Article 2 : fausse victoire, vraies déceptions

Actualité Publié le 07.07.2018

 

En novembre dernier, suite au scandale de l’affaire de Pontoise, Emmanuel Macron et Marlène Schiappa nous avaient promis que toute pénétration sexuelle d’un enfant de moins de 15 ans serait punie comme un crime. Il fallait donc en finir avec la notion d’atteinte sexuelle sur mineur qui transforme le crime de viol en un simple délit puni 4 fois moins, lorsque l’enfant est considéré comme « consentant » par la justice.

Le 14 mars, le Conseil d’État publie un avis sur le projet du gouvernement. Il dit que ça créerait une « présomption de culpabilité » qui empêcherait de juger les « intentions de l’auteur des faits » et qui pourrait être inconstitutionnelle. C’est faux. La sénatrice Laurence Rossignol a répondu clairement : « Certes, il y a des homicides involontaires mais il n’y a pas d’introduction involontaire du pénis d’un adulte dans la bouche, le vagin ou l’anus d’un enfant. Cessons cette discussion sur l’intentionnalité ! »

Le Conseil d’État propose de remplacer une vraie limite d’âge à 15 ans par une notion interprétative de la « contrainte ». Pénétrer un enfant de moins de 15 ans pourrait éventuellement être jugé comme un viol, selon la « maturité » ou le « discernement » de la victime, à l’appréciation du juge. C’est la porte ouverte pour la défense des pédocriminels, qui vont tous plaider que leur victime avait une maturité et un discernement exceptionnels.

Comme lot de consolation, le Conseil d’État propose de doubler les peines de l’atteinte sexuelle sur mineur (de 5 à 10 ans) dans le cas où il y a pénétration. Selon la ministre Belloubet, il s’agit de créer un « continuum » de peines : si les éléments du viol comme la contrainte ou la surprise sont difficiles à prouver, on pourra tout de même condamner pour « atteinte sexuelle avec pénétration ».

Cette idée que le viol d’un enfant pourrait être considéré par la justice comme un « petit viol » jugé en correctionnelle et non aux Assises a beaucoup choqué les Français. Des centaines de milliers de signatures ont été rassemblées en quelques jours par les associations, avec le slogan #LeViolEstUnCrime.

Elle fait polémique également parmi les députés, puisque l’article 2 a été adopté de justesse le 15 mai dernier, avec uniquement les voix des députés LREM, contre tous les autres groupes parlementaires.

Le gouvernement a d’abord attaqué les militants comme nous en nous traitant de menteurs qui propageraient des « fake news » (expression diffamatoire inventée par Donald Trump). En 18 ans d’existence jamais nos militant(e)s n’ont été attaqué(e)s de cette façon !

Puis, sentant que la colère des français n’était pas près de s’apaiser, le gouvernement fait un geste. Mais pas celui qu’on attendait : il supprime la surqualification d’atteinte sexuelle avec pénétration sans modifier le reste du texte de loi. C’est à dire qu’il affaiblit encore le texte que le conseil d’État avait déjà affaibli.

Certaines associations crient victoire mais nous n’avons rien obtenu, au contraire. Il faudra toujours rechercher si un enfant est consentant ou non à un acte sexuel avec un adulte ou plus précisément s'il avait le discernement nécessaire pour consentir à cet acte !

Mais sur quelle planète vivent nos sénateurs ? D’après un sondage Harris-Interactive pour Face à l'inceste et 6 autres associations, 95% des Français considère qu'en dessous de 15 ans, la question du consentement sexuel ne se pose pas.

Depuis 18 ans, nous réclamons la création d’un crime spécifique d’inceste. Tout acte sexuel commis sur un mineur par un membre de la famille doit être strictement interdit et puni comme un crime. Plus de 9 français sur 10 nous approuvent ! D’après un autre sondage (IPSOS pour l’association Mémoire Traumatique), plus de 90% des Français demandent un seuil d’âge à 18 ans dans les cas suivants :

  1. 1. Inceste
  2. 2. Victime en situation de handicap
  3. 3. Agresseur en position d’autorité

L’inceste doit être un crime ! Nous l’avons dit devant les députés le 15 février, et puis le 12 avril. Nous l’avons redit à la sénatrice Marie Mercier, rapporteuse du projet de loi sur les violences sexuelles, le 6 juin. EN VAIN. Nous n’avons pas été entendus. Dès qu’on parle d’INCESTE, dès qu’on prononce le mot tabou, les oreilles se ferment, les yeux regardent ailleurs, la mémoire cesse de fonctionner.

Il faudra qu’Emmanuel Macron, son gouvernement, sa majorité parlementaire soient capables d’assumer leur choix de ne rien faire au sujet de l’inceste devant 90% des Français. Ce texte  contient toutefois une avancée significative, l’allongement de la prescription pénale de 20 ans à 30 ans pour les crimes sexuels sur les mineurs. Et d’autres mesures intéressantes que nous détaillerons dans un prochain article.