Nous avons participé à l’élaboration d’un nouveau plan parisien qui inclut des mesures spécifiques sur l’inceste dans le cadre d’une politique volontariste pour mieux protéger les enfants de toutes les formes de violence.
Le 4 juin dernier, le plan parisien de lutte contre les violences faites aux enfants a été adopté à l’unanimité par le Conseil de Paris. Ce dispositif concrétise une demande exprimée par les enfants dans la Charte Parisienne des droits de l’enfant signée en novembre 2020 par Anne Hidalgo : celle d’être mieux protégés face aux violences de toute nature.
Comme le rappelle Dominique Versini adjointe à la mairie de Paris chargée de l’enfance et coordinatrice du plan : « Paris compte 400 000 enfants, soit 20 % de notre population et c’est notre rôle de protéger nos enfants et de faire en sorte qu’ils connaissent leurs droits, sachent où aller et à qui se confier lorsqu’ils sont victimes de violences physiques, psychologiques, sexuelles, de harcèlement, que cela se passe à l’école, en milieu sportif, à la maison … » (« Le parisien » 19/11/2020).
Élaboration et orientation du plan
250 acteurs institutionnels (Éducation nationale, sécurité sociale, allocation familiales, agence régionale de santé, hôpitaux de Paris, RATP, Magistrats, Brigade des mineurs …) et associatifs (dont Face à l’inceste représentée par la présidente Isabelle Aubry et le vice-président Patrick Loiseleur) ainsi que des pédiatres et pédopsychiatres ont été répartis sous forme d’ateliers. Les travaux ont permis de cerner les contours des violences dont un enfant peut être victime sur le territoire parisien :
- les violences intrafamiliales : pratiques éducatives à la limite de la maltraitance, enfants victimes collatérales de violences conjugales, violences sexuelles notamment l’inceste dont l’ampleur a été révélée par la récente libération de la parole des victimes. Ajoutons que le contexte de confinement sanitaire a accru le phénomène, en témoigne le taux d’appels de + 20 % enregistré par le numéro d’urgence 119 durant le premier confinement.
- les violences dans les milieux sportifs et culturels.
- le harcèlement entre enfants, amplifié par les réseaux sociaux et le cyber-harcèlement.
- les structures d’accueil des enfants peuvent être également le théâtre de violences : établissements sociaux et médicaux sociaux, familles d’accueil, structures pour enfants en situation de handicap, hôtels et centres d’hébergement d’urgence.
- la prostitution des mineurs
- la violence observée dans les transports parisiens à travers le phénomène de « mineurs isolés ».
Les mesures concrètes
Le plan s’articule autour de 24 mesures. Retenons les dispositions les plus novatrices : création d’un guichet unique pour signaler toute violence faite aux enfants (La maison des enfants), d’un accueil de jour pour les enfants « co-victimes de violences conjugales » ainsi que pour les victimes de cyber-harcèlement.
Face à l’inceste se réjouit tout particulièrement de l’ouverture à Paris d’un foyer de protection de l’enfance pour les victimes d’inceste. Ce dispositif s’inspire directement de la maison spécialisée à Agen (association Docteur Bru), dédiée à l’accueil des jeunes filles victimes d’inceste. Créé en 1996, cet établissement était jusqu’à présent, la seule structure en France pouvant recevoir des jeunes filles âgées de 12 à 20 ans à la suite d’un placement décidé par la justice. Même si les choses progressent dans la bonne direction, l’idéal serait que chaque département français soit doté d’une telle structure.
Aller plus loin sur le dépistage
Face à l’inceste avait également évoqué lors des 3 réunions de travail en atelier, la nécessité de commencer par le dépistage. L’éducation nationale a annoncé un dépistage de l’inceste et de la pédocriminalité avec deux rendez-vous dans la scolarité de chaque enfant en primaire, et en secondaire. Il faudrait aller plus loin et organiser un tel dépistage tous les ans pour tous les enfants. C’est ce que nous avons suggéré à Dominique Versini. Cette campagne de dépistage aurait permis en outre de dégager des statistiques à partir de données quantitatives et qualitatives pour orienter une politique nationale de prévention de l’inceste. Le plan voté le 4 juin par le Conseil de Paris ne comporte pas ce type de mesure, mais nous continuons à espérer qu’elle sera mise en place tôt ou tard. Car le dépistage reste la première action de prévention, et une première étape indispensable pour déclencher l’aide, arrêter les agresseurs et limiter les conséquences.