Viol sur mineur: pour une présomption de non-consentement (pétition)

Projet Publié le 26.09.2017

Le drame de Sarah, violée à 11 ans, vient nous rappeler une grave carence du droit français qui ne protège pas suffisamment les mineurs contre les violences sexuelles. Agissez avec nous pour mettre fin à cette révoltante injustice en modifiant la loi !

Que s'est-il passé  ?

L'affaire a été révélée par Mediapart et reprise dans la plupart des media nationaux (France Inter,  L'Express, Le Monde, ...). Sarah, une jeune fille de 11 ans, a déposé plainte pour viol contre un homme de 28 ans. Celui-ci a reconnu les faits en prétendant que la victime présumée était consentante. Or le parquet du tribunal de Pontoise lui a donné partiellement raison en retenant la qualification d'atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans mais pas celle du viol.

Comment est-ce possible ?

(le paragraphe qui suit est extrait du livre L'inceste, 36 questions-réponses incontournables, écrit par Isabelle Aubry et Gérard Lopez, publié par Dunod)

Nos lois qui ne sont pas à un paradoxe près, s’appliquent de la même manière aux adultes et aux enfants, ce qui est injuste voire même choquant.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il faudra d’abord pour constituer l’infraction sexuelle, rechercher si la personne « présumée » victime était consentante ou non. Ce régime s’applique également à l’enfant de 0 à 18 ans ce qui n’est pas très protecteur pour lui.

En résumé, pour que l’inceste soit puni, il faut en priorité prouver que la « présumée » victime n’était pas consentante. Comment imaginer et encore mieux prouver, qu’un enfant s’est opposé à une relation sexuelle avec un adulte ? Son consentement est présumé mais laissée à l'appréciation souveraine des juges selon l’article 222-22-1 du Code pénal.

Or, en cas d’inceste, il n’est pas nécessaire pour un agresseur de la famille d’user de menace, contrainte, violence ou surprise du fait même de sa relation de confiance avec l’enfant. Qu’il soit commis par un frère, un père, un oncle, une grand-mère… l’enfant éduqué dans un milieu incestueux n’est pas apte jusqu’à un âge avancé à détecter le bien ou le mal de ce qu’il subit. Pour lui c’est normal. Ces qualificatifs ne sont donc pas appropriés à l’inceste.

Cette obligation de prouver le non consentement du mineur pose un véritable problème de justice et conduit à des aberrations insupportables. Pour mieux comprendre, prenons l’exemple de Nathaniel, violé par son oncle à 11 ans:

Cas clinique 39 Pendant le procès d’assises, son agresseur reconnaît les faits, demande même pardon publiquement à Nathaniel. Pourtant il est acquitté au motif que l’enfant n’ayant pas dit « non », est considéré comme consentant et que par conséquent l’infraction de viol n’est pas caractérisée. (Vaucluse : l’incompréhensible acquittement pour viol. La Provence 23 novembre 1999. Laetitia Sariroglou). Pour éviter cela, il aurait fallu procéder à une déqualification du viol en atteinte sexuelle sans menace, violence, contrainte ou surprise, soit une agression sexuelle avec consentement de la victime passible de dix et non vingt ans de prison. Il aurait par conséquent fallu minimiser le crime pour punir l’agresseur. On appelle cela, correctionnaliser un crime en délit. De ce fait, Nathaniel aurait été reconnu victime oui, mais victime consentante, soit une sorte de complice de l’agresseur. On pourrait imaginer mieux pour se reconstruire et avoir confiance en la société. On comprend pourquoi le système de défense des agresseurs repose souvent sur le consentement de la « présumée » victime avec des arguments récurrents comme : « C’est-elle qui a voulu… », « Nous avions une relation amoureuse… », « Il ou elle m’a provoqué… séduit », « Il n’a pas dit non », etc.

Pour en finir avec ces contorsions juridiques iniques, les survivant-es ont voulu la création d’un crime d’inceste spécifique comme au Canada ou en Suisse par exemple. C’est l’objet du combat de Face à l'inceste depuis le début des années 2000. La bataille législative La première avancée concerne le consentement de l’enfant. Ce combat a été mené par Marie-Louise Fort, alors députée de l’Yonne. Dans sa loi du 8 février 2010, tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des survivant-es d'actes incestueux, elle insère l’article 222-22-1 du Code pénal.

Ce dernier précise que la contrainte peut être physique ou morale et qu’elle peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. En clair, cet article prend en compte, pour qualifier l’infraction, le fait que l’enfant, sous l’emprise de l’adulte, inconscient de ce qui lui arrive, ne peut pas donner son consentement à ce qu’il subit. Cette première avancée a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité visant à la remettre en cause. Toutefois, le Conseil Constitutionnel a jugé (décision n° 2014-448 QPC du 6 février 2015) que l’article en question était conforme à la constitution française. En conséquence, les juges de fond, qui avaient bien des difficultés à prouver l’absence de consentement de l’enfant et qui se voyaient régulièrement désavoués par la cour de cassation, peuvent aujourd’hui utiliser cet article de loi.

La cour de cassation dispose d’un outil légal pour abonder dans leur sens. Pour preuve, le 18 février 2015, la chambre criminelle a rendu l’arrêt suivant concernant le pourvoi n° 14-80 772 : « Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt attaqué relève que celui-ci a reconnu les faits et qu'il est suffisamment établi, notamment par les déclarations des victimes, que, si aucune de ces dernières n'a fait état de violences ou de menaces exercées sur elle par le prévenu, celui-ci, de par son statut et son aura de professeur reconnu de karaté lui conférant une autorité certaine, a su créer une proximité relationnelle et affective avec des jeunes garçons, les plaçant dans une situation de dette en leur offrant divers cadeaux et que ce comportement caractérise suffisamment la contrainte morale exigée par l'article 222-22-1 du code pénal. Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que la contrainte résulte de l'autorité de fait exercée sur les victimes par le prévenu, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. »

La décision du Conseil Constitutionnel et cette jurisprudence permettent maintenant aux juges de fond de prouver l’absence de consentement de la « présumée » victime mineure du seul fait de son âge et du lien avec l’agresseur. On peut dire que le chemin a été laborieux, semé d’embûches, que le résultat est bien technique pour un survivant-e. Reste à espérer qu’il ne soit pas, une fois de plus, remis en question. Précisons que cette avancée bénéficie à tous les mineurs survivant-es de l’inceste et de pédocriminalité dès lors que l’agresseur a un lien d’autorité de droit ou de fait avec lui. Pourtant, nous préférerions que le non consentement ne soit pas soumis à l’appréciation subjective d’un magistrat, mais de droit.

Le Haut Conseil de l'Égalité soutient ce combat

Le haut conseil de l'Égalité homme-femmes a pris position pour un seuil de présomption de non-consentement dans un communiqué du 26 septembre 2017

Procès de Pontoise : un appel à changer la loi pour mieux protéger les victimes mineures de viol

En dépit d’une plainte pour viol, un homme est aujourd’hui jugé au Tribunal de Pontoise pour "atteinte sexuelle" car le Parquet a estimé que la victime mineure de 11 ans était consentante.

Pour Danielle BOUSQUET, Présidente du Haut Conseil à l’Egalité : « il est impensable que l’on interroge encore le consentement de jeunes enfants dans le cas de relations sexuelles avec des adultes. Ces faits sont des viols et doivent être jugés comme tels. » 

Le Haut Conseil à l’Egalité rappelle que parmi les victimes de viols et de tentatives de viol, 59% l’ont été pour la 1ère fois avant leurs 18 ans. 

A l’instar de ce qui existe déjà en Espagne (12 ans), en Angleterre (13 ans), au Danemark (15 ans), en Belgique (14 ans), et dans bien d’autres pays, le Haut Conseil à l’Egalité recommandait en octobre 2016, dans son "Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles" que l’âge de 13 ans soit retenu comme seuil en dessous duquel les mineur.e.s seront présumé.e.s ne pas avoir consenti. Pour les mineur.e.s de 13 à 18 ans, le droit actuel continuerait de s’appliquer.

Face à l'inceste pour sa part demande un seuil de non-consentement à 18 ans. Un mineur n'a pas le droit de conduire une voiture, ni de voter, ni d'ouvrir un compte en banque, ni d'acheter des cigarettes ou de l'alcool, ni d'entrer dans un casino, ni de regarder un film "pour adultes". Pourquoi aurai-t-il le droit d'être violé par un adulte en étant présumé consentant ? Au nom de quelle morale, au nom de quel objectif d'intérêt public les mineurs sont-ils aussi mal et aussi peu protégés contre le viol par la loi française et l'institution judiciaire ?

D'autres associations impliquées

Collectif féministe contre le Viol, Collectif National pour les Droits des Femmes, Coordination Lesbienne en France, les Effronté-e-s, Fédération Nationale Solidarité Femmes, Femmes solidaires, Groupe pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie, Maison des Femmes de Paris, Mémoire Traumatique et Victimologie, Osez le Féminisme, Planning Familial, L'enfant Bleu, La Voix de l'Enfant, l'Institut de Victimologie.

 

Agissez avec Face à l'inceste en signant sur change.org la pétition adressée à la ministre de la justice.