Êtes-vous une «bonne» victime?

Actualité Publié le 30.08.2011

Rosa Pires, l'auteure est porte-parole du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel (CALACS). Nous ne sommes malheureusement pas surprises par l'abandon des accusations d'agression sexuelle contre Dominique Strauss-Kahn, mais inquiètes quant au message envoyé à la société. Ce qui nous désole, c'est un système judiciaire qui détermine ce qu'est une «bonne» ou une «mauvaise» victime. Le système judiciaire québécois, en ce sens, ne diffère pas trop de celui des États-Unis.

Le premier enjeu pour une victime d'agression sexuelle est le plus souvent celui de sa crédibilité. Tous les jours, nous recevons des femmes de tous âges, de toutes les origines et de toutes les classes sociales, dont la parole est mise en doute pour le crime qui a été commis à leur endroit. Elles ont le malheur de ne pas avoir eu de témoins, d'avoir attendu trop longtemps avant de dénoncer le crime subi, ou encore de s'être retrouvées dans un endroit douteux, de telle sorte qu'elles doivent justifier leur agression. Elles n'ont pour seule défense que leur parole. Hélas, les preuves médicales ne détectent pas l'absence de consentement.

Parce qu'elle est très médiatisée, l'affaire DSK découragera un grand nombre de victimes d'agressions sexuelles d'opter pour le processus judiciaire, du moins en ce qui concerne les poursuites au criminel.

Lors de la dernière campagne gouvernementale en matière d'agressions sexuelles, les Québécois ont été étonnés d'apprendre que seulement 10% des cas d'agressions sexuelles sont déclarés à la police. Auriez-vous envie de porter plainte si vous risquiez de lire dans les journaux que vous êtes une «pauvre menteuse en quête de popularité et d'argent»? Nafissatou Diallo a tristement servi de bouc émissaire à un système judiciaire qui n'aura finalement jamais entendu un seul mot de la bouche de l'agresseur.

Cette histoire aura eu le mérite de nous confirmer que le processus de guérison pour les survivantes d'agression sexuelle ne peut se traduire uniquement par le processus judiciaire tel qu'il est. Malgré les réformes en droit pénal sur le «passé» de la plaignante, cela ne met-il pas en lumière ce que pensent plusieurs citoyens? Que le droit criminel a été conçu sur des fondements racistes, sexistes et classicistes, en accordant le droit à la justice aux seuls êtres dont la moralité est jugée appropriée et dont le portefeuille est bien garni? C'est la parole de l'un contre l'autre. Et souvent le plus puissant gagne.

Correspondant-e:

Astou N - CDEACF

Source:

http://www.cyberpresse.ca