Le principe de l'inceste serait d’éviter l’entrée en contact intime de deux substances identiques sous peine d’effets maléfiques
Françoise Héritier, antropologue professeur au Collège de France
L'inceste est un tabou quasi universel. Il serait non seulement interdit de le faire mais aussi interdit d'en parler. Biologiques ou sociétales, les motivations de sa prohibition ne sont pas encore établies avec certitude.
Du latin « incestus » traduit par impur, souillé, sacrilège; l'inceste est le « non chaste ». Il est par ailleurs, défini par le dictionnaire comme « des relations sexuelles entre personnes dont le degré de parenté interdit le mariage ». Il s’agit principalement d’un degré de parenté par le sang.
Grâce à l'action militante de Face à l'inceste, le mot "inceste" a été réintroduit dans le Code pénal le 14 mars 2016 après 200 ans d'absence dans notre législation. Désormais, les viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par : un ascendant, un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ou le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. (Circulaire d'application)
Notons que malgré tous les efforts déployés par notre association, les cousin(es) ne sont pas concerné(es) car il n'existe pas d'interdiction au mariage entre cousins. Avec cette nouvelle loi, le législateur ne crée pas de crime spécifique comme nous le souhaitions mais une surqualification d'infractions déjà existantes : le viol et l'agression sexuelle. Cela implique qu'il faudra toujours rechercher l'absence de consentement de la victime, et ce, quel que soit son âge.
Notons que l'inceste entre majeurs consentants est autorisé en France comme en Espagne et au Portugal.
Selon notre association, l'inceste concerne la famille de sang et la famille élargie. ainsi que la famille par adoption. Mais ce lien familial est avant tout pour la victime un lien de proximité, d'autorité, de confiance, de dépendance et d’amour. Ainsi, les agresseurs peuvent être dans la famille de sang : père, mère, frère, sœur, grand-père, grand-mère, oncle, tante, cousin, cousine et dans la famille par alliance : beau-père, belle-mère, cousins, tante, oncle par alliance...
L'inceste concerne toute la famille. C'est pourquoi neuf fois sur dix, la famille incestueuse exclue la victime qui révèle les faits, au profit de la cohésion familiale.
Cela peut prendre plusieurs formes. L’agression sexuelle consistant à imposer un toucher sur le corps de l’enfant avec son propre corps (se frotter contre l’enfant, cunnilingus, masturbation…). L’enfant peut être forcé à pratiquer des gestes de masturbation sur l’agresseur, à l’embrasser ou le toucher où il le demande.
L'inceste peut aussi être un viol soit, tout acte de pénétration par voie orale (fellation), anale (sodomie) ou vaginale imposé avec une partie du corps de l’agresseur (doigt, pénis…) ou par l’utilisation d’un objet (tournevis).
L’inceste c’est aussi tout ce qui concerne l’exhibition sexuelle ou « inceste moral ou inceste sans contact physique » : les actes de faire l’amour devant son enfant, parader nu, tenir des propos à caractère sexuel, visionner des films pornographiques avec son enfant… sont considérés comme relevant de l’inceste. Utiliser son enfant comme confident de ses aventures sexuelles, le photographier nu ou dans des situations érotiques également.
Le « nursing pathologique » est une pratique incestueuse sous couvert de d’actes d’hygiène ou de soins. L’agresseur assouvit ses pulsions en pratiquant des toilettes vulvaires trop fréquentes, des décalottages à répétition, des prises de la température inutiles plusieurs fois par jour, lavements…et ce jusqu’à un âge avancé de l’enfant. C’est une relation extrêmement fusionnelle qui s’instaure dans laquelle l’enfant est un objet sexuel.
Infrarouge France 2 avec les membres de Face à l'inceste
Par ailleurs, l’inceste se caractérise par un abus de pouvoir, de confiance, une trahison de la part d’un proche sur un enfant. Les liens qui les unissent sont de l’ordre de la dépendance affective et matérielle (lorsqu’elle remet en cause la structure familiale). L’agresseur implique la victime dans un conflit de loyauté pour obtenir son silence en utilisant des phrases du type : « Si tu parles, tu vas détruire la famille ».
L’inceste est un meurtre sans cadavre, un meurtre psychique car il crée la confusion dans l’esprit de l’enfant entre amour et sexualité (Ferenczi), il place l’enfant dans une fonction d’objet sexuel visant à assouvir les fantasmes sexuels de son agresseur que la plupart du temps il aime et en qui il a confiance.
L’inceste inverse les rôles : l’enfant devient le parent du parent, crée la peur et place la victime dans une constante insécurité. L’acte en lui-même provoque une sidération et une dissociation (phénomène de se couper en deux : sortir de soi même) pour survivre à l’insupportable.
L’inceste est tellement traumatisant que la victime doit dans la plupart des cas, pour survivre, oublier et se plonger dans le déni. C’est un mécanisme de défense qui se met en place pouvant provoquer l’oubli total des faits. Dans ce cas, personne ne peut savoir quand les souvenirs vont se manifester à nouveau.
Le principe de l'inceste serait d’éviter l’entrée en contact intime de deux substances identiques sous peine d’effets maléfiques
Françoise Héritier, antropologue professeur au Collège de France