En tombant enceinte à 11 ans d’un parfait inconnu alors qu’elle passait une soirée chez son oncle avec sa cousine, cette petite fille pouvait-elle être consentante ?
L'histoire de Justine
Selon la Cour d’Assise de Seine et Marne, il semble que oui. L’homme Cap-Verdien âgé de 22 ans à l’époque des faits aurait ainsi réussir à convaincre une jeune fille de 11 ans d’avoir un rapport sexuel. Poursuivi pour viol, il a été acquitté le 14 novembre.
Il existe une carence dans notre code pénal. Les mineures de moins de 15 ans sont aujourd’hui protégées contre les atteintes sexuelles. Elles ne le sont pas contre le viol qui requiert le non consentement de la victime pour être qualifié.
Dans cette affaire, cette preuve a fait défaut. Il s’agissait de la parole de la jeune fille contre son agresseur. Ce dernier a, pour sa défense évoqué « la chaleur africaine » et le mensonge de la jeune fille sur son âge. La jeune fille quant à elle a toujours conservé la même version des faits contrairement à son agresseur qui a semble-t-il nié la relation sexuelle lors de sa première déposition.
L’éducatrice qui a recueilli l’enfant après les faits a indiqué « qu’on ne pouvait pas la confondre avec une adolescente ou une femme » bien qu’elle fût enceinte. Peut-on dès lors estimer que cet homme était sain dans sa démarche lorsqu’il l’a abordé ce soir-là dans le parc, en lui demandant de le suivre et de se coucher sur le sol ?
La défaillance de la justice pénale
Le consentement se définit par « l’action de donner son accord à une action ». Peut-on penser qu’une enfant de 11 ans est en capacité de donner son consentement dans le cadre d’un acte sexuel alors qu’on ne lui confère le droit d’émancipation qu’à compter de 16 ans et le droit de vote à partir de 18 ans ?
Selon un sondage d’AIVI, « un mineur peut-il être consentant ?» du 6 Novembre 2017, moins d’1% des participants estimait qu’un mineur de 12 ans pouvait consentir à un acte d’une nature sexuelle avec un adulte extérieur à sa famille. Alors que faut-il penser de cette décision ?
Les faits remontent à plusieurs années, la victime n’a pu porter plainte que lorsqu’elle en a trouvé le courage. Le courage d’affronter ses peurs et de transformer sa honte en une force. Une force pour affronter son agresseur, lui faire face. Parfois les souvenirs s’effacent mais les cicatrices demeurent.
Les jurés se sont-ils laissés abusés par un souci d’application de la loi ou par la gentillesse de cet homme de 22 ans épris d’une « chaleur africaine » au moment des faits ? Pouvons-nous encore nous fier à une jurisprudence ou à un système législatif lorsqu’une enfant de 11 ans tombe enceinte ?
Le viol est défini par l’article 222-23 du code pénal tel « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » La définition de la contrainte repose sur l’état de gêne de quelqu'un à qui on impose ou qui s'impose une attitude contraire à son naturel, à son penchant. Les jurés de la Cour d’Assises ont-ils considéré cette hypothèse lors de leur verdict ?
Laisser le champ libre de l’interprétation du consentement revient à ouvrir la porte à beaucoup d’incertitudes sur la qualité et le bien-fondé des décisions telle que celle qu’a prise la Cour d’Assise lors de ce procès. Elle n’est pas sans rappeler la récente affaire de Pontoise en septembre dernier au cours de laquelle le viol sur une mineure de 11 ans a été requalifié en atteinte sexuelle en l’absence de contrainte reconnue par le jury. L’enfant avait suivi un homme de sa cité de 28 ans qui l’a embrassé et demandé une fellation dans l’ascenseur avant de la violer dans son appartement.
Combien de procès faudra-t-il encore avant que les consciences ne se réveillent sur l’importance de préserver les enfants ?
Le jugement de la Cour d’Assise de Champs sur Marne a été porté devant la Cour d’Appel par le Parquet qui a estimé que « jusqu’à 15 ans, un enfant doit être préservé. Son consentement n’est pas éclairé. »
Agissons ensemble !
La question du consentement est au cœur des actions d’AIVI.
En dehors du champ d’application de l’atteinte sexuelle incestueuse, telle que définie à l’article 227-27-2-1 du code pénal, la qualification du viol et des atteintes sexuelles demeure similaire dans le cadre de l’inceste. Ce qui implique que le viol commis par « 1° Un ascendant ; 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ; 3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2° » est également soumis à la preuve de l’absence de consentement de la victime pour être qualifié.
La législation française actuelle ne protège pas efficacement les mineurs contre l’inceste et les autres violences sexuelles, à cause d’un « consentement » présumé qui n’existe que dans l’esprit des agresseurs et dans le vide juridique d’une définition du viol pensée pour les victimes adultes et appliquée aux enfants. La présomption de consentement sert en pratique à requalifier les crimes en « délits » et les viols en « atteintes sexuelles », et empêche très souvent les victimes d’obtenir une juste réparation de leur préjudice. Ceci n’est pas sans oublier que le délai de prescription en France est de dix ans pour les délits (atteintes sexuelles) et de vingt ans pour les crimes (viol).