Adieu...

Témoignage Publié le 01.04.2010

Fotolia_5239102_XSBonjour à tous, j'ai été victime d'inceste durant mon enfance par mon grand frère et je vous fait partager la lettre que j'ai écris pour lui, une lettre qu'il aura surement jamais. Mais si mon expérience et ma vie peut en aider certains, je vous la fait partager. On a besoin de témoignage dans ce genre de situations, de soutien, étant donné que c'est un sujet tellement tabou. J'espère ainsi apporté par mon expérience une petite pierre à l'édifice de votre guérison. Voici donc la lettre que j'ai écrite :

Tu ne liras surement jamais cette lettre et peut être tant mieux pour toi. Tant mieux pour moi je ne sais pas, je pense juste avoir besoin de dire tout ce que j’ai sur le cœur, tout ce que l’enfant qui sommeille en moi a gardé pendant toutes ces années.

Je sais ce que tu m’as fait, tu as abusé de moi quand on était jeunes. Je ne me souviens plus vraiment l’âge, faut dire que c’est très difficile d’avoir un souvenir précis en ce qui concerne un évènement pareil. Je devais avoir dans les 8, 9 ans je pense, ce qui veut dire que toi tu devais être dans les 15 ans, en bref t’étais suffisamment âgé pour comprendre qu’un acte pareil ne se faisait pas, était mal, était un crime. Ce que je ne parviens pas clairement à me souvenir c’est si cela s’est répété ou si le souvenir que j’ai récupéré est la seule fois. J’ai l’impression d’un rituel qui se répétait alors je pencherais plus pour une répétition. Dans tout les cas, si cela s’est répété ça s’est fait sur la tranche d’âge 7-9 ans, pas plus. Mais bon je serais tenté de dire que cela ne serait rien de plus que la cerise sur ce gâteau innommable…

Tu savais très bien que je t’idolâtrais, t’étais mon frère, mon grand frère, j’étais prêt à tout faire pour que tu m’aimes, pour que tu me protèges. Notre père n’étant plus là, tu étais comme un père pour moi, t’étais mon modèle. J’avais une confiance absolue en toi et tu en as profité pour assouvir tes délires pervers. Qu’est ce qui ne tournait pas rond chez toi ? Pourquoi tu m’as fait ça ? Pourquoi tu en es arrivé à violé ton propre frère ? Je veux dire, que tu ais subi quelque chose toi aussi peut être mais est ce que ça justifiait que tu fasses pareil à ton propre frère ? Je devais payer pour ce qu’on t’avait fait ?! Où est ce que tu voulais simplement m’humilier, me détruire jusque dans mon corps pour rester le préféré, pour combler ta jalousie ? Ou cherchais tu simplement à assouvir tes pulsions homosexuelles sur ton propre frère ? Tu avais tellement honte de ce que tu désirais au fond qu’utiliser ton propre frère pour ça c’était une sécurité, l’assurance que personne ne le saurait et que je ferais tout ce que tu voulais.

T’es un malade. Comment as-tu pu profiter de ma crédulité ? Comment je pouvais croire que mon propre frère m’aurait fait un truc pareil ?!

Pour moi, je n’avais pas conscience que c’était mal à ce moment, si ça me faisait avoir ton attention c’est tout ce qui comptait même si pour ça je devais souffrir dans mon corps et dans mon esprit. Et tu le savais bien, faisant passer ça pour un jeu innoffensif.

Jusqu’à ce que je me rende compte que ce que tu m’avais fait n’était pas normal, était mal. Quand m’en suis-je rendu compte ?...Bonne question, je ne sais pas trop. Je dirais que le déclic est lié au souvenir que j’ai récupéré grâce à la psy (et oui, je comprends maintenant pourquoi tu avais tellement peur, ça t’avais tellement mis en colère quand j’avais décidé d’aller voir une psy, tu savais très bien que tôt ou tard j’aurais découvert la vérité et ça te terrorisait) mais j’y reviendrais plus tard. En fait, je tenais d’ailleurs à préciser que j’ai commencé à aller voir la psy à cause de ça, d’un flash que j’ai eu pendant très longtemps, depuis aussi longtemps que je me souvienne d’ailleurs. Cela se passait après que tu ai abusé de moi, après l’acte si tu préfères (tu veux que je précise, ça te rafraichirait peut être la mémoire vu que tu semble avoir oublié si facilement, après que tu m’ai sodomisé si tu préfère). J’étais aux toilettes en train de m’essuyer ton putain de sperme sans comprendre ce qui se passait, c’est rigolo pensais-je alors dans ma tête d’enfant innocent. Et toi pendant ce temps là tu te rhabillais. Mais le problème c’est que maman est rentré plus tôt du travail et toi tu t’es empressé de descendre les escaliers pour l’occuper, pour qu’elle n’ai pas à monter, pour qu’elle ne voit pas ce que tu avais fait sur moi. C’est à ce moment là je pense qu’un déclic s’est formé dans mon esprit « pourquoi maman dois pas voir ça ? C’est pas normal ? Je comprends pas ». Ce n’est pas anodin que cette image soit resté gravé en moi tout ce temps et m’ai hanté de nombreuses nuits. A ceci s’ajoute le cours d’éducation sexuelle qu’on avait eu à l’école. Je ne m’en souvenais même plus mais maman m’a dit il y a pas très longtemps que j’étais rentré à la maison tout blanc, complètement traumatisé. Normal en même temps vu que ce que j’y avais vu m’avait clairement fait comprendre que ce que tu m’avais fait était mal. D’ailleurs, je m’en suis souvenu après mais un petit livre nous avait été offert lors de ce cours, une petite bande dessinée où était montré en gros les risques d’abus sur les enfants, ce livre me terrorisait, je n’osais pas le regarder parce que je savais au fond de moi que c’était trop tard, que tu m’avais déjà fait du mal. Mais le problème c’est que j’avais laissé faire ça…Etais je fautif ? Je l’ai cru pendant longtemps. A partir de ce moment là j’ai cherché à me détruire, je bouffais comme un porc, je m’enfermais dans les jeux vidéos, fuyais tout contact humain. Je me dégoutais, j’étais une merde, un sous-homme. Je me suis mis à vivre dans la peur, j’avais peur de tout à cause de ça. J’étais renfermé, et ce flash me hantait perpétuellement. A chaque fois qu’il me revenait en mémoire, je faisais tout pour croire que c’était impossible, je me mentais à moi-même, mon esprit hurlait contre lui-même un ta gueule en continu. Je me privais de la parole, car dans mon esprit j’étais le coupable. Tu n’étais pas fautif, tu n’étais pas un criminel, tu étais mon frère…

Après tu t’es mis à partir très souvent de la maison, tu n’y étais presque jamais, toujours à errer dehors avec tes potes. Et tu te rappelles la discussion qu’on a eu pour le réveillon de Noel de l’année dernière (Le pire Noël de ma vie je crois parce que je suis venu chez toi fêter ça alors que j’avais déjà retrouvé ce souvenir, je savais ce que tu m’avais fait, mais je ne pouvais rien dire encore, je ne voulais pas faire du mal à maman. Tu n’avais pas remarqué que je n’osais même pas te regarder en face, te parlait à peine et j’ai chopé la pire crise d’angoisse de toute ma vie tu l’as bien vu et bien c’était par ta faute) où tu m’avais dit que tu étais tombé dans la drogue, où t’étais défoncé presque tout le temps à l’époque qui a suivi ce que tu m’avais fait en me disant que tu te souvenais, comme par hasard, pas de cette époque. Et bien je comprends maintenant, tu ne pouvais plus regarder ton frère en face, t’étais tellement habitué à le regardé par derrière ! Et la drogue ça t’a bien aidé à oublier les horreurs que tu avais commis on dirait.

Après cette période de drogué jamais là, tu as cherché à te rapprocher de moi quand j’étais en 3ème on va dire. A l’époque je me disais qu’on allait enfin être des frères, et je continuais toujours à  refouler ce flash envahissant en moi. Maintenant je me pose la question : t’es tu rapproché de moi parce que tu voulais vraiment agir comme un frère et tu avais du remords sur ce que tu avais fait ou cherchais-tu simplement à te couvrir en te rapprochant de moi. En tout cas, finement joué parce que ça marché. A partir de ce moment on a bâti un lien que je pensais véritable, tu étais mon frère et je t’aimais vraiment malgré ce que tu avais fait. Je portais ça seul, je le gardais bien enfoui en moi en faisant tout pour que ça ne sorte jamais. Pour tout te dire, de nombreuses fois je me suis imaginé un scénario en dormant, je me suicidais et laissait une lettre où je disais ce que tu m’avais fait. Cette scène s’est répétée inlassablement dans ma tête, comme avec une vertu presque cathartique. Imaginer ça me permettait de calmer ce flash quelques instants, en me disant qu’un jour ou l’autre c’est ce que je ferais quand je n’en pourrais plus de garder ça pour moi. Oui j’ai imaginé le suicide un paquet de fois, cela aurait été tellement facile…

Et dire que pendant tout ce temps t’a joué au bon grand frère, je dirais que ta trahison me fait presque encore plus mal que ce que tu m’as fait. Comment as-tu pu oser me dire « Mais je comprends pas pourquoi tu galères avec les filles ? Lance-toi, prends un peu confiance bordel ! ». Comment tu voulais que je prenne confiance en moi alors que tu m’avais arraché mon estime de moi avec violence ? Comment tu voulais que je réussisse tranquillement pour le sexe alors qu’à cause de toi c’était un acte étiqueté souffrance, douleur physique ?!

Tu veux savoir le plus drôle dans tout ça c’est que la drogue t’a permis d’oublier ça mais moi c’est ce qui m’a permis d’affronter la réalité. Je t’avais expliqué la défonce que j’avais tapé où j’ai tapé un méchant bad, je me suis cru mort et j’ai revue ma vie, tout ce qui m’étais arrivé, ce que j’avais vécu,…Et à un moment, je t’avais dit que je m’étais cru dans le coma, j’ai halluciné mais l’élément intéressant c’est que dans mes hallus, je me suis cru à l’hôpital et j’ai entendu une phrase qui m’a marqué, qui est resté gravé dans ma mémoire : j’ai entendu ta voix dire : « Je suis désolé pour les attouchements sexuels que je t’ai fait, bats toi quand même ». Je me rappelle avoir fondu en larmes à ce moment et avoir hurlé « pas ça, pas ça », c’était assez horrible comme tu peux l’imaginer, j’étais redevenu l’enfant qui avait caché ça si longtemps et qui voyait son secret révélé sans qu’il le sache.

A partir de ce jour, je me suis mis à te voir moins souvent et à aller voir la psy, que je suis allé voir à cause de ça. Je me rappelle le jour où je l’ai appelé pour prendre rendez vous : je tremblais comme une feuille, j’étais tout blanc et je n’arrivais presque pas à parler. J’ai juste réussi à lui dire, béguaillant et tout bas, « je crois que j’ai été violé par mon frère… ». Et là je serais tenté de dire que ça a été le début de ma rémission, de ma guérison.

Je lui dois beaucoup à cette femme, elle m’a énormément aidé pour surmonter ce que tu m’avais fait. On a travaillé ensemble sur ça à plusieurs reprises.

En plus du flash dont je t’ai parlé, 2 souvenirs revenaient tout le temps : une couverture rouge et une peluche blanche, une sorte de chien (tu sais ta peluche favorite quand tu étais gosse). Et ces images revenaient sans cesse. Jusqu’au moment où la psy a insisté sur ces détails, sur leur position, la manière dont je les voyais. Et là déclic ! Tout est revenu, mais pas comme une remémoration, j’ai revécu ça. J’étais redevenu cet enfant, j’ai ressenti la putain de douleur physique, c’était atroce. Je crois ne jamais avoir pleuré autant de toute ma vie…

Après ça ******* a été au courant, il a été le premier que j’ai informé, j’ai enfin pu en parler. Cela a été une véritable délivrance, un soulagement de ne plus porter ce fardeau seul. Je n’étais plus le fautif, j’étais la victime, j’étais celui qui avait souffert dans l’histoire.

Après ça je l’ai dit à maman, qui m’a cru et cela a aussi été un soutien immense pour moi. Je tiens d’ailleurs à te remercier pour ça, l’horreur que tu m’as faite aura au moins permis que je me rapproche d’elle.

A partir de ce moment là mon objectif était de te parler, de pouvoir te balancer toute la vérité à la gueule, pouvoir surmonter le regard de mon bourreau sans faillir. Mais sans que je m’en rende compte je me mis à réaliser que ma vie devenait de plus en plus importante à mes yeux, de plus en plus riche : même si je n’étais toujours pas parvenu à aller jusqu’au bout avec une fille, j’avais enchainé plusieurs flirts plus ou moins longs et très sympas ; je m’étais rendu compte que j’avais vraiment des gens qui tenaient à moi autour de moi (********* et ******* surtout, mon frère véritable) ; j’ai trouvé un petit job de surveillant dans une école primaire et les gamins m’aiment beaucoup ; je vais rentrer en master à la fac ; maman je me suis énormément rapproché d’elle ;…

Te voir pour te faire payer devenais de moins en moins ma priorité. Après tout, avais-je vraiment besoin de ça pour avancer ? C’était t’accorder encore trop d’importance. J’ai tout de même, un jour, décidé d’en finir. Je t’ai envoyé un message assez cool disant que je voulais te parler, et que je te demandais ça comme un important service en tant que frère. Je me souviens encore de ta réponse presque immédiate : « ça ne m’intéresse pas ». C’est à ce moment là que tu as brisé les derniers éléments qui faisaient de toi encore un peu mon frère dans mon cœur. Désormais tu n’étais plus rien, plus rien d’autre que le gars qui m’avait violé…

Après ça, tu t’es mis à fuir comme tu l’a toujours fait, t’en ai arrivé à aller chercher un autre appart alors même que tu venais de refaire l’ancien et au risque de payer 2 loyers à la fois (et oui, ******* t’a toujours en ami sur facebook, ça sert pour les infos…). T’en ai réduit à ce point là. Et quand j’ai su ça je me suis dis pourquoi me donner autant de mal pour un gars comme toi, une pauvre merde qui n’a rien à part sa copine (pas d’études, pas de job, presque pas d’amis, plus de famille désormais). Tu as fuit toutes ces années et regarde où ça t’a mené ? Tu n’as rien, t’es qu’une pauvre merde ! Tu avais de l’ascendance sur moi auparavant, dans une sorte d’abus de pouvoir, mais maintenant tu n’as plus rien, tu ne vaux plus rien, tu me fais limite pitié. T’en arrives même à laisser ta copine nous envoyé un message à maman et à moi pour nous dire que tu change d’appart et de numéro de tel et que tu ne veux pas nous le dire, que tu ne veux plus rien avoir à faire avec nous. C’est toi la victime maintenant ?! Ne me fais pas rire…

T’es un lâche comme pas possible et tu vas fuir toute ta vie de toute manière, et t’inquiète pas je ne vais pas me fatiguer à essayer de te retrouver, j’ai des choses beaucoup plus importantes à faire que gâcher mon temps à la recherche d’une merde comme toi, je dois construire ma vie désormais !

Au final le sous homme c’est toi, c’est toi qui a fuis tout ce temps et qui continu de fuir et de te cacher derrière ******. Moi j’ai osé regarder la vérité en face, aussi atroce a-t-elle pu être, je l’ai regardé, je l’ai affronté et maintenant je lui dis merde ! Je suis un homme fort, je vais me battre et je m’en sortirais. Tu m’as pris mon innocence mais ma vie je l’ai récupéré et je vais tout faire pour la rendre aussi belle que je le voudrais désormais.

Tu te rappelles encore une fois cette discussion du réveillon de Noël où tu m’as dit que toi le passé c’était une maison en ruine que t’avais laissé derrière toi et que tu avais rebâtie une autre maison ailleurs avec ******. Et bien sache que tôt ou tard, d’une façon ou d’une autre, quelque chose viendra te rappeler que, que tu le veuille ou non, tu as beau avoir acheté une maison autre part, la demeure en ruine est à toi et il faudra bien rendre compte des loyers impayés pendant tout ce temps…

Quant à moi, je suis en train de briser pierre par pierre cette saleté de maison en ruine et j’avoue que c’est assez plaisant. Le terrain sera bientôt nikel et je pourrais construire ma véritable maison sur des bases solides, une maison où je pourrais trouver la paix et le bonheur.

Ces quelques lignes ne sont peut être pas complètes, pas très claire parfois, mais j’ai écris au fil de la pensée, j’ai laissé libre cours à l’enfant en moi, cet enfant qui a voulu parler pendant tellement longtemps et qui a pu enfin se libérer de son fardeau.

L’enfant peut enfin s’en aller dormir, être en paix et ne plus avoir peur, l’adulte est désormais là pour prendre le relais et le protéger…

Adieu ******* ******* *****