3e congrès international d' Face à l'inceste : des réponses contre le silence

Actualité Publié le 23.10.2010
affichecongrespm3e congrès international d' Face à l'inceste : des réponses contre le silenceLe 2 octobre 2010, le 3e congrès international de l'Association Internationale des Victimes de l'Inceste s'est déroulé sur le thème : "Briser le silence de l'inceste". Plusieurs intervenants se sont succédés sur scène, afin d'expliquer quels outils déployer pour combattre l'inceste et son implacable silence. Entrecoupés de témoignages courageux, ces interventions ont donné des réponses essentielles aux questions que bon nombre de victimes se posent.Selon le sondage Axa Atout Coeur, seize ans en moyenne sont nécessaires pour sortir du silence. Seize ans de souffrance, de déni et de questionnements, durant lesquels la solitude prédomine. Isabelle Aubry, présidente d'AIVI, donne une image édifiante de la situation, celle d'un enfant "enfermé dans un bloc de glace".;

Marie-Louise Fort, député de l'Yonne et auteure de la loi sur l'inceste, a mis en relief un fait dramatique : en France, deux tiers de la population ignore comment réagir face à la révélation de l'inceste. Comment, dans ce cas, accompagner correctement la prise de parole des victimes ? Selon Madame Fort, un rapport inscrit dans la loi, examinant la mise en place de mesures à destination du public et des enfants est attendu avant la fin de l'année. Il devient en effet urgent, dans notre pays, de former les professionnels à accueillir la parole des victimes. Combien d'entre eux se sont déjà retrouvés démunis, voire muets, face à l'impensable ?

Durant le congrès, le Docteur Pierre Levy a justement présenté un nouvel outil de dépistage de l'inceste chez l'adulte. Sur la base d'un questionnaire précis, établi d'après une étude américaine, une triade prouvant l'inceste est retrouvée chez 91% des femmes interrogées. Lorsque les troubles du comportement alimentaire, les pulsions suicidaires et la peur des autres sont regroupées chez un même individu, l'inceste est détectable. Un outil indispensable selon Isabelle Aubry car il permet de "dépister jeune".

Passionnante et brillante, Karine Baryl, psychoéducatrice au Québec, a exposé le dévoilement de l'inceste, ses spécificités et ses conséquences. Pareil à un iceberg, seul un tiers de toutes les agressions sexuelles commises sur l'enfant sera dévoilé à l'enfance. Si chaque cas reste différent, les impacts à long terme du dévoilement sont éloquentes : les victimes qui parlent plus vite sont moins susceptibles d'avoir des séquelles lourdes à l'âge adulte.

Claude Seron, psychopédagogue et directeur de l’association belge Parole d’Enfants, a expliqué que "les enfants ont davantage tendance à minimiser plutôt qu'à extrapoler". En remettant en doute la parole de l'enfant d'entrée de jeu, nulle confiance n'est possible, ce qui mène à une rétractation quasi systématique. Dans ce cas, l'accompagnement et le respect de la parole sont indispensables.

Concernant la question des fausses allégations, notamment dans le cas des divorces, Jean-Luc Viaux, professeur de psychopathologie et expert judiciaire, a rappelé que chaque parole compte, et qu'il est important de mettre en place des méthodes d'investigation efficaces pour recueillir la parole de l'enfant sans le brusquer, le clinicien n'étant pas un juge. Selon son étude réalisée pour le Ministère de la Justice, les fausses allégations ne représenteraient que 3 pour 1000 cas.

Le congrès a également mis à l'honneur des extraits du documentaire «Breaking the silence. Children's Stories”, diffusé par la chaîne américaine PBS, afin d'apporter un éclairage sur la révélation de l'inceste, à travers des témoignages bouleversants. Le tabou de l'inceste au grand jour, et une fois encore, la défaillance du système judiciaire, allant jusqu'à remettre des enfants dans les mains des agresseurs. Puis Jocelyn Brown, pédiatre au Morgan Stanley Children’s Hospital of New York Presbyterian, a abordé le syndrome d'aliénation parentale, quand un parent aliénant dévaloriserait l’autre parent. Très ambivalent et dangereux, ce syndrome a été totalement abandonné du système judiciaire nord-américain.

Enfin, Marie-Pierre Porchy, magistrate, est intervenue sur le parcours judiciaire de la victime, faisant un parallèle incontournable entre les attentes de la victimes (être crue, sortir de sa culpabilité ou encore la crainte de revoir son agresseur), et celles de la justice, axées sur la recherche insatiable de la preuve, et malheureusement, de la mise en doute de la parole de la victime, dans un souci permanent de vérité. Un parcours que l'on a du mal à déterminer du côté de la victime : est-il libérateur ou semé d'embûches ? La formation des professionnels afin de respecter le dévoilement des victimes devient encore et toujours une nécessité, en créant des unités médico-judiciaires ou en spécialisant des magistrat dans l'intrafamilial. De plus, la loi du 8 février 2010 pose l'interdit de l'inceste dans la loi pénale : une véritable avancée en termes de statistiques et de prévention, qu'il faut néanmoins développer concrètement pour apporter de vraies solutions.

Au terme de cette journée, achevée sur le discours de clôture d'Isabelle Aubry, un élément essentiel revient, comme une plaie ouverte : sans accompagnement réel et engagé de tous les professionnels concernés par la révélation de l'inceste, la parole de la victime, adulte ou enfant, ne peut être recueillie comme il se doit. Les pouvoirs publics ont toutes les clés en mains pour développer une vraie lutte contre l'inceste et un accompagnement réel des victimes, il est donc urgent que les choses bougent enfin, pour briser le silence de l'inceste, synonyme de tabou. Le congrès a permis la mise en lumière de toutes ces problématiques liées au dévoilement de l'inceste, et l'absolue nécessité d'engager de vrais moyens sur le terrain. Il est temps que l'action rejoigne la théorie.

Lauren Clerc