Témoignage femme: Une vie normale

Témoignage Publié le 07.04.2006
Une vie normale, remplie de joies et de peines. Une vie normale avec ses problemes. Une vie qui au fond je l’ai toujours su n’etait pas la mienne. J’ai grandis sans savoir, en me battant contre des fantomes que je ne connaissais pas. Aujourd’hui je sais, aujourd’hui j’ai mal mais demain sera meilleur.

J’ai ete abuse par mon pere des mon plus jeune age, je lui en veux de nous avoir vole notre enfance a mon frere Frederic qui a 24 ans, a ma soeur Laetitia qui a 20 ans et a moi meme Celine qui a 27 ans. Mes parents ont divorce quand j’avais 1 an, j’ai ete eleve par ma mere avec qui j’ai eu une petite soeur Audrey qui a 23 ans. Du cote de mon pere, Frederic et Laetitia. C’est de ce cote que tout ce passe. C’est Laetita qui a fait la demarche de porter plainte contre ce gros porc. Personnellement je ne me souviens de rien, je n’ai pas d’images de ces abus mais je sais que cela m’est arrive aussi. Autrement pourquoi des l’age de 3ans je jouais a touché le zizi des garcons, pourquoi quand je ne touchais pas leur zizi je prenais un malin plaisir a leur faire du mal. J’ai eu des jeux sexuels tres tot, trop tot!!!

Mon pere venait me chercher un we sur deux puis la moitie des vacances scolaires. Je me souviens que je faisais des crises a ma mere car je ne voulais pas y aller, mais c’etait la loi. A l’epoque ma mere a failli aller en prison pour non presentation d’enfant. Vive la justice et ses lois a la con. Quand je revenais de mes we “chez papa” j’avais tout le temps des spasmes au ventre. Combien de visite chez le docteur pour comprendre ce qui n’allait pas. Diagnostic : je suis une enfant angoissee car je souffre de la separation de mes parents…la belle affaire.

Je ne joue pas, je ne m’exprime pas, je fond en larmes des qu’on me reproche quelque chose, je souffre d’hallucinations auditives mais je n’en parle pas a ma mere de peur de l’inquieter. Il m’arrivait d’entendre ma mere crier et pleurer alors je l’appelais tres fort puis quand elle arrivait je me rendais compte que j’avais hallucine. Je lui demandais si ca allait…elle ne comprenait pas, et moi non plus.

Ma chambre devient mon repere, le seul endroit ou je me sens a peu pres bien. Je suis une adolescente hyper-timide, rien ne m’interesse vraiment. J’essai pourtant d’avoir des activites comme les autres mais il n’y a que dans ma chambre que je me sens en securite. Je ne m’interesse pas aux garcons. Non c’est plutot eux qui ne s’interesse pas a moi. Je suis un vrai garcon manqué. Je comprend aujourd’hui pourquoi je refusais ma feminite. Viens le temps du lycee, je me sens tellement differente des autres, tellement mal dans ma peau…je goute au petard. C’est la belle vie qui commence, j’oubli mes problemes, j’essai de me battre pour m’integrer et m’affirmer. Je deviens le clown de service. Je ne prend rien au serieux, je developpe mon sens de l’humour et de la derision, je vais en cours quand j’y pense. Dans ma famille personne ne remarque mon changement ou ne voulais pas le remarquer!

Puis je rencontre Renaud, qui est mon mari aujourd’hui. Je suis heureuse puisqu’amoureuse. Je me sens pousser des ailes, prete a soulever des montagnes, j’oublie mes peurs, mes angoisses, ma timidite excessive, j’oubli tout puisque je l’ai lui et son amour.
On trace notre route, tant bien que mal car après l’euphorie des premiers instants viennent les disputes. Je ne comprend pas mes reactions. Je me met dans des coleres noires des qu’il n’est pas d’accord avec moi. Je lui dis que de toute facon il ne m’aime pas sinon il ne dirait pas des choses comme ca. Je n’arrive pas a exprimer cette colere, alors je me cogne la tete contre les murs, je defonce tout dans la maison, je l’insulte, lui dit des choses horribles, le frappe meme parfois. J’ai failli mourir un jour en me tapant la tete contre une vitre. La vitre a casse et je suis restee coince avec un bout de vitre pendant au dessus de ma nuque, pres a tomber. Renaud m’a degage de la, je me suis pris une gifle et j’ai fondu en larme. J’ai eu tres peur ce jour la et depuis j’essai de contenir mes exces de violences. Je m’en tiens a la vaisselle et aux meubles ; )
Dans ma tete ces scenes de ménages m’apporte la confusion. J’en arrive a detester mon mari et le doute s’installe…est ce que je l’aime vraiment? Est ce que lui m’aime vraiment? J’avais 21 ans a l’epoque.
Mes etudes, ma vie professionnelle…un fiasco. Je commence tout et je ne fini rien. Des loisirs je n’en ai pas si ce n’est fumer des petard et boire des bieres avec les copains.
On decide de se marier et de partir a Londres, ou l’on vit depuis bientot 3ans.
Renaud trouve un travail comme vendeur de vin, il y reste pendant plus de 2 ans, devient responsable du magazin. Quand a moi je change de boulot tous les 6 mois, je passe de vendeuse, a cuisiniere puis secretaire puis revendeuse puis recuisiniere. Cela devient infernal, personne ne comprend mon instabilite meme pas moi meme. Je refuse l’autorite et la hierarchie des que quelquechose ne va pas je demissionne plutot que d’essayer de discuter, je fuis les responsabilites et me devalorise constament. Mon couple s’enlise, on ne se comprend plus, j’ai de moins en moins envie de faire l’amour avec lui mais j’ai pourtant besoin de tendresse et d’affection.
Alors je me tourne vers les femmes…reconfusion : est ce que je me suis voile la face? Est ce que je suis lesbienne? Mon manege dure dans le temps, Renaud est au courant de mes aventures, il les acceptent mais en souffre terriblement. Je me sens coupable de le faire autant souffrir et je me dis qu’il faut vraiment que je me prenne en main. Il faut que je comprenne d’ou vienne tous mes problemes. Alors je decide de rentrer en France chez ma mere pour faire le point et aller voir un psy.
Puis la tout s’eclaire comme par magie… Laetitia m’appelle pour me dire qu’elle a un probleme avec notre pere mais qu’elle ne peut pas m’en parler au telephone. Au fond de moi je sais de quoi il s’agit car 1 an auparavant j’avais regarde un film sur un inceste oublie. A la fin du film j’avais mal au ventre, j’avais pleure et dit a Renaud que je ne comprenais pas mais que je savais que cela m’etais arrive. Puis le temps a passé et j’ai oublie ce film et ce que j’avais ressentis. La verite me rattrape. Je vais voir ma soeur et elle m’explique que notre pere a eu des attouchements sexuel sur sa personne. Elle me raconte ces scenes ou elle se voit en train de masturber notre pere, en train de prendre les mains de mon pere et de se caresser avec, elle se revoit en train de lui faire une fellation et j’en passe. Je m’ecroule a l’entente de ces horreurs. Qu’est ce qu’il m’a fait a moi? Pourquoi je ne m’en souviens pas?

Ma soeur a subi ses abus jusqu’a l’age de 16 ans, elle se sent coupable et honteuse car il avait instaure une relation malsaine et elle le suivait…elle pensait que c’etait normal d’aimer son pere de cette facon. Dans mon malheur ( le divorce de mes parents) j’ai eu la chance de ne pas grandir a “temps-plein” dans cette atmosphere destructrice. Mais les consequences de cet acte dans ma vie de femme-enfant sont bien la. Ma soeur suit une psychoterapie depuis 1 an, elle dit qu’elle commence a aller mieux mais elle n’a pas de vie. Ses etudes sont en suspend, son amoureux le portrait crache de mon pere (manipulateur, fuit ses responsabilites, menteur…), elle est boulimique, n’a pas d’ami, elle ne voit personne si ce n’est son mec, sa maman et notre frere. J’ai peur pour elle car elle est detruite au plus profond de son etre.

Paradoxalement elle dit qu’elle a peur pour moi. Qu’elle est passee par des prises de conscience qui l’ont fait enormement souffrir. Elle m’a dit : “je peux essayer de t’aider mais je ne pourrais pas t’empecher de souffrir”. J’avoue que son discours m’effrait, parfois j’ai du mal a suivre ce qu’elle me dit, elle detient surement des verites que je ne saisis pas encore ou que je ne veux pas voir. Je suis l’ainee et je l’a sens pourtant plus mature dans le sens ou elle elle arrive a s’exprimer face a tout ca. C’est pour cette raison que je vais aller voir un psy. Je me sens bloque face a l’horreur de la situation. Je ne ressens pas de honte, de culpabilite, de colere vis a vis de mon pere. J’ai tout le temps mal au ventre ca c’est sur mais je me sens vide, loin de moi comme jamais. Je veux que cela m’aide a me debarasser de mes blocages pour vivre comme j’en ai vraiment envie, pour faire ce dont j’ai vraiment envie. Mais je ne veux pas me souvenir de ces abus, je ne veux pas en avoir d’images. J’en subi les consequences et c’est deja bien assez dur. A quoi bon se faire plus de mal?

Aujourd’hui j’ai envie de vivre, de retrouver mes emotions, mes rires, mes larmes, mes coleres. Je fais le deuil de mon enfance, je crois qu’il ne sert a rien de vivre dans le passé. Surtout lorsqu’il est autant douloureux. Il faut le connaitre notre passé et nous en servir pour ne pas repeter les memes choses, nous en servir pour nous construire tel qu’on se reve. Ils nous ont voles notre enfance, notre insouciance, nos decouvertes, nos jeux. Les consequences sont dramatiques dans nos vies de soi disant adultes. Mais il faut en tirer une force pour enfin vivre notre vie.
Cette force on l’a tous au fond de nous. C’est elle qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui malgre ce qu’on a vecu. C’est elle qui nous porte.
En nous detruisant ils nous ont rendus forts et c’est pour ca que chacun de nous guerira un jour. Ce sera notre plus belle victoire…je languis d’y etre.

Merci a vous tous de m’avoir lu, je ne vous connais pas mais je vous embrasse et vous aime tous tres fort. Cela m’a fait du bien de parler avec vous, je pense a tres bientot.

Celine.