Par Flore Tricotelle
Parler d’un sujet grave sur le ton de l’humour, tel est le pari du film de Vincent Lannoo “Au nom du fils”. Le réalisateur nous propose ici certes une comédie, mais une comédie noire, dans la lignée des films de Tarantino, pour aborder le sujet de la pédophilie au sein de l’Église Catholique et tout particulièrement du tabou qui l’entoure.
Élisabeth, interprétée par la très juste Astrid Whettnall, est une mère de famille catholique dévouée. Suite à la mort de son mari, puis de son fils, elle se tourne vers l’Église pour avoir des réponses. Elle se retrouve alors confrontée au silence et au déni de ses responsables religieux, ce qui va déclencher en elle une folle croisade vengeresse.
Ici, ce n’est clairement pas la foi catholique qui est attaquée, mais la loi du silence qui règne encore en matière de pédophilie dans cette grande “famille” qu’est la religion catholique. Cette mère, à défaut d’avoir reçu justice auprès des institutions concernées, ne va pas trouver d’autres choix que de rendre justice elle-même. On ne peut ainsi s’empêcher de faire des parallèles avec le problème de l’inceste, et se poser la question: que reste-t-il aux victimes et leurs proches pour se reconstruire quand ce qu’ils ont vécu n’est pas reconnu par la loi ou par ce qui est sensé représenter la loi?
“Au nom du fils” n’appelle pas pour autant à la violence, ni au passage à l’acte. Bien au contraire, en montrant avec décalage et cynisme cette réponse violente faite aux actes qui ont été commis, Vincent Lannoo en révèle l’absurdité, et met également à jour le vide existant face à ce problème.
Le film a été tourné en Belgique, avec très peu de moyens, car au vu du sujet, la recherche de financement a été difficile. Sa sortie en France le mercredi 7 mai 2014 a été tout aussi compliquée, seulement une vingtaine de salles à travers le pays ont accepté de le programmer, dont à peine trois à Paris la semaine de sa sortie, et une seule salle en deuxième semaine. Cette très faible diffusion en France montre bien à quel point c’est un sujet qui dérange et tout comme l’inceste, un sujet qui reste encore un énorme tabou dans notre société.
On souhaite à “Au nom du fils” toute la reconnaissance qu’il mérite. À défaut d’une large diffusion en salles, il a reçu le Prix du Public de l’Absurde Séance 2013 à Nantes, ainsi que le Méliès d’argent du meilleur long métrage européen au Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2013, et a été présenté dans de nombreux festivals. On souhaite que ce film soit le premier d’une longue lignée qui contribuera à libérer la parole et faire avancer des problèmes aussi grave que la pédophilie et l’inceste.