L'EMDR : regards du praticien et du patient

Dossier Publié le 12.03.2014

Par Carine Deschepper

EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) peut se traduire en français par : désensibilisation et retraitement par mouvement oculaire. Il s'agit d'une thérapie visant à guérir un traumatisme passé en retravaillant les émotions par des techniques proches de l'hypnose.

Entretien avec Christine Ledu, praticienne EMDR dans le Finistère :

L'EMDR est une thérapie relativement récente, depuis quand l'exercez-vous ?

L'EMDR en tant que telle est apparue dans les années 80 effectivement, du moins en ce qui concerne le terme précis car les techniques utilisées lors de cette thérapie sont connues depuis longtemps. L'EMDR est une sorte d'hypnose. Et pour répondre à votre question , j'exerce les techniques de l'EMDR depuis 2003.

Quelles sont les étapes principales lors de vos séances avec vos patients ?

La première phase est une phase d'écoute dans laquelle le patient explique ses symptômes ainsi que son histoire personnelle. J'instaure un véritable dialogue afin de définir les besoins précis de chaque personne. La seconde phase est celle de la technique à proprement parler qui consiste en des mouvements des yeux. Au cours de la séance, on analyse ce qui se passe, ce que ressent la personne, c'est un travail émotionnel. Et enfin, nous faisons un bilan, évaluons si besoin le nombre de séances futures et ajustons la thérapie selon les attentes et besoins du patient.

En quoi, concrètement, l'EMDR peut aider une victime d'inceste à surmonter ce traumatisme au quotidien ?

L'EMDR permet de retraiter l'information bloquée au moment de l'agression, le souvenir traumatisant, l'angoisse. Les victimes sont profondément marquées au niveau émotionnel et c'est là que l'EMDR permet d'agir. Redresser les traumatismes au niveau des angoisses profondes, des peurs, des problèmes d'ordre sexuel. En retraitant l'information afin de la gérer de manière positive, l'EMDR n'efface en rien le souvenir évidemment mais permet de retravailler les images, souvenirs et émotions dans le but d'un déblocage émotionnel.

Est-ce une thérapie qu'il faut envisager sur le long terme ou peut-on bénéficier d'un bienfait réel rapidement ?

L'EMDR est une thérapie à court terme, contrairement à une psychothérapie par exemple. Quelques fois, lorsque l'événement traumatisant est un fait isolé, deux ou trois séances suffisent amplement. Après cela dépend de l'ancienneté du souvenir, de la durée du traumatisme mais ce n'est pas un traitement de très long terme. On peut ressentir un mieux dès la première séance.


Entretien avec Sylvie V. 50 ans qui a testé l'EMDR et témoigne de son expérience :

Quand et comment avez-vous découvert l'EMDR ?

Il y a un an. Auprès d'un psychothérapeute de Lyon-Villeurbanne qui est victimologue et traumatologue. Je cherchais un médecin pratiquant l'hypnose et l'EMDR dont j'avais entendu parler.

Avez-vous eu l'occasion de tester d'autres thérapies ?

Non, rien en dehors de la psychothérapie classique. L'EMDR, comme l'hypnose semblait pouvoir me convenir.

Quel bienfait pouvez-vous attribuer directement à l'EMDR ?

Pour mon cas très personnel, car chaque personne va le vivre différemment, l'EMDR m'a permis de revivre l'événement sans souffrance. Il reste toujours le souvenir, intact, terrible mais il n'est plus qu'un souvenir. Je peux l'évoquer et y repenser sereinement. Sans violence, sans larmes, sans souffrance. J'arrive aujourd'hui à en parler, à vivre avec ce souvenir sans douleur.

Avez-vous ressenti un bienfait rapidement ou cela a-t'il été progressif ?

Si je vous dis que je n'ai fait que six séances ? Sincèrement, je remercie de tout coeur, oui, j'adresse un grand merci à mon médecin. Ce fut très rapide pour moi. Et cela s'est répercuté dans tous les domaines. Il y a un an, je renaissais. Ce psychothérapeute et l'EMDR m'ont permis de renaître. Je suis aujourd'hui une femme, qui a certes un vécu, une histoire mais qui n'en souffre plus. Au départ, j'avais un peu peur, des appréhensions, car il y a très peu d'informations concernant l'EMDR mais je ne regretterais jamais cette démarche, je suis libérée, les larmes ne viennent plus systématiquement, plus de crises, plus de rechute, je me remets même d'une dépression. J'ai aujourd'hui cinquante ans et j'étais sous médication depuis vingt ans.
Aujourd'hui, je suis en train de stopper progressivement les anxiolytiques et anti-dépresseurs. Ma rencontre avec ce psychothérapeute, une amie victime elle aussi et l'amour. Voilà ce qui aujourd'hui me permet de revivre. Et je souhaite vraiment faire passer ce message d'espoir à tout le monde, ceux qui souffrent encore. Il faut parler, il faut essayer, il y a un soleil au bout de la route.

Vous recommanderiez donc l'EMDR ?

Oui, l'hypnose et l'EMDR. Oui, absolument. Par contre, il faut dire aux personnes de bien se renseigner avant sur le praticien avant de consulter, s'assurer qu'il s'agisse de quelqu'un de compétent, qui a été correctement formé. Mais il y a aussi l'aspect financier dont il faut tenir compte. Même si peu de séances peuvent suffire, cela représente quand même un budget qui n'est pas forcément accessible à tout le monde. Et c'est dommage que cette question se pose lorsque l'on est déjà en souffrance. Sinon, c'est une méthode qui pour moi a été formidable.