Un beau-père incestueux

Témoignage Publié le 15.11.2022
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Je suis M, j'ai 29 ans. Et ma vie à basculé l'année de mes 14 ans.

Mes parents sont divorcés depuis mes 3 ans, ma mère est partie avec ma soeur et moi avec son nouvel amoureux et s'est remariée avec lui, il est devenu mon beau-père. Ils ont fait une fille ensemble, j'ai 6 ans d'écart avec elle. Je considère que j'ai 2 sœurs, ayant toujours vécu dans ce foyer (beau-père, maman, soeur 1 et soeur 2 ainsi que les fils de mon beau-père qui allaient et venaient). Un des fils de mon beau-père à vécu avec nous quelques années. Les autres venaient principalement pour les vacances. Mais les relations n'étaient pas au top. Nous déménagions très souvent à cause du travail de ma mère et de mon beau-père. J'étais une petite fille très discrète, peu d'amis, souvent seule dans la cour de récré, sur un banc à attendre la sonnerie qui nous disait de retourner en classe. Puis arrivée au collège, ça a été un peu mieux. 6ème, 5ème (nouveau collège), 4ème, c’est parti en cacahuète; une fille, forte, grande, a décidé de s’en prendre à moi. M’a éloignée de mes amies et me harcelait dans la cour d’école, puis une fois à la sortie. Ce jour-là, je ne me suis pas laissée faire, et elle a arrété. Puis 2ème année de 4ème (j’ai redoublé). Mon beau-père était très autoritaire, strict, dur, froid, ne montrait jamais ses sentiments. Et nous n’avions pas non plus le droit de les montrer… Pleurer c’était une marque de faiblesse, nous étions des “bébés”.. Il voulait qu’on réussisse à l’école, mais moi j’y arrivais pas. J’étais nulle, je n’aimais pas. Et plus il me mettait la pression, moins j’avais envie, moins j’en faisais. Avec lui, on devait apprendre par cœur, sans limite comprendre ce que l’on apprenait. Avec moi, ça ne marchait pas. Mon cerveau ne mémorisait pas. Durant cette année de 4ème, il a vrillé avec moi. Il a commencé.

Je ne me souviens pas de la première fois ou ça c’est passé. Mais je me souviens bien des autres fois. Je me souviens de certains détails bien précis, et d’autres sont très flous. Il entrait dans ma chambre, le soir, et m’embrassait avec la langue. Il s’appuyait sur ma poitrine. Il était lourd, il avait cette haleine de tabac, cette petite barbe qui pique, qui me brûlait les lèvres. Sa langue, qui rentrait dans ma bouche, me dégoutait. J’y comprenais rien. J’étais tétanisée. Comme une momie dans son sarcophage. J’étais droite comme un piquet, stoĩque. ça a duré plusieurs mois, mais je ne saurais dire combien. En tout cas, ça n’a pas dépassé l’année scolaire de mes 14 ans. J’avais une copine à l’époque avec qui j’étais différente, elle était tellement solaire, je vivais avec elle. Un jour, je me suis confiée à elle, je ne savais pas si c’était “normal”. Il était la figure paternelle du foyer, pour moi, au début c’était limite évident que c’était lui qui savait ce qu’il faisait et que ça devait être normal. Puis j’ai commencé à me questionner, parce que je pleurais beaucoup, parce que je n’avais pas le droit de le dire à maman ni à personne. Il me l’avait bien précisé. J’en ai parlé à ma copine Aude. Et elle m’a “réveillée”, elle m’a dit “mais ce n’est pas normal, il n’a pas le droit de faire ça…”

Un jour, il m’avait demandé si je voulais qu’il arrête mais j’ai dit non, j’avais trop peur. J’ai vite regretté ma réponse mais j’avais peur. Puis il m’a encore posé la question quelques temps après, et j’ai su dire “oui”. Il n’a jamais recommencé. Le temps à passé. Je suis arrivée au lycée, ou j’ai rencontré ma meilleure amie, la meilleure de toutes !! Nous sommes encore super amies à l’heure d’aujourd’hui, M. Je ne sais plus du tout pourquoi, ni comment j’ai entamé de lui en parler. Mais je lui en ai parlé, ça me rongeait. J’allais au lycée à pied ou en vélo, et j'étouffais, tout le temps, j'étouffais. Tous les matins après mon petit déjeuner, je faisais une crise d’angoisse qui me faisait rester au lit 15 min jusqu’à ce que ça passe. J'étais vidée après ça. Donc je lui en ai parlé, et elle m’a dit “mais tu dois le dire à ta mère”. Dur dur… peur de lui faire du mal, peur qu’elle ne me croit pas, peur que lui se mette en colère après moi, peur des conséquences derrière... Mais je l’ai fait. Un midi, un lundi, ma mère ne travaillait pas le lundi. Je lui ai dit “maman, il faut que je te parle”. Et je lui ai dit. Elle m’a dit “t’es sûre M?” j’ai dit “oui”. Elle à bondi sur son téléphone, il était au travail, elle l’a appelé. Il à nié, au début. Puis elle lui a dit qu’elle me croyait. Il a fini par avouer. Puis ses excuses sont :”je voulais la protéger, elle est fragile”. J’ai jamais vraiment compris le rapport… j’avais 16 ans. Sauf qu’au lendemain de cette journée chaotique, tout est redevenu comme avant. Tout le monde à repris son train-train de vie. Et moi la dedans, j’étais perdue, j’avais peur, qu’est ce que je foutais là sérieux ??

J’ai rencontré mon mari. Nous avions 17 ans, au bout de quelques mois, je lui ai dit. Il en à parlé à sa mère, et elle lui a dit “dis lui qu’elle vienne habiter ici”. 1 mois avant mes 18 ans, je suis partie. Ma mère n’a fait aucune opposition à mon départ, mais ne m’a pas aidé non plus. Je suis partie, sans un sous, dans une famille que je ne connaissais pas… Bref, j’ai galéré pendant quelques années. Mais Jordan (mon mari) à toujours été d’un soutien sans faille. J’ai été au lycée là- bas, je me suis débrouillée un peu toute seule. On rentrait pour manger, se laver… voilà. A nos 20 ans presque, nous avons pris notre petit appart. Lui travaillait, moi j’étais encore au lycée, et je bossais en 15h/sem chez D..Puis, nous avons eu une fille, en 2019. Nous étions mieux installé, on travaillait tous les 2, bref, une situation stable.

J’ai fait une dépression post-partum. J’ai pas compris ce qui m’arrivait.. Bim, bam, boum j’étais plus personne, vide, triste, à terre. J’ai été voir la psy du cmp, elle a relevé le problème de mon enfance. Et j’ai arrêté avec elle. J’ai cru que c’était bon, ça allait mieux. Mais non. J’ai donc cherché une psy en libéral. Et elle m’a sauvé… Elle a su m’écouter, m’accompagner… Je vais mieux aujourd’hui. J’ai parlé à mon père, à mes sœurs…. Parce qu’avant je n’en avais pas le droit. (même ma mère en a fait un tabou). Mais ça y’est, maintenant, je parle! Mais toute ma vie, j’aurais des séquelles (sexuelles, sentimentales, physiques). Mes crises d'angoisse sont un peu différentes, maintenant j'étouffe (la poitrine), ma vie sexuelle commence seulement à s’améliorer. J’arrive depuis peu, et pas toujours à embrasser mon mari avec la langue. Et ma libido s’est améliorée. Même si elle n’est pas tout à fait stable (perte soudaine de libido pendant l’acte, baisse de libido….) Je suis toujours suivie avec cette même psy depuis maintenant 2 ans. Et le travail est encore long. Mais je me battrai.

Je souhaitais apporter mon témoignage, car déjà, ça me fait du bien. Et puis pour toutes les victimes qui penseraient que comme il n’y a pas eu de pénétration avec le sexe, et ni quoi que ce soit avec le sexe, ça serait pas grave, pas légitime.. Et bien NON ! C’est le même trauma, les mêmes conséquences traumatiques, et c’est le même degré que tous les autres abus sexuels, incestes…. Merci de m’avoir permis de parler ici.