Témoignages femmes: le deuil d'un père idéal

Témoignage Publié le 10.03.2006
J'ai été victime d'inceste par mon grand-père paternel de mes 8 à 14 ans. Et c'est à 15 ans que j'ai enfin parler de ce qui s'était passé à mes parents.
Du jour au lendemain, le monde s'est écroulé pour eux et pour moi aussi. Ils n'ont pas réagi de la bonne manière, c'est-à-dire en protégeant leur fille, quoique leur manière à eux de me protéger comme ils disaient, c'était que je me taise. Pour ne pas décevoir mes parents, j'ai préféré me taire c'est vrai, mais je n'ai jamais perdu l'intention de porter plainte. Selon mon père, j'étais responsable à 50% de ce qui s'était passé, puis de 30%. Encore est-il qu'en prononcant ces mots, j'ai compris qu'une grande barriere s'installait entre nous.

Plus personne ne me comprenait dans la mesure où l'on me reprochait d'avoir pris les gestes de mon grand-père pour un jeu qui est allé assez loin. Je n'étais pas une petite fille qui était normale car toute les petites filles éprouvent du dégout. Il devait juste me manquer une case dans ma tête c'est tout. Alors comment ne pouvais-je pas me sentir fautive et responsable lorsque l'on me considérait comme telle.

Du dégoût j'en ai éprouvé pendant des années, je me sentais sale, j'étais écoeurée par moi-même cherchant à me punir et me détruire par quel que moyen que ce soit.
Vers mes 16ans, c'était devenu invivable pour moi de rester avec mes parents. Du coup je suis partie en internat et c'est à partir de ce moment là que mon père est devenu dépressif.

Dépressif et paranoiaque me reprochant de comploter toujours derrière le dos de mes parents et des fois de comploter avec ma mère. Il ne s'empêchait pas de visiter ma chambre pour la fouiller. Nos rapports devenaient de plus en plus conflictuels, certes, mais j'aimais toujours mes parents et je n'ai jamais cherché à leur faire de mal.

Une fois à l'internat, nos relations se sont stabilisés, je cherchais un peu mieux à le comprendre, et je "compatissais à sa souffrance" à tel point que je dissimulais la mienne.

Après mon bac, je suis retournée vivre chez mes parents, et les reproches étaient toujours présents à n'importe quel conflit, il avait toujours le mot : "tu nous en a fait bavé, on t'en fera bavé" "qui est responsable de ce qui s'est passé à ton avis?" "on a toujours été traités de parents indignes, te rend tu compte de ce que tu as fait", " à cause de vos conneries, je vais me tirer une balle dans la tête".

Les rapports entre mon père et mon frère sont inexistants aujourd'hui.Seul mon frère parle avec ma mère. Mon père regarde à peine sa petite fille, et quand il est invité "par politesse" ne décroche pas un mot. L'atmosphère est très détendu autrement dit!

Aujourd'hui je m'aperçois depuis que je suis partie de chez mes parents à quel point mon père n'est pas celui que je m'imaginais et même si cela fait mal, il vaut mieux tard que jamais.
J'ai toujours voulu le comprendre sur cette histoire sans me comprendre moi-même parce que je ne me donnais pas la chance d'exister si ce n'est celle d'exister aux yeux de mon père.

Je suis toujours en quête de reconnaissance, mais là, je dois bien m'avouer que mon père ne m'a jamais reconnu véritablement comme victime, sans doute c'était involontaire, mais cela ne lui a pas empêché de voir ses deux enfants partir avec le sentiment que leur père leur a bousillé une partie de leur existence, la mienne peut-être plus que celle de mon frère dans un sens où lui n'a rien subi.

Alors aujourd'hui, j'en ai marre d'être toujours en train de me sentir coupable de quelque chose dont je ne suis pas.

Merci papa de m'avoir fait comprendre que les parents n'étaient pas idéaux. Je t'es trop longtemps respecté sans me respecter, et aujourd'hui je veux vivre sans me sentir responsable de ton état.

Que tu acceptes ou non d'entendre ce que je te reproche m'importe. Je veux seulement qu'on rétablisse la vérité, celle de l'enfance que l'on m'a volée et celle de mon adolescence.

Je n'ai qu'une chose à te dire : MERDE