Des cas d'inceste révélés par des puces à ADN

Actualité Publié le 12.02.2011

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Le Quotidien du Médecin

Des questions légales et éthiques sont soulevées. Des auteurs américains publient dans « The Lancet » une recherche montrant comment les progrès en biologie moléculaires amènent à des révélations de faits de société. En analysant le génome d’enfants présentant un retard mental,C. P. Schaaf et coll. (Houston) découvrent que certains d’entre eux sont issus d’une parenté au premier degré. C’est-à-dire que leurs parents sont soit frère et soeur, soit père-fille (ou mère-fils). Autrement dit, d’une relation incestueuse.

L’utilisation des puces à ADN pour l’évaluation d’enfants souffrant de troubles du développement ou de déficits intellectuels a conduit à la découverte de nombreuses anomalies génomiques jusque-là inconnues. Les analyses par puces avec hybridation comparative des polymorphismes d’un seul nucléotide (SNP) permettent d’identifier des petites délétions et des duplications. Ce type d’analyse permet aussi d’identifier des régions de l’ADN présentant une absence d’hétérozygotie, autrement dit des identités chromosomiques (disomies) conférée par une similitude des génomes des ascendants.

L’identification de ces régions ne nécessite pas d’analyse d’échantillons parentaux. « Nous avons trouvé quelques enfants qui nous ont été adressés pour trouble du développement, retard mental ou anomalies congénitales multiples, chez qui l’analyse par micropuces-SNP a révélé des grandes régions d’absence d’hétérozygotie et sur de multiples chromosomes. Dans certains cas, un quart du génome pouvait être concerné. Ce qui est en faveur d’une conception de l’enfant par des parents au premier degré. Les handicaps sont fréquents chez les enfants nés d’une parentalité incestueuse. »

Des recommandations sont nécessaires. Un nombre croissant de tests génétiques est fondé sur une détection de SNP. Ce qui va donner lieu à l’identification de cas méconnus de consanguinité ou d’inceste. Ces révélations vont fournir des indices diagnostiques, certes, mais elles posent aussi des questions à la fois légales et éthiques. Si la mère est mineure, par exemple, le praticien qui découvre une relation incestueuse se doit de signaler le cas aux services de protection de l’enfance, voire à la police, la relation pouvant avoir eu lieu dans le cadre d’un sévice. Le devoir du médecin est moins clair si la mère est majeure ; il lui faut rechercher si la mère était mineure au moment de la conception de l’enfant.

Ces révélations sont sources de dégâts potentiels : stigmatisation, stress émotionnel, accusations criminelles. « Nous suggérons que les problèmes soulevés par ces révélations soient l’objet de discussions par les institutions, de manière à établir des recommandations de conduite à tenir. »

Dr BÉATRICE VUAILLE The Lancet, vol. 377, 12 février 2011, vol. 377, pp. 555-6.