de preuves à ma vérité, ma vérité crue, et que je partagent avec vous, qui avaient su me lire, et peut être ne pas douter de moi, chose que je ne sais pas faire moi même.
merci