Depuis 2000, l’association Face à l’inceste s’est engagée dans plusieurs combats juridiques pour changer les lois. Nous avons notamment obtenu deux allongements de la prescription, trois insertions de « l’inceste » dans le code pénal et une présomption historique de non-consentement à l’inceste en dessous d’un certain seuil d’âge.
Mais nous ne sommes pas encore complètement satisfaits. Voici l’état des lieux des lois en France et les combats qu’il nous reste.
Le viol est considéré comme l'infraction la plus grave qualifiée de crime et jugée en cours d'assises par un jury populaire accompagné de 3 juges professionnels ou en cours criminelle par 5 juges professionnels. L'auteur peut encourir jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. Le viol implique un acte de pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital réalisé sur la victime ou sur l’auteur des faits sans consentement de la victime.
L'agression sexuelle est un délit jugé au tribunal correctionnel par des juges professionnels puni au maximum de 10 ans de prison. Il s'agit d’un acte sexuel sans pénétration non consenti par la victime.
L'atteinte sexuelle est spécifique aux mineurs puisqu'elle réprime tout acte sexuel commis par un majeur, avec ou sans pénétration, consenti par la victime de moins de 15 ans. Il s'agit d'un délit jugé au tribunal correctionnel passible de 10 ans de prison au maximum.
Auparavant, la loi française ne faisait pas de différence entre un adulte et un mineur. Cela impliquait qu'un enfant, tout comme un adulte, devait prouver qu'il n'était pas consentant pour que le viol ou l'agression sexuelle soient établis. Ceci posait problème car un mineur est dans l'incapacité de discerner ce qui est bon ou mauvais pour lui et il est très facile de lui imposer sa volonté sans user de violence.
Depuis 2000, Face à l'inceste se bat pour changer la loi afin de créer des infractions sexuelles sur mineurs spécifiques évacuant la recherche du consentement.
En 2010, nous avons sensibilisé le législateur sur le fait qu'un enfant ne peut pas s'opposer à un parent incestueux. L'article 222-22-1 précisant la contrainte alors été voté.
La loi n°2021-478 du 21 avril 2021 a permis une nouvelle modification de la loi qui a institué une présomption irréfragable de non-consentement dans certaines situations. Cela implique que dans ces situations précises, le mineur victime n’aura pas à prouver qu’il n’était pas consentant.
Ces situations sont les suivantes :
Depuis 2000, l’association Face à l’inceste milite pour l’insertion de l’inceste dans le code pénal.
En 2016, grâce à cette action militante, les infractions sexuelles intrafamiliales pouvaient désormais être surqualifiées d'incestueuses si elles étaient commises par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce ou le conjoint, le concubin, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d'une de ces personnes, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Notons que les cousins et cousines étaient absents de cette liste.
Depuis la loi de 2021, l’inceste a enfin eu la place spécifique dans le code pénal qui s’imposait, en raison aux conséquences extrêmes néfastes, il prive l'enfant de sa famille, de ses repères, de la confiance en tout ce dont il a besoin pour devenir un être humain. "L'inceste est un crime contre l'humanisation", selon le professeur Viaud.
Le viol incestueux et l’agression sexuelle incestueuse font dorénavant l’objet de deux infractions spécifiques et sont commis plus sévèrement. Ils sont qualifiés comme tels lorsqu’ils sont commis par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu, une nièce ou le conjoint, le concubin, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d'une de ces personnes, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Les grands-oncles et les grands-tantes ont été ajoutés mais les cousins et cousines sont toujours absents de la liste. En outre, l’autorité de droit ou de fait doit toujours être prouvé par l’enfant victime lorsque l’auteur n’est pas un ascendant.
La prescription signifie que passé un certain délai, il n’est plus possible de poursuivre l’auteur d’un crime ou d’un délit. Face à l'inceste considère que la prescription est un obstacle à la protection des enfants. C'est pourquoi nous militons depuis toujours pour l'abolition de la prescription pour les crimes et délits sexuels sur mineurs.
En 2004, nous avons participé au rallongement de la prescription de 10 ans, portant le délai de prescription de 28 ans, âge de la victime, à 38 ans. Nous avons continué le combat et en 2018 ce délai a été porté à 48 ans, âge de la victime par la loi n°2018-703 du 3 août 2018 - art. 1.
En 2021, une nouvelle avancée a vu le jour puisque la prescription devient « glissante » concernant les viols sur mineur. En effet, si l’auteur commet dans la période de prescription de 30 ans à compter de la majorité de la victime une nouvelle infraction sexuelle (viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle), le délai de prescription du viol initial est prolongé jusqu’à la date de la prescription de la nouvelle infraction. Cette nouvelle disposition permet à une victime de viol de se joindre à l’action publique engagée par la seconde victime, même après 38 ans.
Véritable contournement de la loi, la correctionnalisation des viols est selon le Sénat français, "la pratique consistant, pour l'autorité judiciaire, à requalifier un viol en agression sexuelle en passant sous silence certains des éléments constitutifs de l'infraction, ce qui permet de juger les auteurs plus rapidement devant une juridiction correctionnelle plutôt que devant une cour d'assises, au terme de délais nécessairement plus longs."
En clair, la correctionnalisation d'un viol ou requalification des faits consiste à juger un viol en cours correctionnelle comme un délit alors qu'il devrait être jugé en cours d'assises, car c'est un crime. Le but non avoué, désengorger les cours d'assises des trop nombreuses affaires de viols à juger et limiter les dépenses aux dépens des victimes. En effet, un viol en assises est jugé en quelques jours, en correctionnelle en quelques heures au plus entre les excès de vitesse et les vols. 80% des viols seraient ainsi correctionnalisés, banalisant leur gravité en niant le vécu des victimes. Face à l'inceste s'oppose à cette pratique et demande le respect des lois votées par le législateur. La France, toujours en queue de peloton de l'Europe des moyens octroyés à la justice, doit se donner le budget nécessaire à l'application d'une justice digne et équitable.
Pour lutter contre ce phénomène de correctionnalisation et pour désengorger les tribunaux, la France mène une expérimentation depuis septembre 2019 dans 15 départements avec des « cours criminelles ». Celles-ci sont compétentes pour juger des personnes majeures accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion lorsque l'état de récidive légale n'est pas retenu.
La principale différence avec une cour d’assise ordinaire ? Il n’y a pas de jurés populaires. Elle est composée de cinq magistrats professionnels, deux d'entre eux pouvant être magistrats honoraires ou exercer leurs fonctions à titre temporaire Les crimes concernés sont plus particulièrement les viols, les coups mortels, les vols à main armée, le proxénétisme aggravé, l'esclavagisme. Elles devraient être généralisées à l’ensemble du territoire à partir du 1er janvier 2023. Face à l’inceste est en train d’étudier la question pour se forger une opinion.
Mise-à-jour : Juin 2022