C’est un fait, les abus sexuels dans l’enfance sont associés à un risque accru de dépression à l’âge adulte. Loin d’être juste psychologique, cette fragilité est aussi génétique, plus précisément épigénétique. C’est ce qu’a découvert une équipe de l’université McGill à Montréal, après avoir étudié le cerveau de 24 victimes de suicide dont 12 avaient subi des abus sexuels dans l’enfance. Ces derniers présentaient tous une baisse de l’expression du gène NR3C1, impliqué dans la réponse au stress. Une anomalie qui explique la vulnérabilité et la tendance accrue au suicide. On savait que l’environnement pouvait affecter nos gènes mais cette étude surprenante montre que les traumatismes peuvent également perturber notre identité génétique, en modifiant directement l’ADN.
L’abus sexuel entraîne un marquage chimique du gène NR3C1 dans l’hippocampe, une zone du cerveau. Ce marquage, appelé méthylation, empêche le gène de s’exprimer normalement, d’où une réponse altérée au stress, explique Moshe Szyf, l’un des auteurs de l’étude. La méthylation est un processus normal de régulation des gènes mais, chez ces victimes, elle se fait de façon erratique, inhibant de 40% l’expression de NR3C1. Cette erreur est probablement causée par la libération excessive de l’hormone de stress, comme le cortisol ou l’adrénaline, chez les enfants victimes d’abus. Heureusement, ces changements génétiques sont réversibles. On sait que certains médicaments anticancéreux annulent la méthylation et l’aide psychologique peut également avoir une influence explique Moshe Szyf dont l’équipe réfléchit déjà aux possibilités de traitement.
Science et Vie, Mai 2009