Aude Doumenge, chargée de plaidoyer et de communication pour Face à l'inceste rencontre Etienne DIRANI de l'association "Point de contact"
Question 1
Face à l'inceste : Pouvez-vous faire un rappel succinct de ce qu’est Point de Contact ?
Point de Contact : Créée en 1998, l’association Point de Contact a pour mission de protéger les internautes des dérives liées aux cyberviolences. Point de contact propose différents outils permettant aux internautes de signaler gratuitement, anonymement et simplement les contenus préjudiciables accessibles en ligne afin d’en obtenir le retrait auprès des hébergeurs et plateformes numériques en France et à l’International. Premier signalant professionnel auprès de PHAROS et signaleur de confiance des plateformes numériques, l’association s’impose comme une référence dans le traitement des signalements de contenus d’exploitation sexuelle de mineurs, de haine en ligne et à caractère terroriste.
Point de Contact s’investit également pour informer et sensibiliser le grand public sur les contenus et comportements répréhensibles en ligne, ainsi que la protection des professionnels exposés à des contenus traumatisants.
Question 2
Face à l'inceste : Pour établir un lien entre l’inceste et la cyber-pédocriminalité, avez-vous des données concernant le passage de l’inceste au sein des foyers et les transferts éventuels vers les pratiques numériques, dont la diffusion et la commercialisation de vidéos pédocriminelles ? Avez-vous des données chiffrées et des éléments d’analyse ?
Point de Contact : Il est malheureusement difficile à notre niveau d’identifier précisément si les images et vidéos d’abus sur mineurs que nous recevons sont réalisées dans le cadre d’actes incestueux. C’est lorsque nous transmettons ces images aux forces de l’ordre qu’il sera déterminé, dans le cadre d’une éventuelle enquête, si elles ont été enregistrées dans le cadre intra-familial.
Toutefois, lors de l’analyse des contenus, l’équipe de Point de Contact est particulièrement attentive aux indices présents sur les contenus qui pourraient être pertinents à des fins d’enquête et d’investigation. Des informations additionnelles peuvent aussi être transmises par les signalants ou par les plateformes partenaires du réseau international INHOPE. Point de Contact transmet toute information pertinente aux forces de l’ordre.
Question 3
Face à l'inceste : En cas d’inceste et de diffusion des vidéos, quelles sont les actions à mener pour protéger les victimes ?
Point de Contact : La première chose à faire pour les victimes est de rechercher de l’aide et des conseils auprès d’une personne de confiance. L’inceste est une situation délicate, tabou, dont il est très difficile de se sortir seul. Il existe ensuite des solutions pour se protéger, telles que dénoncer la situation aux forces de l’ordre et, si des images ou vidéos des actes ont été diffusées en ligne, transmettre les adresses des contenus en ligne à Point de Contact afin de les faire retirer dans les plus brefs délais.
En assistance aux victimes, leur entourage a également un rôle essentiel à jouer pour les protéger. Tout d’abord, en restant attentifs aux signes pouvant indiquer que le mineur est dans une situation de détresse. En cas de doute, il est aussi possible de se tourner vers des structures associatives compétentes, telles que Face à l’Inceste ou l’Enfant Bleu.
Question 4
Face à l'inceste : Quels sont les liens que vous pouvez faire entre l’inceste et la prostitution de mineurs en ligne ?
Point de Contact : Nous avons pu constater, dans plusieurs contenus, que les victimes d’exploitation sexuelle étaient filmées par leurs proches, voire subissaient des sévices de leur part, à la demande d’un client.
Question 5
Face à l'inceste : Un cas concret : un adolescent est victime de grooming, comment l’adulte ou le parent peut-il réagir et le protéger ?
Point de Contact : Afin de mieux se protéger contre ce type de cas, il faut tout d’abord apprendre à reconnaître les signes. Lors d’un cas de grooming, l’adulte qui cherche à à tromper ou manipuler l’enfant va souvent lui poser des questions personnelles sans rapport avec la situation d’origine. Lorsque les demandes deviennent insistantes, il est recommandé d’en parler avec une personne de confiance pour recueillir un avis extérieur et de faire des captures d’écran des conversations, afin de conserver les preuves avant de bloquer le compte.
Après avoir stoppé tous les échanges, il est ensuite recommandé de déposer plainte auprès des forces de l’ordre et de signaler le compte sur le réseau social où la victime a été sollicitée, ou avec l’aide de Point de Contact.
Bien sûr, il est primordial pendant toute cette période de préserver un dialogue sain entre l’enfant et le parent, afin de faire comprendre au mineur qu’il a été exposé à un agresseur et mis en danger, et de faire peut-être le point sur son usage des réseaux (sans tomber dans une trop lourde leçon de morale pour éviter le victim-blaming.
Question 6
Face à l'inceste : Pensez-vous que les actions de prévention et d’éducation à la vie affective et sexuelle ou aux usages numériques puissent être des leviers d’action pour réduire la cybercriminalité en ligne ?
Point de Contact : En effet, la méconnaissance du sujet et des risques, autant par les mineurs que par leurs parents, est la première faille qui permet aux criminels d’abuser de la confiance des victimes. Les actions de prévention et d’éducation à la vie sexuelle, ainsi que la formation aux usages numériques et aux pratiques en ligne, permettent de mieux prendre conscience de cette réalité, ainsi que d’identifier et de se protéger face aux situations à risque.
Question 7
Face à l'inceste : Quelle réalité à venir avec les technologies futures comme l’IA ?
Point de Contact : Les technologies d’IA sont déjà utilisées pour créer des contenus d’exploitation sexuelle de mineurs. On peut trouver des images pornographiques où des visages de mineurs ont été apposés, ou des modificateurs d’images permettant de « déshabiller » artificiellement des mineurs. Les contenus générés par l’IA sont de plus en plus réalistes, ce qui pourrait, à terme, rendre le travail des analystes et des enquêteurs plus difficile, notamment pour identifier les contenus impliquant des victimes réelles.
Le grooming, aussi appelé prédation en ligne, est une forme d’exploitation et d’abus envers les enfants sur Internet
Le victim blaming ou le fait de blâmer la victime, est une attitude qui consiste à tenir les victimes d'une agression ou d'une injustice pour responsables de ce qu'elles ont subi