Témoignage femme : Toute une fratrie brisée

Témoignage Publié le 11.12.2008
Écrire enfin ce que je n’ai jamais vraiment dit sinon à mots couverts, en minimisant ou rapidement et parce que personne n’écoute, personne ne veut entendre, même pas les psy qui changent de sujet quand ils sentent qu’on est sur le point d’aborder LE sujet, l’inceste.
Pourquoi maintenant ? Je viens d’avoir 25 ans. Je me souviens et me remémore constamment depuis les faits, et avec précisions, des attouchements que j’ai subis, perpétrés par mon frère de 5 ans mon ainé, quand j’avais 6 ans je crois et pendant au moins plusieurs mois…. Ma sœur, deux ans de plus que moi, aussi, mon petit frère, deux ans de moins que moi impliqué aussi, forcé à regarder mais pas toujours, ou dénudé lui aussi, contraint à obéir…
J’ai été élevée dans une famille incestueuse d’après les définitions que j’ai pu lire récemment. Avant il y a quelques mois et bien que je n’ai jamais refoulé ces actes, je pensais que ça n’avait pas d’impacts, je choisissais de vivre MA vie et qu’en l’occurrence ça je ne l’avais pas choisi, que c’était SA vie à lui, à eux, pas la mienne, pas mes problèmes, pas ma folie… Mais en commençant à me documenter sur le sujet (et pourquoi pas avant alors que j’ai étudié pendant de nombreuses années, que je sais ou trouver l’information et que je suis plutôt curieuse comme personne ??) j’ai lu des descriptions psy, des témoignages me permettant de faire des liens, de comprendre le contexte. Outre le fait d’avoir été victime d’attouchements par mon frère, c’était TOUTE ma famille qui était responsable, qui avait créé cette atmosphère propice à la violence et à la violence sexuelle et au centre, surtout le couple de mes parents. Toujours obligés de supporter la nudité de mon père, puis celle de mon frère, partout, à table… pas de verrous dans les SDB, dans les toilettes, exposés à la pornographie que mon père laissait trainer et que mon frère ainé s’est fait un devoir de nous faire découvrir à nous trois…. Quand je repense à mon petit frère, si petit, devant ces horreurs… Ma mère ? soumise, tellement peu au fait des « choses de la vie » qu’elle laissera faire bien que choquée, de peur de passer pour la pudibonde, la « coincée »…. Incapable d’agir, d’affronter, elle-même frappée par son mari (mon père), humiliée, dépassée avec 4 gamins à s’occuper, mère au foyer coupée du monde et surtout embarquée dans une pseudo-secte (et elle-même victime d’inceste ? je sais que son frere a été violé par leur beau-père…)….
Cette secte, raison pour laquelle nous étions si souvent laissés à la garde de mon frère (pendant que mes parents assistaient à ces innombrables réunions) qui lui, profondément déséquilibré depuis les premières années de sa vie, devait crouler sous la responsabilité énorme que demande la garde de trois enfants de 4, 6 et 8 quand on en a 11….. alors c’était la torture. Les coups et insultes qu’il ne cachait pas devant ma mère (mon père était constamment absent et quand il était là c’est lui qui frappait, sans crier gare, sans règle, sans gradation) se transformaient en sévices sexuels en son absence mais aussi toutes sortes d’humiliations, de violence (on a du une fois tous les trois s’allonger dans l’herbe pendant qu’il s’appretait à nous sauter par-dessus en moto… une voisine est intervenue cette fois-ci… exemple parmi tant d’autres de situations extremes dans les lesquelles il nous mettait et au cours desquelles on croyait mourir, on se préparait à la mort, aussi petits…. Nous n’étions que des objets, des marionnettes, on devait mettre nos vies, nos affects, nos peurs entre parenthèse, oublier qu’on existait, faire le vide pour que ça passe plus vite) Les attouchements en eux-mêmes ont commencé alors qu’il était au collège et qu’en marge de ses camarades il voulait expérimenter sur ses sœurs ce que les autres faisaient sur les filles de leur age : je ne me souviens pas ni de la PREMIERE fois ni de la dernière… mais je me souviens des fois ou il venait se glisser dans mon lit, apres avoir visité celui de ma sœur, histoire de « pas faire de jalouse », et me proposait toute sort de scénarios, des fois où on devait, nues, se mettre à quatre pattes pendant des heures comme des chiennes, de la fois où alors qu’il frottait son sexe contre le mien, ma sœur à coté, mon petit frere tenu de rester dans un coin de la piece, je lui ai dit que j’avais peur d’avoir des bébés et qu’il m’a répondu que tant qu’il n’entrait pas c’était bon, de cette meme fois ou il m’a demandé de le sucer et la pour la premiere fois j’ai dit NON, clairement, distinctement, j’ai dit non (ma sœur s’en veut aujourd’hui de ne pas avoir eu la force de le faire elle), de cette fois ou alors que ma mere parlait à un voisin dans la cage d’escalier, mon frere s’en donnait à cœur joie dans une chambre, ma sœur nue, attachée, ficelée, ceinturée et que cette fois la, devant le voisin, j’ai dit à ma mère « maman, J. fait encore ses cochonneries »…. Que s’est il passé apres ? elle le savait déjà, car j’ai encore cette phrase qui résonne dans ma tete, c’était bien celle-ci, ni plus ni moins or cette phrase suppose qu’elle savait déjà, qu’il n’y avait rien de nouveau à révéler… est elle montée, a-t-elle fait quelque chose ? pas dans mes souvenirs mais je crois qu’après ça mon frere n’a plus jamais recommencé…. Pourtant c’était pas faute d’y etre encouragé : alors qu’une autre fois j’en avais parlé à ma meilleure amie et que cette meme meilleure amie, petite fille mais sentant néanmoins mon désarroi, choisissait de le révéler devant sa mère et la mienne à la sortie de l’école, de retour dans la voiture, devant mon frere ainé et les autres, victimes aussi, ma mère m’a bien rappelé « qu’il y a des choses qui ne doivent pas sortir de la famille »…. Comme ça lui au moins savait qu’il pouvait faire ce qu’il voulait tranquillement vu que toute tentative d’alerte était avortée et les deux autres, mon frère et ma sœur, avaient la preuve qu’il n’y avait plus qu’a se taire et à laisser passer les années…..
Et elles ont passées, sans plus d’attouchements mais avec beaucoup de violence toujours et la idem meme en essayant d’alerter, à provoquer pour qu’il me taper toujours plus fort pour que je me retrouve à l’hopital, pour que ça finisse par SE VOIR, je ne récoltais que les reproches de ma mère pour qui « je serais une femme battue parce que j’aime ça »…. Quand il s’approchait une Nième fois de mon petit frère pour le frapper, l’humilier, je préférais m’interposer meme si je savais qu’il allait redoubler de violence, mais je n’avais plus de corps, plus d’identité, la seule que j’avais était celle que j’avais prise le jour ou j’ai su dire non, alors je le répétais, je le hurlais, non, non et non et je m’en prenais plein la gueule mais j’étais toujours plus proche de la vie en disant non…. Mon petit frere était en échec scolaire, il sera déscolarisé tres tot et passera de nombreuses années à ne faire que fumer du shit (il s’en sort aujourd’hui, difficilement comme nous tous je crois, grace à sa petit copine aussi, à son réconfort), ma sœur arretera de se laver et de prendre soin de son corps pendant son adolescence. Elle elle avait refoulé, oublié.. Et puis quand vient le temps des premières rapports sexuels vers 17 ans, bam, ça revient….
A ce moment mon frere fait un mea-culpa, dit à ma mère ce qu’il a fait, ma sœur explique aussi à ma mère quels souvenirs lui reviennent. Ma mère ne veut pas y croire et vient me demander confirmation : ce que je me repete chaque jour depuis mes 6ans et que je me rejoue constamment dans ma tete de peur d’oublier, de peur de croire que j’ai revé, tout a coup il s’agit de le dire, de le formuler, à un moment ou je ne m’y attends pas, que je n’ai pas préparé et je me sens face à un choix : ne pas déchirer les points de suture m’ayant cloué le bec pendant des années, par peur de la douleur, mais trahir ma sœur que je vois souffrir depuis toutes ces années ou dire les choses au risque de m’arracher les lèvres avec. Alors j’ai dit : oui c’est vrai. C’est tout, je ne pouvais rien dire d’autre. Et ma mère n’a rien dit, rien fait, elle a continué à cuisiner. A cette époque, j’avais 16 ans, j’ai décidé d’aller tout expliquer à mon petit frère, tres petit au moment des faits, de lui expliquer ce qu’il était en train de se passer car c’était surement pas mes parents qui allaient le faire (je ne crois meme pas que mon père ait été tenu informé de tout ça, lui on le protège… alors que selon moi il détient une très large part de responsabilité meme s’il ne nous a jamais touché : les « ah tu vas faire la pute sur la plage ? » quand à 12 ans on part en colo, les « alors ça pousse les poils ? ah tu vas avoir une jolie petite chatte blonde… » et autres si c’est pas incestueux c’est quoi ?…. Mais ça tu prends pas de taule pour ça….), je lui ai expliqué ce qu’il avait vécu, ce dont il avait été témoin… Il ne se souvenait pas. On en a pas reparlé. Plusieurs fois avec ma sœur depuis par contre. Mon frère nous a demandé pardon à nous deux, de vive voix.
Quelques années après cette « première » révélation à ma mère je lui en reparlerai et là je découvre qu’elle nie encore !!! elle dit ne pas se souvenir qu’on lui ait dit ça (mais comment peut on prétendre ça ???!!!!!), j’ai pas laché, j’ai tout reexpliqué, tout en me sentant coupable, peur de l’accabler, elle qui a eu une vie si pourrie de toutes façons…. En collant à mon role de chieuse, d’emmerdeuse, celle qui remue la merde et qu’aime ça, la championne de la délation, qui trahit les secrets…. Depuis j’ai laissé tombé, décidé comme ça que ça n’avait pas d’impact sur ma vie….
Quelle erreur !!!! heureusement que je vous lie tous pour pouvoir reconstruire le puzzle, mettre en corrélation des éléments que je ne parvenais pas à relier ou que je croyais n’était le fait que de mon « putain » de caractère : dominatrice, hautaine, sèche, froide, calculatrice etc…. lisez plutôt : complexe d’infériorité, zero estime de moi, incapacité à me sentir en sécurité dans n’importe quelle relation, nécessité de rabaisser les gens qui m’entourent pour avoir un soupçon de sentiment d’existence…. La victime devient tortionnaire : je baisais les mecs, quelle satisfaction de voir dans leurs yeux ce sentiment d’avoir été trompé, pris pour de la merde quand je partais au petit matin ! quelle fausse liberté je croyais m’étre octoyée, quel faux pouvoir, quel faux rétablissement ! il m’en fallait plus : j’ai pris gout à la violence, me battre, faire monter la tension en boite par exemple pour que d’une main aux fesses, d’un regard insultant, on en vienne aux mains et la quelle plaisir j’avais à voir dans les yeux de ces gars la peur, l’incompréhension, la surprise de se prendre un coup de poing par une fille, d’étre tenue à la gorge immobilisé par une petite blonde…. Une revanche ? ça me semble ridicule maintenant et bien que ça ne fasse pas bien longtemps et surtout que c’est susceptible de revenir mais dans ces moments là j’ai le sentiment de vivre alors que sinon c’est plus le non-être qui prime, je suis une non-personne…. Par la violence je suis cette petite fille qui dit non sauf que cette fois mon non explose, se manifeste…. Car combien de fois après ces attouchements par mon frère d’autres hommes ont essayé ? les amis proches de la famille, profs de musique et autres grand-pères ??? combien ??? oui, une fois qu’on a été victime une fois c’est comme si c’était inscrit sur notre front, « allez y servez vous, de toutes façons je suis déjà annéantie »…. Mais heureusement, je devais avoir suffisamment de haine dans les yeux pour les faire débander ces porcs….
Maintenant que je suis appaisée, que je peux regarder en face le fait que m’a vie n’a été que stricte réaction à ces années de violence et rien d’autre, il est temps de me reconstruire pour pouvoir enfin vivre…. Vos témoignages m’aident beaucoup, je vais lire plus encore, changer de psy, en trouver un qui connait la thématique….
Et se pose la question de noel à cette période ?? le passer dans ma famille ?? je sais qu’arrivée à ce stade je ne saurais pas me taire… ai-je la force maintenant ? les ressources ? le courage ??
Avec vos témoignages je me dis que la case justice est nécessaire mais que faire ?? ça n’est pas à mon frère que j’en veux le plus, il s’est meme excusé, c’était un gamin laché à lui-même… ce sont mes parents qui auraient du nous protéger, ouvrir les yeux, accepter, reconnaitre, faire face… ma mère l’a fait du bout des lèvres, mon père absolument pas… si je porte plainte je veux porter plainte contre eux et pourtant pour quels mobiles ????? comment ma plainte peut elle etre prise au sérieux ?? j’aimerais des infos la dessus si vous en avez…
Je voudrais porter plainte aussi contre cette société de l’hypocrisie dans laquelle faire face à ses pulsions les plus infames semble couter bien plus que de voir se faire massacrer et anéantir des générations d’enfants, d’ado, futurs adultes….. les récits que je lis m’épouvantent, un ami qui me revelait recemment que lui aussi avait été victime d’inceste petit (comme c’est étrange que je ne me sente vraiment bien qu’avec ces gens ayant été violés) me disait : « mais comment le monde fait il pour tourner si on est tous dans le meme cas ? »
Je ne sais pas.
Je sais que je veux régler tout ça, rompre la chaine avant que mes freres aient des enfants (car ma sœur et moi a priori on en aura pas, je ne peux pas m’imaginer m’exposer au risque de reproduire ça ou de ne pas savoir les protéger) et pour que la génération future soient épargnée.